Le jour ou l'Egypte Antique

a repris la parole

Champollion, l'enfant aux mille mots

Le 17 septembre 1822, Jean-François Champollion, cet enfant prodige de la langue, renverse un empire de silence vieux de plus de mille ans. L’Égypte antique, jusqu’alors figée dans ses mystères, gravée dans des pierres illisibles, reprend soudain vie sous l’aiguille intellectuelle acérée de ce linguiste visionnaire. Ce jour-là, Champollion n’a pas seulement déchiffré les hiéroglyphes ; il a brutalement arraché le voile de l’oubli, imposant un coup de génie qui déstabilise tout un pan de la science.

Né en 1790, Champollion n’était pas destiné à se contenter des banalités terrestres. Ce garçon du Lot, avec son regard obsédant tourné vers le passé, n’a jamais eu de temps à perdre avec les futilités contemporaines. Très tôt, une passion dévorante l’emporte : l’Égypte. Et pas l’Égypte du tourisme de masse – non, celle qui se tait, gravée dans des temples et des tombes, et qui défie le commun des mortels de comprendre ses secrets. Encouragé par son frère aîné Jacques-Joseph Champollion-Figeac, véritable mentor et mécène, il se consacre corps et âme à ce défi intellectuel.

Tout commence avec la fameuse pierre de Rosette, cette pierre noire retrouvée par hasard par les soldats de Bonaparte en 1799. Trois textes, trois langues : le grec, que tout le monde comprend ; le démotique, langue courante des scribes ; et les hiéroglyphes, la grande énigme. Mais ce n’est pas un jeu d’enfant, ces symboles millénaires refusent de se livrer. Ils défient les meilleurs esprits, y compris Thomas Young, un autre génie de l’époque. Mais Champollion sait que là où tout le monde s’égare, il y a une logique : celle des sons.

La Pierre de Rosette

L’éclair de génie

Les hiéroglyphes sont-ils des symboles idéographiques ou phonétiques ? Voilà la question qui hante les linguistes de l’époque. Pour la plupart, ces signes sont perçus comme des dessins mystérieux, ne servant qu’à représenter des idées. Mais pas pour Champollion. Lui, il sait que ces dessins sont bien plus que cela. Il s’enferme pendant des heures avec les cartouches de la pierre de Rosette, ces ovales énigmatiques qui renferment les noms de rois. Ptolémée, Cléopâtre – ces noms grecs, traduits en symboles égyptiens, offrent une passerelle. Et soudain, tout s’éclaire.

Le 17 septembre 1822, l’effervescence est telle que Champollion se précipite dans le bureau de son frère, hurlant presque : « Je tiens l’affaire ! ». C’est un coup de théâtre. L’Égypte, longtemps verrouillée, cède sous son regard de déchiffreur. La pierre de Rosette se transforme en clé universelle : Champollion a compris que les hiéroglyphes peuvent être phonétiques, qu’ils traduisent des sons, des lettres, des mots. Ce n’est plus de l’archéologie, c’est de la résurrection.

Une annonce qui fait trembler le monde scientifique

Le 27 septembre, Champollion se présente devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à Paris. Il est prêt à bousculer la science avec sa découverte. Il n’y a pas de place pour les hésitations. Dans sa lettre à M. Dacier, il jette ses découvertes comme des grenades dans les cercles académiques : les hiéroglyphes sont phonétiques. La pierre de Rosette, longtemps silencieuse, se met à chanter sous la plume de Champollion. Les dieux égyptiens eux-mêmes, longtemps enfermés dans leurs tombeaux de pierre, retrouvent leur voix.

La rivalité avec Thomas Young

Mais tout le monde ne l’applaudit pas. Un homme, en particulier, voit son nom menacé : Thomas Young, ce physicien anglais qui avait déjà fait des progrès considérables dans l’étude des hiéroglyphes. Il avait compris quelques éléments, mais il lui manquait la vision globale, le déclic. Et voilà que Champollion, le jeune prodige français, lui vole la vedette, bousculant sa carrière. La compétition devient féroce, et si Young doit concéder la victoire à Champollion, le monde scientifique reste divisé. Les sceptiques s’accrochent à leurs certitudes, refusant de croire qu’un jeune linguiste a fait en quelques années ce qu’eux, avec toute leur rigueur et leur égo, n’avaient jamais réussi à faire.

Le génie en marche

Pourtant, il n’y a pas de retour en arrière. En 1824, Champollion publie son Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, un texte magistral qui achève de sceller sa place dans l’histoire. Le roi Charles X, bien conscient de l’envergure de cette découverte, lui confie les clefs du nouveau département des antiquités égyptiennes au Louvre en 1826. Tout cela à 36 ans. Pourtant, l’homme est déjà usé par ses années de recherche. Il part en Égypte en 1828 pour mettre ses théories à l’épreuve sur le terrain, mais sa santé déclinante le rattrape.

L'héritage brûlant

Le 4 mars 1832, à seulement 41 ans, Champollion meurt. Mais s’il a quitté le monde des vivants, il a offert à l’Égypte une immortalité nouvelle. Ses découvertes ont libéré des millénaires de silence. Je ne peux que saluer l’exploit de cet homme.

Aujourd’hui, chaque fois que des archéologues ou des égyptologues se penchent sur les inscriptions égyptiennes, c’est Champollion qu’ils retrouvent derrière leurs outils, à chaque page de papyrus, à chaque stèle déchiffrée. L’Égypte n’a plus de secrets, ou presque, grâce à ce génie qui a osé défier l’impossible. Ce déchiffrement n’était pas seulement une prouesse intellectuelle, c’était une bataille contre le temps, contre l’oubli, et Champollion l’a remportée avec la ténacité d’un guerrier des mots.

Le 17 septembre 1822 n’est donc pas seulement le jour où les hiéroglyphes ont été décryptés. C’est le jour où l’Égypte antique, figée dans ses pierres, est redevenue vivante. C’est le jour où Champollion, armé de sa passion dévorante, a redonné voix aux morts. Et ce cri, on l’entend encore.

Chronologie

1790 – Naissance de Jean-François Champollion

Le 23 décembre 1790, Jean-François Champollion naît à Figeac, dans le Lot, en France. Dès son enfance, il montre un talent exceptionnel pour les langues.

1799 – Découverte de la pierre de Rosette

En juillet 1799, pendant l’expédition de Napoléon en Égypte, des soldats français découvrent près de la ville de Rosette un fragment de stèle, la pierre de Rosette. Ce texte trilingue (grec, démotique et hiéroglyphes) devient crucial pour le déchiffrement des hiéroglyphes.

1801 – Retour de l’expédition d’Égypte

L’expédition de Bonaparte se termine en 1801, mais la pierre de Rosette est apportée en Europe et suscite l’intérêt des érudits européens. Les copies du texte sont largement distribuées parmi les savants.

1807 – Champollion se passionne pour l’Égypte

À seulement 17 ans, Champollion décide de consacrer sa vie à l’étude des hiéroglyphes. Il s’initie au copte, une langue tardive dérivée de l’égyptien ancien, qu’il pense être la clé pour déchiffrer les hiéroglyphes.

1810 – Premier essai de Champollion sur l’Égypte ancienne

Champollion rédige un essai intitulé « L’Égypte sous les pharaons », dans lequel il défend sa théorie selon laquelle les hiéroglyphes sont une combinaison de symboles phonétiques et idéographiques.

1814 – Travaux de Thomas Young

Le physicien et érudit anglais Thomas Young commence à travailler sur la pierre de Rosette. Il parvient à déchiffrer certains mots, notamment en reconnaissant que les hiéroglyphes peuvent représenter des sons, mais il reste loin de la découverte complète.

1815 – Avancées de Young

En 1815, Thomas Young identifie correctement le nom du pharaon Ptolémée dans les hiéroglyphes grâce à la version grecque de la pierre de Rosette. Cependant, il ne comprend pas la dimension phonétique complète des hiéroglyphes.

1821-1822 – Champollion intensifie ses recherches

Champollion poursuit ses études des hiéroglyphes, et se concentre sur l’analyse des cartouches royaux, notamment les noms de Ptolémée et Cléopâtre. Il s’appuie sur sa connaissance du copte pour établir des correspondances phonétiques.

14 septembre 1822 – Le moment décisif

Le 14 septembre 1822, Champollion fait une percée décisive en déchiffrant le nom de Ramsès et comprend que les hiéroglyphes sont en grande partie phonétiques. Il se précipite dans le bureau de son frère Jacques-Joseph en s’écriant : « Je tiens l’affaire ! ».

17 septembre 1822 – Le déchiffrement est confirmé

Le 17 septembre, Champollion achève sa découverte en démontrant que 24 signes hiéroglyphiques représentent des sons, ce qui permet de lire les noms royaux et d’autres textes égyptiens.

27 septembre 1822 – Présentation officielle à l’Académie

Le 27 septembre 1822, Champollion présente officiellement ses résultats à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres dans une lettre adressée à M. Dacier, où il expose ses conclusions sur la nature phonétique des hiéroglyphes.

1824 – Publication du « Précis du système hiéroglyphique »

En 1824, Champollion publie son « Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens », où il formalise ses découvertes et théories sur les hiéroglyphes. Cet ouvrage devient une référence pour les études égyptologiques.

1826 – Nomination au Louvre

Le 15 mars 1826, Champollion est nommé conservateur des collections égyptiennes au musée du Louvre par le roi Charles X. Il joue un rôle essentiel dans l’organisation du département égyptien du musée.

1828-1829 – Expédition en Égypte

Champollion réalise enfin son rêve de visiter l’Égypte lors d’une expédition entre 1828 et 1829. Il parcourt le pays pour confirmer sur place ses découvertes et traduit de nombreuses inscriptions égyptiennes directement sur les sites archéologiques.

1831 – Nomination au Collège de France

Jean-François est élu au Collège de France, où il occupe une chaire dédiée à l’archéologie. Cette nomination renforce sa stature académique et permet de diffuser ses travaux sur l’égyptologie.

1832 mars 4 – Mort de Jean-François Champollion

Champollion meurt prématurément à 41 ans. Sa mort est principalement attribuée à son état de santé fragile, aggravé par des années de surmenage et de maladies chroniques. Champollion avait souffert de divers problèmes de santé tout au long de sa vie, y compris des crises de fatigue extrême, causées par ses longues périodes de travail intensif, souvent sans pause. Son décès interrompt brutalement une carrière brillante, mais son œuvre continue de révolutionner la compréhension de l’Égypte antique.

1836 – Publication posthume de ses œuvres

Après sa mort, son frère Jacques-Joseph s’assure que les travaux inachevés de Champollion soient publiés. Ses écrits continuent d’influencer les recherches en égyptologie pour les décennies à venir.

1899 – Réception des travaux de Champollion

Presque 80 ans après le déchiffrement des hiéroglyphes, l’égyptologie devient une discipline respectée à part entière, en grande partie grâce aux travaux fondateurs de Champollion.

Héritage :

Le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion en 1822 a marqué un tournant décisif dans l’histoire de l’égyptologie, permettant une compréhension en profondeur des textes et des monuments de l’Égypte antique.

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