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En ce 12 janvier, le calendrier berbère débute son année 2975. Mais qu’est-ce que le calendrier berbère et comment fonctionne-t-il ? Plus qu’un simple outil de mesure du temps, il est un pont entre l’homme et la terre. Un hymne à la nature. Un symbole indéfectible d’identité culturelle pour près de 40 millions d’Amazighs. Ces peuples autochtones d’Afrique du Nord sont dispersés depuis les montagnes de l’Atlas aux dunes du Sahara, des côtes méditerranéennes jusqu’aux oasis du Mali et du Niger.
Les origines de la tradition calendaire berbère"
Il s’inspire du calendrier julien, introduit par les Romains au Ier siècle avant notre ère. Les Amazighs, maîtres de leur terre et de leurs traditions, l’ont adapté à leurs besoins agricoles. Mais son origine mythique remonte à 950 avant J.-C.. Bien que la légende de Chachnaq Ier, un roi berbère ayant accédé au trône d’Égypte, soit un repère identitaire fort, elle est souvent perçue comme une construction moderne. En réalité, le calendrier berbère tel qu’il est utilisé aujourd’hui a été standardisé dans les années 1980 par Ammar Negadi, un militant amazigh, pour renforcer l’identité culturelle des Amazighs. Cette initiative s’inscrit dans une volonté de réappropriation historique face aux influences extérieures.
Un calendrier solaire et agraire
Contrairement au calendrier islamique, basé sur les cycles lunaires, le calendrier agricole berbère rythme les saisons. Il est solaire, profondément lié au rythme immuable du soleil et aux besoins des sociétés. Il divise l’année en 12 mois, chacun aligné sur les saisons pour guider les cycles de la vie rurale. Ainsi, Yennayer (janvier) marque le renouveau et le début des semailles ; Furar (février) annonce la fertilité des champs, tandis que Meghres (mars) célèbre l’arrivée des récoltes. Chaque nom de mois résonne comme une promesse liée à la terre.
| Nom du mois berbère | Traduction en français | Correspondance grégorienne | Saison |
|---|---|---|---|
| Yennayer | Janvier (premier mois) | 12 janvier – 11 février | Hiver (Tagrest) |
| Furar | Février (purification) | 12 février – 11 mars | Hiver (Tagrest) |
| Meghres | Mars (mois des récoltes) | 12 mars – 11 avril | Printemps (Tafsut) |
| Ibrir | Avril (fleuraison) | 12 avril – 11 mai | Printemps (Tafsut) |
| Mayyu | Mai (mois des semailles) | 12 mai – 11 juin | Printemps (Tafsut) |
| Yunyu | Juin (mois chaud) | 12 juin – 11 juillet | Été (Iwilen) |
| Yulyu | Juillet (mois de chaleur intense) | 12 juillet – 11 août | Été (Iwilen) |
| Ghust (ou Awussu) | Août (mois des moissons) | 12 août – 11 septembre | Été (Iwilen) |
| Shtember | Septembre (fin des récoltes) | 12 septembre – 11 octobre | Automne (Amewan) |
| Tuber | Octobre (préparation agricole) | 12 octobre – 11 novembre | Automne (Amewan) |
| Wamber | Novembre (repos de la terre) | 12 novembre – 11 décembre | Automne (Amewan) |
| Jember | Décembre (issu de December) | 12 décembre – 11 janvier | Hiver (Tagrest) |
Ce calendrier est donc une carte vivante des cycles naturels, façonnée par l’observation des phénomènes environnementaux. Cette approche intuitive permet aux besoins humains de rester en harmonie avec les saisons. Il fait du calendrier berbère un outil essentiel pour organiser les récoltes et rythmer les festivités. Ainsi, dans les sociétés rurales, où les horloges mécaniques étaient rares, il fonctionnait comme une montre dictée par les astres et la floraison des cultures.
En contraste avec cette simplicité intuitive, le calendrier grégorien repose sur des ajustements calculés, comme l’ajout d’un jour bissextile tous les quatre ans en février. Le calendrier berbère, lui, place ce jour supplémentaire à la fin de l’année, garantissant une continuité naturelle alignée sur les cycles agricoles.
Yennayer : le Nouvel An berbère et sa signification
Le moment le plus emblématique du calendrier berbère ? Yennayer, célébré chaque 12 ou 13 janvier, où les Amazighs accueillent le Nouvel An. Dans les villages de Kabylie, les marchés vibrent au son des danses et des chants, tandis que les familles se rassemblent autour de couscous et de plats traditionnels. Cette fête, reconnue comme jour férié en Algérie depuis 2018 et au Maroc depuis 2023, est bien plus qu’une simple transition calendaire : c’est une ode à la prospérité et un cri de résistance face à l’effacement des identités.
Un calendrier vivant et résilient
Si le calendrier berbère n’est plus utilisé pour structurer le quotidien, il demeure un puissant symbole identitaire. Malgré son importance symbolique, le calendrier berbère suscite parfois des débats. Certains critiques estiment qu’il a été réinventé à des fins politiques pour renforcer l’identité amazighe face aux influences arabes ou coloniales. D’autres soulignent que son usage reste limité aux sphères culturelles et militantes, sans véritable impact sur la vie quotidienne.
En tout état de cause, les militants amazighs, qu’ils soient dans les écoles ou sur les réseaux sociaux, redoublent d’efforts pour rappeler sa richesse : des enseignants le réintroduisent comme outil pédagogique, et des correspondances avec le calendrier grégorien sont partagées pour le rendre accessible.
Un temps qui inspire
Face au grégorien, le calendrier berbère est organique, enraciné dans la terre ; face à l’islamique, il est solaire, illuminant les saisons. Il ne mesure pas que le temps qui s’écoule : il célèbre aussi celui qui reste à vivre. Il sonne comme un rappel : préserver les racines et ralentir pour écouter le monde. Une leçon d’harmonie à l’heure où nos vies s’accélèrent.
Ce retour aux cycles naturels offre également une perspective précieuse face aux défis écologiques actuels. À une époque où nos sociétés cherchent à rétablir un équilibre entre progrès technologique et respect de l’environnement, le calendrier berbère nous rappelle que vivre en harmonie avec la nature n’est pas seulement une tradition ancienne, mais une nécessité contemporaine.
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