Trump 2025

La  contre-révolution Trump en 7 facettes

3 mois ont suffi pour faire vaciller les fondations d’une démocratie. Voici comment.

J’ai rangé, pour cette série, mes formules acérées et mon ironie au placard. Non par manque d’inspiration, mais par respect pour la gravité du sujet.

Lorsque j’ai entrepris cette série, je pensais ausculter les convulsions d’un système démocratique malmené. Ce que j’ai découvert, c’est bien pire : non pas une crise, mais une métamorphose clinique. J’écrivais pour comprendre ; j’ai compris, et cela m’a glacé. Non pas par surprise, mais par l’aisance morbide avec laquelle l’inacceptable s’infiltre et s’installe.

Car derrière les bouffonneries médiatiques et les tweets incendiaires se dessine un projet froid, méthodique, chirurgical : la mise à mort silencieuse d’une démocratie. Une exécution sans effusion de sang visible, où l’on garde le patient debout, souriant même, pendant qu’on lui greffe, avec une précision chirurgicale, des organes programmés pour obéir, incapables de battre à leur propre rythme. Le cadavre démocratique marche encore, parle encore, vote encore – mais son âme s’est échappée, furtivement, par la fenêtre entrouverte d’un consentement diffus, fait d’indifférence, d’attentisme et d’une étrange sensation d’impuissance soigneusement entretenue.

Face à ce basculement, cette série de sept articles n’a pas pour but de commenter l’écume de l’actualité, mais de documenter une mutation d’une ampleur inédite. Entre janvier et avril 2025, la seconde présidence Trump a mis en œuvre, avec une efficacité implacable, une transformation qui aurait normalement exigé des années. Trois mois ont suffi. Ce n’est pas une coïncidence, mais le résultat d’une stratégie mûrie de longue date.

Les 7 Facettes d’un renversement programmé

À travers une lecture croisée de faits, de sources multiples et d’analyses convergentes, je tente de vous proposer une cartographie cohérente des bouleversements institutionnels qui, en un seul trimestre, ont déjà redéfini les fondements mêmes de la République américaine.

Ce qui suit n’est pas un simple relevé d’actualités. Ces sept épisodes constituent l’autopsie d’une métamorphose démocratique en cours, menée à un rythme et avec une coordination qui défient les lois politiques ordinaires.

Chaque article explore un pan distinct de cette mutation : du remodelage de l’appareil d’État à la fragmentation des libertés, de la recomposition économique à la déstabilisation géopolitique. Ensemble, ils composent le portrait d’un pouvoir qui ne renverse pas les institutions – il les réinvente à son image. 

Ils révèlent aussi les soubassements opaques du régime : une oligarchie assumée où quelques milliardaires pilotent la machine publique et une logique mafieuse de récompenses et de fidélités. Ce ne sont pas des dérives, mais les rouages d’un système où l’accès au pouvoir vaut accès à l’enrichissement.

La concentration du pouvoir à l’épreuve de l’Histoire

En à peine cent jours, Trump a imposé un style de gouvernance marqué par une apparente imprévisibilité et par la brutalité. Gouvernant par décrets et par tweets, court-circuitant les circuits institutionnels traditionnels, il a créé un système où la loyauté personnelle prime sur l’expertise et l’indépendance.

Cette tension entre pouvoir exécutif fort et système de contre-pouvoirs n’est pas nouvelle dans l’histoire américaine. Dès les débats constitutionnels de 1787, Alexander Hamilton plaidait pour un exécutif puissant tandis que Thomas Jefferson craignait la « tyrannie élective ». Cette dualité fondatrice a rythmé l’évolution politique du pays pendant plus de deux siècles.

Le combat pour l’équilibre des pouvoirs a connu plusieurs moments critiques : la présidence d’Andrew Jackson (1829-1837) qui, invoquant sa légitimité populaire, défiait ouvertement la Cour Suprême ; celle d’Abraham Lincoln suspendant l’habeas corpus pendant la Guerre de Sécession ; Theodore Roosevelt et son « pouvoir inhérent » de la présidence ; et plus récemment, les extensions de l’autorité exécutive sous Richard Nixon et après le 11 septembre 2001. Chaque cycle d’expansion était généralement suivi d’un rééquilibrage institutionnel.

Ce qui distingue fondamentalement la présidence Trump en 2025, c’est qu’elle combine les stratégies de tous ses prédécesseurs les plus interventionnistes, tout en s’appuyant sur la polarisation extrême de la société et les nouvelles technologies comme amplificateurs de pouvoir. Là où ses prédécesseurs étendaient l’autorité exécutive ponctuellement et souvent en réponse à des crises spécifiques, Trump la transforme en système de gouvernance permanent.

Cette personnalisation extrême du pouvoir s’incarne jusque dans les détails : Mar-a-Lago devenu véritable centre décisionnel, remplaçant la Maison Blanche ; interventions présidentielles sur des sujets aussi anodins que le débit des douches « pour ses cheveux magnifiques » ; et allusions troublantes à un hypothétique troisième mandat malgré les limites constitutionnelles.

Plus inquiétant encore, la systématique neutralisation des contre-pouvoirs institutionnels. Si 70 procès pour violations de la loi ont été engagés contre l’administration, celle-ci refuse ostensiblement d’appliquer les injonctions judiciaires qui en résultent. La grâce accordée à 1,500 personnes condamnées pour l’assaut du Capitole signale clairement que les décisions de justice peuvent être balayées d’un revers de main quand elles contrarient l’agenda présidentiel. La parole présidentielle, amplifiée par les réseaux sociaux, s’est muée en arme politique, remplaçant le débat factuel par l’adhésion émotionnelle. Comme l’observe Barbara Walter :

« La vraie menace pour la liberté n’est pas la tyrannie qui hurle, mais celle qui murmure. »

Cette concentration du pouvoir exécutif ne pouvait rester théorique – elle exigeait un plan d’action méthodique pour remodeler l’État et ses institutions.

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 1 : la concentration du pouvoir à l’épreuve de l’Histoire »

Trump 2025

Project 2025 : la transformation de l’État fédéral en action

Ce qui apparaît comme désordre et instabilité gouvernementale semble masquer en réalité un plan minutieusement orchestré. Le Projet 2025, élaboré pendant des années par la Heritage Foundation et un réseau de plus de 180 organisations conservatrices, n’est pas un simple manifeste idéologique, mais un véritable manuel opérationnel pour démanteler l’État administratif hérité du New Deal.

Si les tweets et déclarations fracassantes de Trump semblent improvisés, ils servent en réalité de diversion médiatique pendant que s’exécute, en coulisses, une transformation systématique des institutions. Le chaos apparent n’est qu’une arme tactique dans un arsenal stratégique bien plus cohérent qu’il n’y paraît.

En trois mois, cette feuille de route de 920 pages s’est matérialisée avec une efficacité implacable : 55,000 fonctionnaires licenciés, 76,000 poussés vers des départs volontaires, et 145,000 autres suppressions planifiées. Ce n’est pas une simple réduction d’effectifs dictée par l’humeur présidentielle, mais une purge idéologique ciblée, identifiant méthodiquement les experts jugés insuffisamment loyaux.

La création provisoire du Department of Government Efficiency (DOGE), confié à l’homme le plus riche au monde Elon Musk, illustre cette approche : derrière le spectacle médiatique de nominations controversées se déploie un travail de sape institutionnel. Les coupes budgétaires, présentées comme spontanées, suivent en réalité les recommandations précises du Project 2025, ciblant prioritairement les agences régulatrices environnementales et sociales.

Kevin Roberts, président de la Heritage Foundation, et d’autres architectes du Project comme Russell Vought (ancien directeur du Bureau de la gestion et du budget) et John McEntee (ex-directeur du Bureau présidentiel du personnel) ont patiemment construit ce programme pendant le premier mandat Trump et les années Biden, préparant un assaut coordonné contre ce qu’ils nomment « l’État administratif ».

L’État n’est plus perçu comme un médiateur neutre, mais comme un instrument idéologique à reconquérir. Le syndicat AFGE rapporte « un climat de peur » parmi les fonctionnaires restants, tandis que des services essentiels comme l’Environmental Protection Agency ont perdu jusqu’à 65 % de leurs effectifs.

Cette refonte interne, loin d’être chaotique, suit une logique implacable centrée sur la loyauté et l’alignement idéologique. Elle constitue la pierre angulaire d’une révolution conservatrice longuement mûrie qui, naturellement, redéfinira la place de l’Amérique dans le monde.

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 2 – Project : la transformation de l’État fédéral en action »

Trump 2025

L’Amérique contre le monde

« L’Amérique n’a pas d’alliés permanents, elle n’a que des intérêts permanents » – cette formule désormais martelée par Trump traduit la rupture fondamentale avec l’ordre international construit par les États-Unis eux-mêmes après 1945.

En trois mois, Washington a méthodiquement démantelé le système multilatéral qu’elle avait érigé, remplaçant les alliances fondées sur des valeurs communes par des transactions commerciales calculées au cas par cas. Cette vision transactionnelle des relations internationales transforme la diplomatie en une série de deals, où chaque partenaire est jaugé uniquement à l’aune de sa valeur immédiate pour les intérêts américains.

L’OTAN, pilier de la sécurité occidentale depuis 75 ans, subit des pressions sans précédent, avec l’exigence d’un passage immédiat à 3 % du PIB, puis à terme 5%  pour les dépenses de défense et la menace de retirer 50 % des troupes américaines d’Europe. L’Ukraine a vu 12 milliards d’assistance militaire bloqués, pressant Zelensky d’accepter un cessez-le-feu entérinant l’annexion de la Crimée.

L’effondrement de l’aide humanitaire internationale constitue peut-être l’aspect le plus dramatique mais le moins médiatisé de cette révolution diplomatique. Premier donateur mondial en valeur absolue (39,2 milliards de dollars en 2024) – tout en restant en queue de peloton en pourcentage du PIB (0,18% contre 0,7% pour la Norvège) – les États-Unis ont sabré 72% de cette aide essentielle en avril 2025. Cette décision fulgurante abandonne des pays comme Haïti ou le Bangladesh à leur sort, menaçant directement la survie de 20 millions de personnes selon l’ONU. 

« Nous ne sommes plus le service social du monde », a déclaré le secrétaire d’État Marco Rubio, justifiant ces coupes par la nécessité de « prioriser les contribuables américains ».

L’Afrique illustre ce désengagement stratégique : fermeture de cinq ambassades, coupure de 60 % des programmes d’aide, retrait complet des forces spéciales du Sahel – créant un vide que Chine, Russie et Turquie s’empressent de combler.

Cette  approche trumpienne s’étend jusqu’à des ambitions territoriales sans précédent : proposition renouvelée d’annexer le Groenland, suggestions de redessiner la frontière avec le Mexique, volonté de faire du Canada le 51ème Etat de l’Union et enfin l’idée profondément controversée et moralement scandaleuse de transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient » après l’expulsion forcée de ses 2,1 millions d’habitants. Au nom d’une « nouvelle internationale autocratique », Trump rompt avec les alliances traditionnelles pour privilégier les régimes autoritaires, valorisant l’ »efficacité décisionnelle » sur le consensus multilatéral.

Derrière cette rupture diplomatique spectaculaire se cache une réalité économique pressante. Ce désengagement n’est pas simplement idéologique – il est existentiel. Face à une dette colossale et des fractures internes, l’administration Trump considère le maintien de l’empire américain comme un luxe que le pays ne peut plus se permettre. Chaque alliance abandonnée, chaque aide supprimée, chaque institution multilatérale affaiblie s’inscrit dans un projet plus vaste : la transformation d’une puissance mondiale dispersée en une forteresse économique concentrée sur elle-même. Les alliés européens l’ont compris avec effroi : cette nouvelle diplomatie n’est pas une tactique de négociation, mais l’avant-garde d’une métamorphose fondamentale de l’économie américaine – et par extension, mondiale.

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 3 – L’Amérique contre le monde »

Trump 2025

Make America Great Again – la fin assumée de l’empire américain

Les mesures diplomatiques et administratives s’inscrivent dans un projet économique d’une ampleur historique. Face à une dette colossale de 36,200 milliards $ (120 % du PIB) et l’échéance critique d’août 2025 pour refinancer 9,200 milliards, Trump a engagé ce qu’il considère comme la dernière chance de sauver l’économie américaine.

Sa stratégie « America First 2.0 » représente un renversement complet du paradigme économique mondial : abandonner le rôle de gendarme et de banquier du monde pour reconvertir la puissance américaine en forteresse industrielle autosuffisante. Ce n’est pas un simple ajustement de politique économique, mais un pari existentiel sur l’avenir même des États-Unis.

Cette révolution économique s’articule autour de quatre piliers interconnectés : droits de douane progressifs (jusqu’à 145 % pour certains produits chinois), révolution fiscale substituant les recettes douanières à l’impôt fédéral, réindustrialisation forcée, et dévaluation contrôlée du dollar.

Pour justifier ce protectionnisme radical, Trump invoque l’héritage du président McKinley (1897-1901), rebaptisant même le mont Denali en « Mount McKinley ». Mais les économistes rappellent que même McKinley avait fini par reconnaître les limites du protectionnisme, et comparent l’optimisme trumpien face aux turbulences économiques au « la prospérité est au coin de la rue » d’Herbert Hoover avant la Grande Dépression.

Les exceptions aux droits de douane, décidées « à l’instinct » par le président, favorisent souvent ses soutiens politiques, illustrant la transformation d’un instrument économique en levier de patronage. Face à la dépréciation du dollar, l’administration encourage même les grandes entreprises à émettre des stablecoins, révélant tant la créativité que le désespoir d’un système financier à bout de souffle.

Cette restructuration économique drastique, combinée à la concentration du pouvoir, ne pouvait qu’entraîner des conséquences profondes sur les libertés individuelles et l’espace démocratique.

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 4 : Make America Great Again – la fin assumée de l’empire américain »

Trump 2025

Liberté, savoir et culture sous tutelle

Dans ce nouveau paysage politique et économique, les droits civiques et les libertés fondamentales subissent une érosion subtile mais systématique. Sans déclaration formelle d’état d’urgence, une surveillance généralisée s’installe, transformant imperceptiblement la relation entre le citoyen et l’État.

Dans les grandes métropoles, la reconnaissance faciale se déploie progressivement, tandis que le concept de « menace intérieure » s’élargit dangereusement pour inclure ONG environnementales, mouvements civiques et journalistes d’investigation. Ce n’est plus la sécurité nationale qui guide la surveillance, mais la conformité idéologique.

Plus préoccupant encore, le pays se fracture juridiquement : 12 États à majorité républicaine restreignent le droit de manifester, tandis que 9 États démocrates renforcent leurs protections civiles. Ce climat entraîne une migration intérieure inédite : depuis janvier, près de 380,000 Américains ont changé d’État, motivés par la recherche de droits et de libertés.

Le monde universitaire et scientifique, bastion historique de la pensée critique, subit des pressions sans précédent : 2,2 milliards $ de subventions bloqués pour Harvard, 400 millions pour Columbia, sous prétexte de lutte contre le « wokisme ». Plus de 1 200 étudiants étrangers voient leur visa révoqué sans explication, instaurant un climat de crainte sur les campus.

La recherche publique est méthodiquement mise sous tutelle : 18 % des bases de données fédérales sont supprimées ou altérées, et les financements pour la recherche climatique diminuent de 23 %. Le 1er avril, 1,900 chercheurs ont dénoncé ces attaques contre l’autonomie scientifique, alertant sur le déclin à venir de l’innovation américaine.

La culture n’est pas épargnée. Le budget de la National Endowment for the Arts et de la National Endowment for the Humanities est réduit de 28 %, affectant musées, expositions, et programmes éducatifs sur les droits civiques. Certaines institutions culturelles subissent des pressions pour revoir leurs contenus historiques, sous couvert de lutte contre les « narratifs idéologiques ». La mémoire collective elle-même devient un terrain de combat politique.

L’espace médiatique se recompose brutalement. En 2025, NPR et PBS subissent une coupe budgétaire de 23 %, assortie du remplacement de 17 responsables éditoriaux. L’accès officiel est restreint pour les grands médias critiques (New York Times, Washington Post, AP), tandis qu’il est élargi de 42 % pour les médias pro-Trump (OANN, Newsmax, Fox News). La Maison Blanche délaisse les conférences de presse traditionnelles au profit de communications directes sur ses réseaux sociaux, renforçant un entre-soi informationnel préoccupant : selon le Pew Research Center (juin 2025), 72 % des Américains ne s’informent plus qu’auprès de sources idéologiquement alignées, et 53 % considèrent les médias du camp opposé comme délibérément mensongers.

À travers cette lente mise sous tutelle des libertés, du savoir et de la culture, c’est une gouvernance par l’incertitude et la précarité qui s’installe, reconfigurant silencieusement les fondements mêmes de la démocratie américaine.

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 5 : Liberté et savoir sous tutelle »

Trump 2025

L’économie du chaos – Pouvoir, privilèges et déséquilibres

Au-delà des chiffres et des réformes structurelles, c’est dans la vie quotidienne des Américains que se manifeste la transformation la plus profonde. La politique économique de Trump, qualifiée par lui-même de « destruction créatrice », repose sur une logique assumée : déstabiliser pour reconstruire, créer un chaos contrôlé pour remodeler l’économie selon ses priorités.

Cette reconfiguration économique s’exprime d’abord par un rapprochement inédit entre pouvoir et capital. Les grands patrons mondiaux – de Zuckerberg à Arnault, en passant par Bezos dont le Washington Post est resté neutre pour la première fois – ont payé leur ticket d’entrée d’un million $ à l’investiture, officialisant un système économique où l’influence s’achète désormais sans fard.

Cette fusion entre intérêts politiques et économiques se traduit concrètement par une économie à deux vitesses : les États « rouges » (républicains) bénéficient d’investissements massifs et de contrats fédéraux, tandis que les « bleus » (démocrates) sont systématiquement délaissés. En mars 2025, des contrats importants pour construire des routes et des ponts ont été attribués dans l’État du Texas, comme ce contrat spectaculaire de 671 millions $ à la Fluor Corporation, soulevant des soupçons de favoritisme.

Sur le front du travail, cette même logique transforme radicalement le rapport salarial. Le « gig economy » (économie des petits boulots) se développe à marche forcée, suite à une réforme fédérale assouplissant la définition du « travailleur indépendant ». Désormais, un tiers des actifs américains – soit près de 60 millions de personnes – tirent une partie de leurs revenus de ce type d’activité, dépourvue de protections essentielles (salaire minimum, couverture sociale, indemnités maladie). Cette précarisation massive, qui permet aux entreprises de réduire leurs coûts de 30 %, réduit mécaniquement la capacité de consommation de millions d’Américains, fragilisant la base même de l’économie qu’on prétend revitaliser.

Cette précarisation s’accompagne de surcroit d’un démantèlement méthodique des filets de sécurité sociale. Les réductions drastiques des programmes sociaux comme SNAP (amputé de 20 milliards $) accroissent les inégalités, pendant que les grandes entreprises bénéficient d’allègements fiscaux massifs. Cette asymétrie dans le traitement économique creuse davantage le fossé entre les plus riches et les plus vulnérables, alors que les États-Unis sont aujourd’hui le pays développé où les inégalités de richesse sont les plus marquées . En effet, en 2024, les 10 % les plus riches détenaient près de 69 % de la richesse nationale, tandis que les 50 % les moins aisés n’en possèdaient que 6 %

Au-delà de ces transformations structurelles, l’économie devient un véritable champ de bataille idéologique. La politisation de l’économie atteint son paroxysme, avec un favoritisme assumé envers les entreprises dites « patriotiques » et un boycott actif des entreprises jugées « woke ». Cette guerre culturelle économique a des conséquences concrètes : dans ce contexte tendu, l’Union européenne a infligé des amendes record à Apple et Meta, exacerbant les tensions commerciales internationales.

L’impact psychologique de ces bouleversements ne peut être sous-estimé. Plus profondément, la société américaine est traversée par une peur inédite pour l’avenir. Cette anxiété collective n’est pas un simple effet secondaire mais un élément structurant du nouveau paysage économique, où la précarité psychologique renforce la dépendance au pouvoir central et affaiblit les capacités de résistance.

Malgré ce tableau sombre, des contre-pouvoirs tentent de s’organiser. Face à cette transformation, des résistances émergent : États progressistes développant leurs propres politiques alternatives, intellectuels de renom comme Steven Pinker et Douglas Irwin dénonçant l’autoritarisme croissant, juges fédéraux menaçant l’administration de sanctions pour non-respect des décisions de justice. Ces foyers de résistance, pour l’instant dispersés, pourraient-ils converger en un mouvement capable de rééquilibrer le système américain ?

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 6 : L’économie du chaos – Pouvoir, privilèges et déséquilibres »

Trump 2025

2028 en perspective : 4 scénarios pour une Amérique sous tension

« Le plus grand danger pour la démocratie, c’est l’habitude. » (Kim Lane Scheppele, 2021)

On croyait avoir tout vu, tout prédit, tout classé. Mais la politique, comme la tragédie, ne suit jamais le plan. Alors que la seconde présidence Trump achève sa dernière année, l’Amérique n’est plus la même. Ses institutions, ses équilibres, son contrat social et sa place dans le monde ont été redéfinis. Mais ce bouleversement n’augure pas une stabilisation : il ouvre une nouvelle zone d’incertitude. Que sera l’Amérique en 2028 ?

Cet épisode propose une analyse prospective fondée sur de multiples sources : rapports institutionnels, études académiques dont les travaux de Steven Levitsky, Timothy Snyder, Anne Applebaum et Yascha Mounk, croisés avec des modèles de science politique comparative (Levitsky & Ziblatt 2018 ; Mounk 2019 ; Scheppele 2020). L’objectif n’est pas de prédire, mais de cartographier le vraisemblable.

Quatre grands scénarios émergent, selon deux variables clés :

  • Le niveau de mobilisation de la société civile (faible à élevé)

  • Le degré de verrouillage institutionnel opéré par l’exécutif (partiel à complet)

Pour chaque scénario, j’examine l’évolution du système politique, économique et social américain ainsi que son positionnement international.

Ce septième épisode n’offre pas une simple conclusion, mais un miroir à facettes. Il nous tend le reflet de ce que peut devenir une démocratie lorsque l’habitude devient abdication, lorsque l’instabilité devient système. Trump n’est peut-être pas la cause, mais il est devenu le catalyseur d’un glissement global.

Quatre trajectoires, quatre visages possibles d’une Amérique désaxée : un empire verrouillé, une république à deux vitesses, une réforme fragile ou un chaos délibéré. Aucun scénario n’est absurde. Tous reposent sur des dynamiques déjà en marche.

Amérique 2028 : 4 Scénarios Prospectifs Scénario 1 : Consolidation Autoritaire Probabilité : 45 % – Verrouillage institutionnel – Transformation judiciaire Scénario 2 : Résistance Territoriale Probabilité : 25 % – Contre-pouvoirs locaux – Diplomatie parallèle Scénario 3 : Transition Centriste Probabilité : 20 % – Restauration démocratique – Innovations institutionnelles Scénario 4 : Fragmentation Violente Probabilité : 10 % – Tensions civiles – Délitement institutionnel Projection prospective basée sur des analyses académiques et institutionnelles

Lire l’article complet

Trump 2025 « Épisode 7: Quatre scénarios 2028 en perspective

Trump 2025

Le miroir américain 

Ce que cette série aura révélé, c’est moins une chronique politique qu’une autopsie démocratique en temps réel. Elle aura montré qu’au XXIe siècle, l’effondrement des régimes ne passe plus par des chars dans les rues, mais par des décrets en costume-cravate, des institutions vidées de leur fonction, des citoyens désorientés. Le théâtre démocratique subsiste, mais les projecteurs sont tournés vers la façade. En coulisses, l’esprit se retire.

Ce que traverse l’Amérique aujourd’hui dépasse le simple tumulte politique : c’est une transformation en profondeur de son architecture démocratique. Une sorte de théâtre où les apparences sont conservées, mais où la scène s’effondre derrière les rideaux. Comme l’a résumé l’un des témoins de cette série : « Le génie de cette stratégie, c’est qu’elle ne détruit pas la Constitution – elle la redéfinit jusqu’à l’absurde. La lettre demeure, mais l’esprit s’évapore. »

Cette bataille n’oppose ni la gauche à la droite, ni le peuple à l’élite. Elle oppose la puissance tranquille des institutions à la tentation d’un pouvoir sans entraves. Elle met en tension le confort de l’ordre avec la rigueur de la liberté.

Rien n’est inéluctable. Mais tout est déjà amorcé. Et pendant que l’Amérique choisit sa trajectoire, l’Europe regarde — non comme une spectatrice détachée, mais comme une actrice en sursis.

« Le démocrate désabusé n’est pas moins dangereux que le tyran zélé. Il lui tend le fauteuil. » — Réflexion apocryphe, mais à méditer.

Ainsi s’achève cette radiographie en sept actes d’une présidence hors-norme. À nous désormais de veiller à ce que le huitième ne soit pas écrit à notre insu.


En savoir plus sur SAPERE

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

Retour en haut

En savoir plus sur SAPERE

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture