Veille stratégique de souveraineté : Industrie automobile : renaissance ou déclassement ?

France Veille stratégique 2050

Fiche de suivi des 4 piliers stratégiques pour une opportunité de renaissance industrielle automobile

Suivi stratégique de la filière automobile

Mise à jour des 4 piliers pour une souveraineté complète, intégrant le suivi des actions concrètes. (Date de veille : 04/08/2025)

Pilier 1 : Bâtir la souveraineté technologique et industrielle

La compétition s’est déplacée de la mécanique vers la technologie. Ce pilier vise à maîtriser l’ensemble de la nouvelle chaîne de valeur, de l’extraction des matières premières à la R&D de rupture, pour construire les fondations de notre compétitivité future et garantir notre autonomie stratégique.

Action concrète Statut Analyse et contexte politique Lien avec France 2030
Sécuriser les matières premières critiques (lithium, cobalt, nickel). En cours La diplomatie économique est activée (partenariats Canada, Chili), mais la dépendance au raffinage chinois reste critique. Des projets de co-investissement dans des mines et raffineries « vertes » sont à l’étude. Direct. S’inscrit dans l’objectif de « sécuriser l’accès aux matériaux critiques ».
Accélérer les gigafactories (ACC, Verkor, ProLogium). Réalisé (partiellement) ACC a démarré sa production. Verkor et ProLogium ont sécurisé leurs implantations. L’accès à une énergie compétitive est un argument clé face à l’IRA américain. Action phare. C’est la réalisation la plus emblématique de la stratégie France 2030 pour l’automobile.
Plan hydrogène pour les utilitaires lourds. À l’étude Le potentiel est reconnu pour décarboner la logistique. Des projets pilotes sont lancés, mais un plan national structuré et financé est encore attendu. Confirmé. S’aligne avec le volet « décarbonation de l’industrie lourde » et « hydrogène vert ».
R&D sur les batteries du futur (sodium-ion, état solide). En cours Des appels à projets ont été lancés pour positionner la France sur la prochaine génération, afin de ne pas répéter la dépendance subie sur le lithium-ion. Direct. Au cœur de l’ambition « innover pour les technologies de demain ».

Pilier 2 : Maîtriser l’environnement normatif et numérique

La guerre industrielle se joue désormais sur le terrain immatériel des normes et des données. L’enjeu est de définir nos propres règles pour ne pas subir celles des autres, et de transformer la data des véhicules en un atout économique et stratégique maîtrisé.

Action concrète Statut Analyse et contexte politique Lien avec France 2030
Promouvoir des normes logicielles européennes (SDV). Projet Prise de conscience de l’urgence face aux écosystèmes sino-américains. Des discussions sont initiées au niveau européen, mais sans consensus pour l’instant. À renforcer. Lié au pilier numérique, mais nécessite une action politique forte.
Définir un cadre de certification cybersécurité (OTA). À l’étude Les agences de sécurité (ANSSI) travaillent sur le sujet en lien avec leurs homologues allemands. L’enjeu est de créer un standard de confiance pour les consommateurs. Confirmé. S’inscrit dans le volet « cybersécurité » du plan.
Garantir la souveraineté des données embarquées (RGPD). En cours Le cadre du RGPD s’applique, mais son adaptation aux spécificités de la donnée automobile (mobilité, vie privée) fait l’objet de travaux par la CNIL. Indirect. Le cadre réglementaire est un prérequis pour le développement des services numériques soutenus par le plan.

Pilier 3 : Assurer la compétitivité du « site France » et du capital humain

La souveraineté technologique ne peut exister sans des usines compétitives pour produire et un capital humain formé pour innover. Ce pilier vise à créer un environnement fiscal et réglementaire attractif, tout en orchestrant la transformation massive des compétences.

Action concrète Statut Analyse et contexte politique Lien avec France 2030
Pacte de compétitivité (baisse des impôts de production). Projet Le sujet reste en débat parlementaire. Le gouvernement privilégie pour l’instant des aides directes via France 2030 plutôt qu’une baisse fiscale généralisée. Indirect. Améliorer la compétitivité est un objectif du plan, mais cet outil fiscal spécifique n’est pas acté.
« Fast track industriel » (loi Industrie Verte). Réalisé Le dispositif est intégré dans la loi « Industrie Verte » et a déjà permis de réduire les délais d’autorisation de 17 à 9 mois en moyenne, un argument clé pour attirer les investisseurs. Confirmé. Outil concret au service des ambitions de réindustrialisation de France 2030.
Fonds de transition pour 100 000 salariés. En cours Un fonds a été doté d’une première enveloppe, mais les syndicats jugent les montants insuffisants face à l’ampleur de la tâche et demandent des garanties sur le maintien des sites. Direct. Financé par l’enveloppe France 2030 dédiée à la transformation des compétences.
« Plan compétences » pour 50 000 ingénieurs et techniciens. À l’étude Le besoin est reconnu, mais le plan n’est pas encore officiellement lancé ni financé. L’alliance Renault-Google sur le SDV souligne l’urgence de monter en compétence. En attente. Lié à l’ambition « développer les compétences de demain », mais le plan spécifique n’est pas encore une brique officielle.

Pilier 4 : Ancrer la stratégie dans un cadre durable et européen

La réussite à long terme repose sur deux alliances : avec l’environnement, via l’économie circulaire, et avec nos partenaires européens. Seule une stratégie coordonnée, durable et menée à l’échelle du continent nous donnera la masse critique nécessaire face aux géants mondiaux.

Action concrète Statut Analyse et contexte politique Lien avec France 2030
Intégrer l’analyse de cycle de vie (ACV) dans les aides. Projet La réforme du bonus écologique est un premier pas. L’étendre à la commande publique est en discussion pour favoriser une véritable écoconception. Indirect. Le plan soutient la décarbonation, et l’ACV est un outil pour mesurer et orienter cet effort.
Développer les filières de recyclage des batteries. En cours Plusieurs projets industriels sont lancés pour créer une boucle fermée en Europe et réduire la dépendance aux matières premières. C’est un enjeu de souveraineté majeur. Direct. S’inscrit dans les objectifs de « recyclage des matériaux stratégiques ».
Utiliser les projets d’intérêt commun (IPCEI). En cours L’outil est activement utilisé pour cofinancer les projets sur les batteries et l’hydrogène, montrant une volonté d’agir au niveau européen sur les grands projets structurants. Confirmé. Le plan France 2030 s’articule avec les financements européens comme les IPCEI.
Le détail du suivi Replier
  • ACC (Automotive Cells Company) : Co-entreprise entre Stellantis, TotalEnergies/Saft et Mercedes-Benz pour produire des cellules et modules de batteries en Europe, avec des sites majeurs en France.
  • ACV (Analyse de Cycle de Vie) : Méthode d’évaluation visant à quantifier les impacts environnementaux d’un produit (ici, un véhicule) sur l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières à son recyclage.

  • ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) : L’autorité nationale française en matière de cybersécurité et de cyberdéfense.

  • CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) : L’autorité administrative française chargée de la protection des données personnelles.

  • France 2030 : Plan d’investissement public de 54 milliards d’euros sur 5 ans, visant à développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir en France.

  • Gigafactory : Usine de très grande taille spécialisée dans la production de masse de batteries pour véhicules électriques.

  • IPCEI (Projet Important d’Intérêt Européen Commun) : Mécanisme permettant aux États membres de l’UE de financer conjointement des projets transnationaux stratégiques qui dérogent aux règles habituelles en matière d’aides d’État.

  • IRA (Inflation Reduction Act) : Loi américaine proposant des subventions massives pour les produits, notamment les véhicules électriques, fabriqués sur le sol américain, créant une forte concurrence pour l’Europe.

  • OTA (Over-The-Air) : Technologie permettant de mettre à jour à distance le logiciel d’un véhicule, sans nécessiter de passage en atelier.

  • PFA (Plateforme automobile) : Organisation représentative de la filière automobile en France, regroupant constructeurs, équipementiers et sous-traitants.

  • RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) : Le cadre juridique européen qui régit la collecte et le traitement des données personnelles des individus.

  • SDV (Software-Defined Vehicle / Véhicule Défini par le Logiciel) : Concept selon lequel les fonctionnalités, la performance et la valeur d’un véhicule sont de plus en plus déterminées par son logiciel plutôt que par sa mécanique.

  • VE : Véhicule Électrique.

  • Verkor : Entreprise française qui développe et produit des batteries bas-carbone en France, notamment avec un projet de Gigafactory à Dunkerque, soutenue par Renault.

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Rapport d’intelligence stratégique 2025-2050

Analyse de l’industrie automobile française : trajectoire, risques et opportunités.

Synthèse exécutive

L’industrie automobile française est à un point de bascule historique. Son déclin productif, amorcé il y a vingt ans par des délocalisations massives sur les petits véhicules, a été accéléré par des choix technologiques (surinvestissement dans le diesel, retard sur l’hybride) qui l’ont fragilisée. Aujourd’hui, elle fait face à une triple révolution – électrification, logiciel, nouveaux entrants – qui menace son existence même. Le diagnostic est sans appel : une production nationale divisée par plus de deux depuis 2004, une balance commerciale structurellement déficitaire, et une dépendance critique aux chaînes de valeur asiatiques (batteries, semi-conducteurs) et américaines (logiciel). La demande elle-même se transforme, tiraillée entre les contraintes réglementaires (ZFE), les enjeux d’acceptabilité sociale (coût des VE) et l’évolution des usages (leasing). Face à l’hégémonie chinoise sur la batterie et à la forteresse normative et industrielle américaine, la France et l’Europe doivent jouer leur propre partition. La force de l’UE réside dans son pouvoir réglementaire, mais sa faiblesse est son manque de politique industrielle commune agressive. Ce rapport, enrichi d’une analyse historique et d’une étude des risques, pose les bases d’une stratégie de reconquête. L’enjeu n’est plus de résister, mais de reconstruire une souveraineté sur les nouvelles chaînes de valeur, de la matière première au logiciel, pour ne pas devenir une simple périphérie d’assemblage des puissances automobiles du XXIe siècle.

1. Introduction : le point de rupture

L’industrie automobile française n’est pas une industrie comme les autres. Elle est au cœur d’un écosystème qui irrigue l’ensemble de notre économie. Cependant, les règles du jeu ont changé. La valeur ne réside plus dans la mécanique, mais dans la batterie, le logiciel et la donnée. Dans ce nouveau paradigme, les choix stratégiques du passé pèsent lourdement et les dépendances d’aujourd’hui définissent les risques de demain. Ce rapport dresse un état des lieux sans concession, en intégrant la profondeur historique et les dynamiques de marché, pour tracer une feuille de route réaliste.

2. Trajectoire historique et points de bascule

2.1. L’âge d’or et le déclin productif (1990-2010)

L’industrie automobile française a connu son apogée au début des années 2000, avec un pic de production de 3,6 millions de véhicules en 2004. Ce chiffre a depuis été divisé par plus de deux. La cause principale : les délocalisations massives sur le segment B (Clio, 208) pour des raisons de compétitivité-coût, affaiblissant durablement le tissu industriel national.

2.2. Les choix technologiques et leurs conséquences

  • Le pari du diesel : Le scandale du « Dieselgate » en 2015 a fragilisé une filière surinvestie dans cette technologie.
  • Les retards stratégiques : Un retard sur l’hybride face au Japon et une sous-estimation de la révolution du logiciel (SDV) initiée par Tesla.

3. Diagnostic structurel et forces en présence

3.1. Indicateurs économiques clés

La filière est un colosse aux pieds d’argile, avec des indicateurs de production et de commerce extérieur préoccupants.
Indicateur (Estimations 2024/2025) Données Clés Tendance
Production de véhicules en France ~1,5 million d’unités En baisse structurelle (vs. >3,5M en 2004)
Emplois de la filière ~400,000 (directs et indirects) Menacés par l’électrification
Poids dans le PIB industriel ~10-12% En léger déclin
Chiffre d’affaires de la filière > 150 Milliards € Stable, mais la valeur ajoutée se déplace
Balance commerciale Déficitaire de plus de 20 Milliards € Déficit structurel et croissant
Part des véhicules électriques (VE) ~20% des ventes de neufs Croissance rapide, mais dominée en entrée de gamme

3.2. Écosystème industriel français (2024)

Au-delà des chiffres globaux, l’écosystème industriel automobile français se structure autour de plusieurs pôles spécialisés, essentiels à la souveraineté de la filière.
Type d’acteur Nombre estimé (2024) Exemples / Localisations
Usines d’assemblage automobile 14 Douai, Sochaux, Flins, Poissy…
Sites de production de batteries (gigafactories) 4 Douvrin (ACC), Dunkerque (Verkor), Grenoble (ProLogium), Billy-Berclau
Équipementiers de rang 1 35 Forvia, Valeo, Michelin (Clermont-Ferrand, Créteil, Nanterre…)
Sous-traitants & fournisseurs spécialisés 250 Normandie, Hauts-de-France, Rhône-Alpes
Centres de R&D automobile 20 Technocentre Renault, IRT Saint-Exupéry, CEA Liten
Plateformes de formation & reconversion 12 Campus Transfo (Douvrin), Lycées techniques, Pôle Emploi Industrie

3.3. Le marché mondial : hiérarchie des acteurs et recompositions sectorielles

En valeur, l’industrie automobile mondiale a plus que doublé en deux décennies, passant d’environ 1,500 milliards de dollars en 2000 à 4,075 milliards en 2024. Cette croissance est portée par l’augmentation des volumes (de 58 millions d’unités en 2000 à 75,5 millions en 2024), mais surtout par la complexité technologique et l’électrification. Les prévisions estiment que le marché pourrait atteindre près de 7,000 milliards de dollars d’ici 2032. Sur le plan de l’emploi, l’industrie automobile mondiale représente un pilier de l’emploi global, avec environ 2,5 millions d’emplois directs dans la fabrication, et plus de 50 millions d’emplois indirects et induits, illustrant son rôle structurant dans les économies.
Évolution des parts de marché mondiales (% total véhicules vendus)
Constructeur Pays d’origine 2000 2024 (est.) Positionnement Stratégique 2024
General Motors 🇺🇸 USA 14,5 % ~ 4,5 % Transition difficile vers le VE, focus sur le marché US (pick-ups, SUV)
Ford 🇺🇸 USA 13,0 % ~ 4,8 % Stratégie VE ambitieuse mais centrée sur les grands véhicules
Toyota 🇯🇵 Japon 10,1 % 10,7 % Leader de l’hybride, transition prudente vers le 100% électrique
Groupe Volkswagen 🇩🇪 Allemagne 8,2 % ~ 8,5 % Offensive massive sur le VE pour concurrencer Tesla
Hyundai-Kia 🇰🇷 Corée 3,0 % ~ 9,0 % Acteur agressif sur le VE avec un design fort, pionnier de l’hydrogène
Stellantis (ex PSA/FCA) 🇫🇷/🇮🇹 4,1 % ~ 8,0 % Stratégie multi-énergie
Renault-Nissan-Mitsubishi 🇫🇷/🇯🇵 ~ 8,3 % ~ 8,3 % Pionnier du VE en Europe, focus sur les segments compacts et abordables
BYD 🇨🇳 Chine < 0,1 % ~ 3,5 % Intégration verticale totale (batteries), offensive mondiale sur le VE abordable
Tesla 🇺🇸 USA 0,0 % ~ 2,3 % Leader technologique et premium du VE, définit les standards du marché
Geely 🇨🇳 Chine < 0,1 % ~ 1,3 % Stratégie multi-marques (Volvo, Polestar), montée en gamme

Sources : Synthèse basée sur les données publiques (OICA, rapports annuels des constructeurs, analyses de marché).

3.4. Le marché national : dynamiques de la demande

  • Pénétration des nouveaux entrants : Forte concurrence de Tesla et des marques chinoises (MG, BYD).
  • Impact des régulations : Le bonus/malus et les ZFE orientent le marché mais soulèvent des enjeux d’acceptabilité sociale.
  • Transformation des usages : Le leasing (LOA/LLD) représente plus de 50% des immatriculations neuves.

3.5. Analyse comparative internationale et géoéconomique

La position de la France ne peut se comprendre qu’en la situant dans le jeu des puissances mondiales. Chaque grande région a développé une stratégie propre, révélant des forces et des faiblesses distinctes.
Pays/Région Forces Faiblesses Positionnement Stratégique
🇫🇷 France Groupes mondiaux (Stellantis, Renault), équipementiers forts Production divisée par 2 depuis 2004, déficit commercial > 20 Mds € Course à la réindustrialisation électrique
🇩🇪 Allemagne Marques premium puissantes (VW, BMW, Mercedes), forte R&D Coûts de production élevés, forte dépendance au marché chinois Défense du segment premium
🇺🇸 USA Leader du VE (Tesla), géants historiques (Ford, GM), protectionnisme (IRA) Faible offre en petits VE, réseau de charge hétérogène Création d’une forteresse domestique
🇨🇳 Chine Leader mondial incontesté, maîtrise de la chaîne de valeur batterie Image de marque en construction Hégémonie sur la mobilité électrique mondiale
🇯🇵 Japon Leader mondial de l’hybride (Toyota), réputation de fiabilité Retard dans le 100% électrique, marché domestique vieillissant Transition prudente vers le VE, R&D sur les batteries solides
🇰🇷 Corée du Sud Acteurs très agiles et intégrés (Hyundai/Kia), design attractif Dépendance aux puces et aux matières premières chinoises Conquête agressive des parts de marché VE
🇪🇺 Union Européenne Puissance normative (marché unique, régulations) Absence de politique industrielle commune agressive Définit les règles du jeu (normes) mais n’agit pas comme un État stratège unifié

4. Analyse des tendances lourdes et forces motrices

Au-delà du diagnostic, quatre forces majeures, interdépendantes, convergent pour transformer radicalement et durablement le secteur automobile mondial.

Révolution Technologique

Électrification massive et Véhicule Défini par le Logiciel (SDV) qui déplace la compétition vers le software.

Pression Réglementaire

La fin du moteur thermique en 2035 et les normes Euro 7 forcent une transformation coûteuse et complexe.

Contexte Géopolitique

Concurrence chinoise agressive, dépendance stratégique aux composants asiatiques et protectionnisme américain.

Évolutions Sociétales

Déclin de la possession individuelle au profit de l’usage et demande pour des véhicules plus sobres et abordables.

5. Analyse des risques et dépendances stratégiques

Au-delà des tendances, des dépendances structurelles héritées du passé et de la nouvelle géopolitique des technologies créent des risques majeurs pour la souveraineté de la filière. Ces quatre points sont particulièrement critiques.

Matières Premières Critiques

La quasi-totalité du lithium, cobalt, et graphite raffinés est contrôlée par la Chine.

Semi-conducteurs

Dépendance extrême à l’Asie (Taïwan, Corée du Sud) pour les puces électroniques.

Logiciel et OS

Dépendance aux géants américains (Google, Apple) pour les systèmes d’exploitation et le cloud.

Énergie

La compétitivité des Gigafactories dépend d’une électricité décarbonée et à un prix maîtrisé.

6. Scénarios prospectifs à l’horizon 2050

À la lumière de ces analyses, trois grandes trajectoires contrastées se dessinent pour l’avenir de la filière automobile française.

SCÉNARIO 1

25%

La Renaissance Électrique

La France est exportatrice nette de VE et de batteries. L’écosystème software est reconnu et l’industrie française a su reconstruire sa souveraineté sur les nouvelles chaînes de valeur, de la matière première au logiciel.

SCÉNARIO 2

45%

Le Grand Déclassement

La production automobile française est résiduelle. Les marques chinoises dominent le marché domestique et européen, et la France a perdu sa souveraineté technologique et industrielle, devenant une simple périphérie d’assemblage.

SCÉNARIO 3

30%

La Spécialisation de Niche

La France s’est spécialisée sur des niches à haute valeur ajoutée : véhicules premium, technologies hydrogène, services de mobilité innovants et recyclage de batteries, sans chercher à concurrencer la production de masse.

Scénario 1 (Optimiste) — La Renaissance Électrique

Probabilité estimée : 25 %

 

En 2050, la France a non seulement évité le déclassement industriel, mais elle s’est hissée au premier rang européen de la mobilité décarbonée. Le pari lancé dans les années 2020 — celui de réindustrialiser sans renoncer à l’innovation — a porté ses fruits. Dans les Hauts-de-France, la « Vallée de la Batterie » est devenue le symbole de cette reconquête : quatre gigafactories y fonctionnent à pleine capacité, intégrant production, recyclage et R&D avancée sur les batteries à état solide. La dépendance à la Chine pour les matériaux critiques a été réduite grâce à une diplomatie minière active et au recyclage en boucle fermée.

 

Côté produit, les constructeurs français ont réussi une montée en gamme doublée d’une démocratisation du VE. La Renault 5 et la Peugeot e-208, devenues icônes d’un design accessible et sobre, dominent le marché compact européen. Le grand basculement, pourtant, s’est joué ailleurs : dans les lignes invisibles du code. Un « Plan Software Auto » initié dès 2028 a donné naissance à un véritable écosystème de logiciels embarqués souverains. Le SDV (Software Defined Vehicle) est devenu le terrain sur lequel la France a pu reprendre l’initiative, avec des OS interopérables adoptés par d’autres marques européennes.

 

La transformation sociale, souvent le talon d’Achille de ce type de transition, a été maîtrisée. Grâce à des fonds de reconversion massifs et à un maillage territorial de plateformes de formation, plus de 120 000 salariés du thermique ont été requalifiés dans la chimie des batteries, la cybersécurité ou la mécatronique. Résultat : en 2050, la France est redevenue exportatrice nette de véhicules et de batteries, avec un excédent commercial de plus de 5 milliards d’euros sur le secteur.

Facteurs de succès : continuité politique sur trois mandats successifs, coopération public-privé via France 2030, montée en compétence logicielle, standardisation européenne des normes, et alliances industrielles ciblées avec l’Allemagne et la Scandinavie.

en savoir plus sur le premier scenario prospectif "La Renaissance Eléctrique" Femer

Scénario 2 (Pessimiste) — Le Grand Déclassement

Probabilité estimée : 45 %

 

En 2050, l’industrie automobile française n’est plus qu’un souvenir. Les sites historiques (Sochaux, Flins, Douai) ont été transformés en simples plateformes d’assemblage ou reconvertis faute de mieux. La quasi-totalité des véhicules vendus sur le territoire sont conçus, motorisés, et connectés depuis l’Asie. À Douvrin, une usine tourne à 30 % de ses capacités, reconditionnant des batteries venues de Chine dans des conditions économiques marginales.

 

Ce déclassement ne s’est pas produit d’un coup. Il a été le fruit d’un enchaînement d’échecs stratégiques : sous-investissement dans le logiciel, absence d’écosystème SDV européen, retards sur les gigafactories, dépendance prolongée au raffinage asiatique, fragmentation des stratégies industrielles entre États membres de l’UE. Face à une Chine hyper-agressive commercialement — qui a su allier prix bas, qualité croissante et puissance diplomatique —, la France n’a pas su défendre ses parts de marché. En 2040 déjà, BYD, Geely et Nio cumulaient 35 % des ventes européennes.

 

L’échec s’est aussi joué dans les choix fiscaux et sociaux : les aides à la reconversion ont été insuffisantes, mal réparties, parfois détournées. Le pacte productif France 2030, miné par une alternance politique brutale en 2032, s’est délité sans laisser le temps d’aboutir. Les salariés du thermique ont été les grands perdants. En 2050, la France importe 90 % de ses véhicules, et sa balance commerciale automobile affiche un déficit structurel de plus de 25 milliards d’euros.

Facteurs de l’échec : désarticulation des chaînes de valeur, perte de souveraineté logicielle, coûts énergétiques non maîtrisés, éclatement stratégique au niveau européen, et capitulation réglementaire face aux surcapacités chinoises.

en savoir plus sur le second scenario "Le grand déclassement" Femer

Scénario 3 (Adaptatif) — La Spécialisation de Niche

Probabilité estimée : 30 %

 

En 2050, la France n’est plus un géant du volume, mais elle est redevenue un acteur respecté de l’automobile mondiale — non par la quantité, mais par la singularité. Après avoir acté son incapacité à rivaliser sur le segment des véhicules électriques de masse, elle a opéré une réorientation stratégique assumée : viser le haut de gamme technologique, les usages professionnels spécifiques, et les savoir-faire durables. Le pari : moins produire, mais mieux — et plus intelligemment.

 

Dans cette configuration, des marques comme Alpine et DS incarnent le renouveau d’un luxe électrique à la française. Performants, élégants et dotés d’un logiciel embarqué sur mesure, leurs modèles séduisent les marchés asiatiques et moyen-orientaux. La niche est étroite, mais les marges sont élevées. En parallèle, les équipementiers tricolores (Valeo, Forvia, Michelin) ont conquis une part stratégique de la chaîne mondiale, devenant incontournables dans des segments critiques : capteurs pour la conduite autonome, modules thermiques pour batteries, pneus à empreinte carbone optimisée.

 

Autre pilier de cette reconversion : l’économie circulaire. La France est devenue leader européen du recyclage des batteries lithium-ion et sodium-ion. Grâce à des procédés hydrométallurgiques de pointe et des usines déployées à Lyon, Dunkerque et Brive, plus de 95 % des métaux stratégiques sont extraits, traités localement et réinjectés dans les gigafactories. Ce modèle a non seulement réduit la dépendance à l’Asie, mais il a aussi créé de nouveaux écosystèmes industriels dans des territoires en reconversion.

Enfin, la France s’est positionnée avec succès sur le segment des véhicules utilitaires à hydrogène, à destination des flottes professionnelles (logistique, collectivités, transport longue distance). Elle maîtrise toute la chaîne : production d’hydrogène vert (électrolyseurs), distribution (stations multi-énergies), et assemblage de véhicules spécialisés.

Facteurs clés de la réussite : arbitrage stratégique clair en faveur des niches à haute valeur ajoutée, concentration des investissements publics et privés sur les technologies où la France disposait d’un savoir-faire différenciant, alliances industrielles ciblées, et ancrage territorial fort des nouvelles chaînes circulaires et hydrogène.

en savoir plus sur le trosième scenario "La spécialisation de niche" Femer
Infographie: Le réveil stratégique de l’auto française

Le réveil stratégique de l’auto française

L’analyse des fondamentaux industriels montre une nette amélioration entre la crise de 2020 et la situation de 2025.

2020 : la crise existentielle

Risque principal : l’implosion
  • Renault au bord de la faillite
  • Dépendance totale à l’Asie pour les batteries
  • Retard logiciel massif face à Tesla
  • Marché effondré par la crise sanitaire

Probabilités objectives des scénarios :

Grand déclassement 60%
Spécialisation de niche 25%
Renaissance électrique 15%

2025 : une filière renforcée

Nouveau défi : la submersion
  • Renault sauvé et redressé (Renaulution)
  • Stellantis créé, un champion mondial rentable
  • Gigafactories en construction (France 2030)
  • Filière plus solide pour affronter la concurrence

Probabilités objectives des scénarios :

Grand déclassement 45% (-15)
Spécialisation de niche 30% (+5)
Renaissance électrique 25% (+10)

Conclusion : une trajectoire d’amélioration nette

Malgré un contexte externe plus difficile, la probabilité de « renaissance » a fortement augmenté et celle de « déclassement » a nettement baissé, témoignant d’une filière qui a réagi et s’est renforcée de l’intérieur.

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