Omar al-Mokhtar – L’homme qui défia Mussolini jusqu’au bout

Omar al-Mokhtar

Le Lion du désert exécuté par l'occupant fasciste

Le 16 septembre 1931, à Suluq, un homme droit, presque serein, avance vers la potence. Son nom ? Omar al-Mokhtar. Son crime ? Avoir tenu tête à l’Italie fasciste. Ils l’ont surnommé « le Lion du Désert » et ce surnom n’est pas usurpé. Face à lui, Mussolini et ses sbires n’ont pas envoyé des soldats, mais une machine de guerre déshumanisée, prête à écraser tout sur son passage : villages, femmes, enfants, bétail, et ce qu’il restait d’honneur.

Depuis 1911, l’Italie a débarqué en Libye, le couteau entre les dents. Elle veut sa part du gâteau colonial. Pourquoi ? Parce que Mussolini ne rêve que de refaire l’Empire romain. Il voit la Méditerranée comme une mare nostrum, où chaque vague doit refléter la gloire de Rome. Et que trouve-t-il sur la côte libyenne ? Des terres arides, une population hostile, et surtout Omar al-Mokhtar, cet homme qui se dresse contre lui, sans chars ni avions, mais avec des idées et une foi inébranlable. Le plan italien est simple : tout broyer. Villages, récoltes, familles, il ne doit rien rester. La Libye doit devenir la « Quatrième Rive » de l’Italie, un désert à coloniser, à repeupler d’Italiens affamés de terres. Mussolini veut écrire l’histoire en lettres de sang. Mais ce qu’il n’a pas prévu, c’est qu’on ne réduit pas une nation à un tableau de chasse.

On imagine le camp de Suluq comme un lieu de non-vie. Un désert d’âmes condamnées. Omar al-Mokhtar n’est pas exécuté en silence, loin des regards. Non, il est pendu en public, devant des Libyens qu’on force à assister à la mise à mort de leur espoir. Les fascistes croient briser un homme et en finir avec une rébellion. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’en éliminant le corps d’Omar al-Mokhtar, ils nourrissent la légende, celle qui n’a pas besoin d’être vivante pour exister.

 

Le combat impossible

Ce vieil homme, c’était l’épine plantée dans le flanc d’un régime obsédé par sa toute-puissance. À 73 ans, armé d’un turban et d’une foi inébranlable, il a tenu tête à l’Italie. Pas avec des tanks ou des avions, mais avec des tactiques de guérilla, et une connaissance des montagnes libyennes que ni Mussolini ni aucun de ses généraux ne pouvaient comprendre. L’Italie, pourtant auréolée d’une aura de modernité guerrière, a dû baisser la tête de honte face à cet homme qui, avec un fusil et quelques poignées d’hommes déterminés, leur a rappelé que l’honneur et la liberté ne se soumettent pas.

La répression fasciste

La machine italienne, sous Mussolini, a tout tenté. La terreur, bien sûr. On déplace des villages entiers, on rase des maisons, on envoie des innocents dans des camps de concentration comme on enverrait du bétail à l’abattoir. On se prend pour Dieu, on répand la mort et la désolation. Mais Omar al-Mokhtar ne fléchit pas. La guerre chimique, les bombardements, la faim, rien n’aura suffi. Parce que la foi d’un homme comme lui, une foi pure et sans compromission, est plus forte que tous les poisons et que toutes les bombes.

L'exécution, ou l'apothéose

Le tribunal militaire l’a jugé en un clin d’œil, comme s’il était un criminel ordinaire, un traître. Mais il n’y a pas de procès équitable quand on est l’incarnation vivante de la liberté. Ils l’ont pendu, croyant effacer le problème. Ils ont juste gravé son nom en lettres de feu dans l’histoire. La dernière image d’Omar al-Mokhtar, c’est celle d’un homme digne, qui accepte son destin sans courber l’échine. Et c’est cette image qui survivra. L’Italie fasciste, elle, finira en cendres, balayée par l’histoire comme une tempête qu’on oublie.

L’héritage

Coté européen, pas un mot pour condamner cette barbarie. Mais au Caire, à Bagdad, à Damas, c’est l’indignation. Omar al-Mokhtar, le martyr. L’homme qui a tenu tête à une armée fasciste pendant des décennies, devient un symbole. Partout dans le monde arabe, son nom est synonyme de résistance, de dignité. Les opprimés voient en lui un guide, Omar al-Mokhtar est devenu une icône. Mais attention, pas un de ces héros glorifiés à coup de monuments fades. Il est ce héros qui hante, celui qu’on évoque dans les murmures des oppressés, celui qui ne meurt jamais vraiment. Il est plus que le « Lion du Désert ». Il est la Libye qui refuse de plier, la Libye qui préfère mourir debout que vivre à genoux.

Ce que les fascistes n’ont jamais compris, c’est que les lions ne se domestiquent pas. Et un lion mort, c’est encore plus dangereux qu’un lion vivant. Aujourd’hui, dans chaque résistance qui naît contre l’injustice, dans chaque peuple qui lutte pour sa liberté, l’ombre d’Omar al-Mokhtar plane.

 

 

Chronologie

Avant la Résistance (1858-1911)

1858 : Naissance d’Omar al-Mokhtar dans le village de Zawiyat Janzur, en Cyrénaïque (région de l’est de la Libye), au sein d’une famille modeste liée à la confrérie religieuse soufie Senoussi.

Il est élevé dans les principes de l’islam et de la confrérie Senoussi. Il reçoit une éducation religieuse stricte et devient enseignant au sein de la confrérie, prônant les valeurs de justice et de résistance à l’oppression.

1881-1899 : Al-Mokhtar participe aux campagnes militaires de la confrérie Senoussi contre les incursions coloniales françaises au Tchad et au Soudan.

C’est là qu’il apprend l’art de la guérilla et forge sa réputation de fin stratège.

Début de la Résistance contre l’Italie (1911-1922)

1911 : L’Italie envahit la Libye, jusqu’alors sous domination ottomane, dans le cadre de la guerre italo-turque.

La résistance s’organise rapidement dans les régions de Tripolitaine et de Cyrénaïque, où la confrérie Senoussi joue un rôle crucial. Omar al-Mokhtar s’engage activement dans cette résistance, notamment en Cyrénaïque.

1917 : Après des années de combats, l’émir Idriss el-Senoussi, chef de la confrérie, négocie une trêve avec les Italiens.

Omar al-Mokhtar, refusant toute compromission avec l’occupant, continue la lutte armée de façon autonome, convaincu que l’indépendance doit être arrachée par la force.

1922 : L’émir Idriss el-Senoussi s’exile en Égypte, laissant Omar al-Mokhtar seul à la tête de la résistance en Cyrénaïque.

Cette année marque un tournant : la stratégie de guérilla devient le mode d’action principal de la résistance libyenne.

La Guerre de Guérilla (1923-1930)

1923 : Omar al-Mokhtar mène une série d’attaques fulgurantes contre les positions italiennes en Cyrénaïque.

La guérilla qu’il orchestre repose sur une connaissance approfondie du terrain montagneux du Djebel al Akhdar. Il réussit à déjouer les forces italiennes, malgré leur supériorité en hommes et en matériel.

1924-1927 : Sous la direction d’Omar al-Mokhtar, la résistance libyenne inflige des pertes sévères aux forces italiennes.

Les attaques sont imprévisibles et se concentrent sur des embuscades, sabotages, et la mobilité des combattants à cheval. Al-Mokhtar reste insaisissable, changeant constamment de campement, tout en maintenant une discipline rigoureuse parmi ses troupes.

1928 : L’Italie, désormais sous le régime fasciste de Mussolini, intensifie ses efforts pour écraser la rébellion.

Elle commence à militariser massivement la région de Cyrénaïque, construisant des routes, des avant-postes et tentant d’isoler la guérilla d’Omar al-Mokhtar.

L’Escalade Fasciste et la Répression (1930-1931)

1930 : Mussolini décide d’en finir avec la résistance en Cyrénaïque. Le général Rodolfo Graziani est nommé gouverneur de la Libye.

Sa stratégie : asphyxier la résistance. Il met en place une répression massive, allant de l’enfermement des populations civiles dans des camps de concentration à l’utilisation d’armes chimiques.

1930 : Début de la construction d’une barrière de fils de fer barbelés le long de la frontière égyptienne.

Cette barrière vise à couper tout approvisionnement et soutien extérieur à la guérilla d’Omar al-Mokhtar. La population libyenne est déportée en masse dans des camps de concentration, tandis que les ressources des combattants se raréfient.

Février 1931 : La résistance libyenne commence à s’effondrer sous la pression continue de l’armée italienne.

Les bombardements et les représailles systématiques affaiblissent peu à peu la guérilla d’Omar al-Mokhtar, mais ce dernier continue de combattre.

Capture et Exécution (1931)

11 septembre 1931 : Omar al-Mokhtar est capturé lors d’une embuscade à Slonta, après avoir été trahi par un de ses alliés.

Le lion du désert est enfin pris au piège, affaibli mais digne.

15 septembre 1931 : Al-Mokhtar est traduit en jugement lors d’un procès expéditif à Benghazi.

Malgré ses 73 ans et les suppliques pour qu’il soit épargné, il est condamné à la pendaison.

16 septembre 1931 : Omar al-Mokhtar est pendu dans le camp de concentration de Suluq.

Sous les yeux de milliers de Libyens contraints d’assister à l’exécution de leur leader, Mussolini pense avoir triomphé. Mais en réalité, c’est le début de l’immortalité pour Omar al-Mokhtar, qui devient un martyr et un symbole éternel de la résistance anticoloniale.

Après sa Mort et Héritage

1932 : La résistance armée libyenne en Cyrénaïque s’effondre après la mort d’Omar al-Mokhtar.

L’Italie instaure un contrôle total sur la Libye, mais l’ombre d’al-Mokhtar continue de planer.

1951 : La Libye obtient son indépendance.

La mémoire d’Omar al-Mokhtar devient un élément central de l’identité nationale libyenne.

1981 : Le film Le Lion du Désert, réalisé par Moustapha Akkad, raconte l’histoire d’Omar al-Mokhtar et immortalise sa lutte.

Le film est interdit en Italie jusqu’en 2009, preuve de l’impact durable de cette figure sur l’histoire coloniale italienne.


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