Avant le 6 septembre 1901, le républicain William McKinley, 25ème président des États-Unis, incarne la prospérité américaine. Son mandat reflète une ère de triomphe industriel, d’expansion coloniale et de stabilité politique. Sous son administration, l’Amérique consolide son rôle de puissance mondiale, tout juste sortie victorieuse de la guerre hispano-américaine. Son second mandat, entamé début mars 1901, vise la continuité. McKinley, en campagne pour promouvoir l’unité nationale et le progrès économique, se rend à Buffalo pour l’Exposition pan-américaine, symbole de l’innovation et de la confiance de l’Amérique dans son avenir.
Mais derrière cette façade d’optimisme, la société est traversée de tensions sociales. La révolution industrielle, bien que bénéfique en apparence, creuse les inégalités. Tandis que certains prospèrent, d’autres, comme Léon Czolgosz, sombrent dans la misère et la désillusion. Ouvrier de 28 ans, devenu anarchiste après avoir été témoin des injustices sociales, Czolgosz voit en McKinley le symbole d’un système oppressif et inhumain.
Le 6 septembre, Czolgosz se fond dans la foule venue rencontrer le président. Caché derrière une fausse sympathie, il dissimule un revolver sous un mouchoir. Lorsque son tour arrive, deux coups de feu sont tirés à bout portant. McKinley s’effondre.
L’Amérique, qui se croyait intouchable, est soudain confrontée à la fragilité de son système politique. Malgré des tentatives pour sauver le président, McKinley succombe à ses blessures le 14 septembre 1901.
Les conséquences de cet attentat dépassent la mort d’un président. L’assassinat de McKinley marque un tournant dans l’histoire américaine. Theodore Roosevelt, son vice-président, devient le plus jeune président des États-Unis. Il incarne une nouvelle génération de dirigeants, marquée par l’interventionnisme et la réforme sociale. Sous sa présidence, l’Amérique s’affirme davantage sur la scène internationale avec la politique du « Big Stick », une doctrine expansionniste et militariste. Sur le plan intérieur, Roosevelt mène des réformes progressistes pour réguler les grandes entreprises et protéger les travailleurs, un contraste frappant avec l’approche conservatrice de McKinley.
L’acte de violence de Czolgosz ne détruit pas le système qu’il déteste. Au contraire, il renforce l’autorité de l’État américain et ouvre la voie à une Amérique plus puissante et plus interventionniste.
Chronologie
Jeunesse et débuts politiques (1843-1896)
1843 janvier 29 – Naissance à Niles, Ohio.
1861-1865 – McKinley sert dans l’armée de l’Union pendant la guerre de Sécession, atteignant le grade de major.
1867 – Il est diplômé de l’école de droit d’Albany et commence à pratiquer le droit en Ohio.
1876 – Il est élu à la Chambre des représentants des États-Unis, où il siège jusqu’en 1891.
1891 – McKinley devient gouverneur de l’Ohio, poste qu’il occupera jusqu’en 1896.
Campagne présidentielle et élection de 1896
1896 – McKinley est choisi comme candidat républicain pour l’élection présidentielle, avec une campagne axée sur le maintien de l’étalon-or et la promotion du protectionnisme. Il fait face à William Jennings Bryan, candidat démocrate, qui défend l’argent libre (la monnaie d’argent pour stimuler l’inflation et alléger la dette des agriculteurs).
1896 novembre 3 – McKinley remporte facilement l’élection, grâce au soutien des grandes entreprises et des électeurs urbains. Il obtient 51 % des voix populaires et 271 grands électeurs, battant William Jennings Bryan qui a récolté 46,7 % des voix et 176 grands électeurs.
Premier mandat présidentiel (1897-1901)
Politique économique et industrielle
McKinley est un fervent défenseur des tarifs douaniers élevés pour protéger l’industrie américaine. Il signe en 1897 le Dingley Tariff Act, qui augmente les droits de douane.
La reprise économique qui suit la dépression des années 1890 est en partie attribuée à sa politique.
Politique étrangère : Guerre hispano-américaine
1898 avril 25 – Sous la pression des événements à Cuba et de l’opinion publique, McKinley demande au Congrès de déclarer la guerre à l’Espagne après l’explosion du cuirassé USS Maine à La Havane.
Août 1898 – Après une courte guerre, l’Espagne cède Porto Rico, Guam et les Philippines aux États-Unis. Cuba devient un protectorat américain.
1899 – McKinley joue un rôle clé dans l’expansion impérialiste des États-Unis. Sa décision de conserver les Philippines mène à la guerre américano-philippine.
L’essor impérial américain
Sous McKinley, les États-Unis prennent une position plus affirmée sur la scène internationale, développant une politique impérialiste qui les place en compétition avec d’autres puissances coloniales.
L’annexion d’Hawaï en 1898 est une autre manifestation de cette expansion.
Politique intérieure : la « Open Door Policy »
1899 – McKinley soutient la politique de la porte ouverte en Chine, prônant le libre accès des puissances étrangères aux marchés chinois, tout en préservant l’intégrité territoriale de la Chine.
Réélection de 1900
1900 novembre 6 – McKinley est réélu avec Theodore Roosevelt comme colistier, remportant de nouveau une victoire contre William Jennings Bryan avec 51,6 % des voix populaires et 292 grands électeurs, contre 45,5 % des voix et 155 grands électeurs pour son adversaire démocrate. La campagne s’est concentrée sur les succès économiques de son premier mandat, ainsi que sur la prospérité nationale retrouvée après la guerre hispano-américaine.
Second mandat et assassinat (1901)
Politique intérieure et économique
Le deuxième mandat de McKinley est marqué par la continuité de ses politiques économiques et impérialistes. Il reste un défenseur du protectionnisme et du rôle croissant des États-Unis dans les affaires internationales.
Attentat et décès
1901 septembre 6 – Lors d’une visite à l’Exposition pan-américaine à Buffalo, New York, McKinley est abattu par l’anarchiste Léon Czolgosz.
1901 septembre 14 – McKinley succombe à ses blessures après plusieurs jours d’agonie. Son décès marque la fin brutale de son second mandat et déclenche une onde de choc à travers le pays.
Conséquences de sa mort
Theodore Roosevelt, son vice-président, lui succède, apportant un souffle réformiste et une politique étrangère plus agressive avec la « Big Stick Policy ».
Changement de cap : Sous Roosevelt, l’Amérique entre dans une phase de réformes sociales et économiques plus progressistes, marquant une rupture avec le conservatisme de McKinley.
L' Assassin
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L'assassin Leon Czolgosz
Leon Czolgosz, anarchiste américano-polonais né en 1873 est issu d'une famille ouvrière dans le Michigan. Il est influencé par l'anarchisme après la crise économique de 1893, voyant dans le gouvernement la source des inégalités sociales.
Ses principales motivations étaient idéologiques et politiques.
- Influence de l’anarchisme : Czolgosz a été fortement influencé par l’anarchisme, en particulier par les idées de figures comme Emma Goldman et par l’assassinat du roi Umberto I d’Italie par Gaetano Bresci en 1900. Il croyait que les dirigeants politiques étaient les ennemis du peuple et devaient être éliminés pour instaurer une société plus juste.
- Injustice sociale : Czolgosz était profondément affecté par les inégalités sociales et économiques de son époque. Il voyait McKinley comme un symbole de l’oppression capitaliste et de l’injustice sociale. Dans ses propres mots, il a déclaré : « J’ai tué le président parce qu’il était l’ennemi des bonnes gens – les bonnes gens qui travaillent ».
- Isolement et radicalisation : Après avoir été rejeté par plusieurs groupes anarchistes qui le soupçonnaient d’être un espion, Czolgosz s’est isolé et s’est radicalisé. Il a décidé d’agir seul pour prouver son engagement envers la cause anarchiste et pour réaliser ce qu’il considérait comme un acte héroïque pour le bien du peuple.
Capturé immédiatement après l'attentat, il est jugé, condamné et exécuté sur la chaise électrique à la prison d'Auburn le 29 octobre 1901. Son exécution est reconstituée par Thomas Edison, en utilisant le nouveau format de cinéma en 35 mm le 9 novembre 1901.
Les 4 assassinats et multiple tentatives d’assassinat contre des présidents américains reflètent les tensions politiques et sociales profondes qui traversent l’histoire des États-Unis, de la guerre civile à la guerre froide. Qu’il s’agisse des luttes sur l’esclavage, des frustrations face à la corruption ou des conflits idéologiques, chaque attentat met en lumière la vulnérabilité du pouvoir exécutif face à des individus radicalisés. Ces actes violents, bien qu’isolés, ont souvent servi de catalyseurs pour des changements politiques et institutionnels majeurs, comme l’extension du pouvoir exécutif sous Roosevelt ou la réforme de la sécurité présidentielle après l’attaque contre Reagan. Ils rappellent la nécessité de protéger les institutions tout en traitant les causes sous-jacentes des violences politiques.
