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Toggle19 Octobre 1987
Quand Wall Street s'effondre en un éclair
Lundi 19 octobre 1987. Une journée comme une autre, en apparence. Les traders démarrent leurs écrans, alors que les bourses du monde entier s’activent. Mais ce jour-là, quelque chose cloche. En quelques heures, l ‘impensable se produit pour la première fois dans l’histoire boursière, le Dow Jones dégringole de 22,6 % en une seule journée. Un effondrement. Une catastrophe.
La finance mondiale est en apnée. En une seule journée, 500 milliards $ se sont évaporés. Une somme hallucinante, dépassant le PIB annuel du Canada, 10e puissance économique du monde. En d’autres termes, l’effondrement des marchés a fait disparaître l’équivalent d’une année de richesse produite par la nation canadienne tout entière. C’est le fameux Lundi noir. New York vacille, Londres panique, Hong Kong s’effondre. Pourtant, tout n’est pas perdu : contrairement au krach de 1929, cette tempête n’engendrera pas une dévastation économique durable. Pourquoi ? Parce que cette fois, des leçons ont été tirées.
Repères chiffrés
Principales Bourses mondiales Evolution de leur indice le 19 Octobre 1987
Pourquoi tout a basculé ?
Mais entrons avant dans les coulisses de cette tragédie financière. 1987 n’est pas le fruit d’un seul faux pas. Non, c’est une danse macabre orchestrée par au moins quatre facteurs.
1. Des marchés surévalués, prêts à exploser
Les années 1980, c’est l’euphorie. La croissance américaine sous Reagan est exaltée, tout monte, tout brille. Les actions ? Un peu trop. Les investisseurs sont prêts à payer 20 fois le bénéfice des entreprises, persuadés que les profits exploseront demain. Mais à force de s’envoler trop près du soleil, on finit par se brûler. Et c’est exactement ce qui se produit : des actions gonflées comme des ballons de baudruche qui éclatent à la moindre étincelle.
2.Les machines prennent le contrôle
L’une des nouveautés de l’époque ? Le trading automatisé. Des ordinateurs qui, dès qu’ils détectent une baisse, se mettent à vendre en masse. Fini les décisions humaines, place aux algorithmes. Résultat ? Les ventes s’enchaînent comme un train lancé à pleine vitesse sans conducteur. Une chute qui s’auto-alimente. Une spirale infernale.
Volume des transactions ce jour-là ? 600 millions d’actions échangées, soit trois fois plus que la normale. Impossible de freiner cette frénésie.
3. Des taux d’intérêt qui grimpent, l’économie qui freine
L’inflation pointe le bout de son nez. Alan Greenspan, tout nouveau à la tête de la Fed, n’a pas le choix : il augmente les taux d’intérêt de 7,5 % à 9,5 %. Ça fait mal. Les investisseurs paniquent. Plus de crédit bon marché, plus de croissance à court terme. La fête est finie.
4. Les nerfs à vif : entre commerce et tensions internationales
Les États-Unis sont en déficit commercial. Ça, c’est le premier souci. Mais il y en a d’autres : des tensions dans le Golfe Persique, avec l’Iran qui joue les fauteurs de troubles, et surtout un désaccord entre les puissances du G7. L’Allemagne et les États-Unis ne s’entendent pas sur la gestion des taux de change. James Baker, le secrétaire au Trésor américain, laisse même entendre que le dollar pourrait encore se déprécier.
Pourquoi une dépréciation du dollar est-elle une bombe potentielle ? Parce que le dollar est la monnaie de référence pour plus de 70% du commerce mondial, notamment pour les matières premières comme le pétrole et les métaux. Lorsque la valeur du dollar baisse, il faut donc plus de dollars pour acheter la même quantité de pétrole, par exemple. Cela augmente automatiquement le prix de ces matières premières en dollars. Par ailleurs, pour les entreprises américaines qui achètent des produits à l’étranger, une baisse du dollar signifie que les importations coûtent plus cher, réduisant leurs profits. Ce cumul de pressions sur les coûts peut alimenter une panique généralisée sur les marchés. »
Pourquoi 1987 n’a pas été 1929 ?
Si le Lundi noir a provoqué des sueurs froides, il n’a heureusement pas déclenché de dépression économique. Voici pourquoi.
1. La réponse rapide des banques centrales
En 1929, la réaction des autorités fut lente. Résultat ? La récession mondiale s’installe et dure près de 10 ans. En 1987, c’est tout autre chose. Alan Greenspan, à peine nommé à la tête de la Fed, injecte des milliards dans le système financier, baisse les taux d’intérêt, et rétablit la confiance.
En effet, l’injection de liquidités permet aux banques de continuer à prêter, évitant ainsi une crise de solvabilité et des faillites en chaîne. La baisse des taux d’intérêt rend le crédit moins cher, stimulant la consommation et les investissements, ce qui relance l’activité économique. Ces actions combinées rétablissent la confiance des marchés en montrant que les autorités monétaires prennent le contrôle de la situation. Cela apaise la panique et stabilise les prix des actifs, évitant une crise économique prolongée.
En quelques mois, les marchés retrouvent des couleurs. Les faillites bancaires ? Evitées de justesse, contrairement à la cascade de 1929. Les banques centrales du monde entier collaborent, et c’est ce qui fait la différence.
2. Impact limité sur l’économie réelle
Malgré le choc, la croissance américaine continue. Le PIB progresse encore. Même en France, malgré un ralentissement temporaire, la croissance atteint 2,4 % en 1987 et le chômage reste stable autour de 10 %.
En 1929, l’histoire fut bien différente. La crise a précipité une récession mondiale, entraînant une chute du PIB américain de près de 30 % et un taux de chômage atteignant 25 % en 1933. L’économie mondiale avait été durement frappée, et les populations ont souffert des conséquences économiques dévastatrices.
3. Des réformes pour prévenir la prochaine crise
La leçon est retenue : des coupe-circuits sont introduits, des mécanismes automatiques qui stoppent les échanges en cas de chute brutale, pour éviter une nouvelle panique. Et sur le plan international, une coordination renforcée des régulateurs permet de stabiliser les marchés mondiaux.
Les Leçons du Krach de 1987
Le Lundi noir de 1987 a prouvé une chose : peu importe la croissance, les marchés sont fragiles, prêts à s’effondrer à la moindre étincelle. Spéculation, technologies mal maîtrisées, tout peut basculer en une fraction de seconde. Mais cette crise a aussi révélé l’importance cruciale d’une réaction rapide et coordonnée. Deux enseignements principaux en sont sortis : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et mieux maîtriser les risques, surtout dans ce monde où les machines prennent le contrôle.
Pourtant, la finance mondiale reste une bête capricieuse, toujours à l’affût d’un faux pas. Malgré les réformes et les coupe-circuits installés après 1987, les marchés continuent de déraper. Pourquoi ? Parce que l’avidité humaine et l’innovation financière sont des armes à double tranchant. À chaque génération, une nouvelle bulle se gonfle : l’Internet dans les années 2000, l’immobilier avant 2008, puis le choc de la crise du COVID-19 en 2020.
Comme le montre ce graphique recensant les 5 plus graves crises boursières de 1907 à 2020, la baisse journalière du cours des actions est sans précédent. Malgrè les mesures prises d’autres crises lui ont succédées. La crise boursière de 2008, déclenchée par l’éclatement de la bulle immobilière et la faillite de la banque emblématique Lehman Brothers, a provoqué l’effondrement des marchés financiers mondiaux et une récession globale, nécessitant des interventions massives des gouvernements et banques centrales pour sauver le système. Celle de 2020, dite du COVID, a entraîné un effondrement rapide des marchés mondiaux, avec des pertes massives et des confinements généralisés, forçant les gouvernements et banques centrales à intervenir par des plans de relance historiques pour éviter une récession prolongée.
Historique des plus fortes baisses d'indice du Dow Jones
Les produits financiers sophistiqués, censés prévenir les catastrophes, deviennent souvent des bombes à retardement. L’effet de levier, le trading algorithmique, les algorithmes froids comme la mort : tout est là pour que les investisseurs, jamais rassasiés, poussent le système à ses limites. Et puis vient l’imprévu. Une guerre. Une pandémie. L’euphorie se mue en chaos. Même les coupe-circuits, ces fameux mécanismes censés freiner la chute, ne peuvent rien contre la rapidité avec laquelle les algorithmes réagissent, exacerbant la volatilité.
Oui, 1987 nous a laissé des garde-fous. Mais l’instabilité fait partie de l’ADN des marchés. La prochaine crise n’est jamais loin, tapie dans l’ombre, prête à frapper. Lorsque l’on regarde objectivement la situation en 2024, les marchés semblent près du gouffre : les taux d’intérêt élevés étranglent le crédit, tandis que le ratio prix/bénéfices (P/E) des actions américaines et françaises atteint des sommets historiques, flirtant avec 30 pour le S&P 500 et 25 pour le CAC 40. C’est le signe d’une bulle spéculative imminente. L’inflation persiste, la volatilité explose, et les tensions géopolitiques aggravent l’incertitude. À cela s’ajoutent les catastrophes climatiques qui déstabilisent des secteurs clés comme l’énergie et l’agriculture, faisant craindre un effondrement global. Le cours de l’or par once, valeur refuge, semble ne pas s’y tromper, il a battu son record de valorisation historique en ce 19 octobre 2024, avec un cours à 2 722,14 $, soit +31% depuis janvier. Face à ce cocktail explosif, une crise boursière semble presque inévitable.
Certes, nous apprenons à chaque fois, mais l’histoire se répète toujours, implacable.
FAQ
Qu'est-ce qu'un ratio prix/bénéfice de 20 ?
Le ratio prix/bénéfices (P/B) en français et (P/E) en anglais de 20 signifie que les investisseurs sont prêts à payer 20 dollars pour chaque dollar de bénéfice réalisé par une entreprise.
Prenons un exemple simple :
P = Price (le prix de l’action)
E = Earnings (les bénéfices par action)
– Le prix total de ses actions (P) (capitalisation boursière) est de 20 millions de dollars.
– Une entreprise génère un bénéfice net (E) de 1 million de dollars sur un an.
Le P /E ratio de cette entreprise serait alors de 20
Cela signifie que les investisseurs évaluent cette entreprise à 20 fois ses bénéfices annuels.
Lorsque ce ratio est élevé (comme en 1987, avec un ratio de 21,4), cela suggère que le marché s’attend à une croissance future élevée des bénéfices. Mais si ces attentes ne sont pas atteintes, cela peut entraîner une chute des cours.
Comment se situe le ratio prix/bénéfice du S&P 500 depuis 1920 ?
Le graphique révèle que les marchés actuels sont proches de niveaux historiquement élevés, ce qui peut signaler une bulle spéculative et le risque d’une correction future.
Décénnie 1920 : Les années 1920 ont vu des valorisations élevées, atteignant un ratio P/E de 33, reflétant l’optimisme effréné avant le krach de 1929. Cependant, les valorisations ont chuté à un niveau historiquement bas de 5 après le crash.
Décénnies 1930s-1950 : Pendant la Grande Dépression, le P/E reste bas, mais dans les décennies suivantes, les ratios restent relativement stables, avec des extrêmes moins prononcés, entre 8.5 et 18, reflétant la reprise progressive de l’économie.
Décénnies 1960s-1980: Les marchés montrent une volatilité accrue, avec des ratios élevés, culminant à 25 dans les années 1960, avant une baisse importante dans les années 1980 à un bas de 7. Cela reflète l’instabilité économique et les chocs pétroliers.
Décénnies 1990s et 2000: Les années 1990 marquent une envolée des valorisations avec un P/E haut de 44, reflétant la bulle Internet. Toutefois, après l’éclatement de cette bulle, le ratio chute rapidement dans les années 2000 avant de remonter à des niveaux élevés avec la crise financière.
Décénnie 2020: Ces dernières années, les marchés ont atteint des sommets historiques avec un P/E haut de 40 dans un contexte de politique monétaire accommodante, mais aussi une volatilité plus contrôlée avec un minimum de 30. Les investisseurs continuent de se tourner vers des actions à forte croissance, malgré les risques de surévaluation.
Quelles sont les caractéristiques de la crise bousière de 1929 et de 1987 aux Etats-Unis et en France ?
| Aspect | Krach de 1929 en France | Krach de 1929 aux États-Unis | Krach de 1987 en France | Krach de 1987 aux États-Unis |
|---|---|---|---|---|
| Impact sur les marchés financiers | – Effondrement progressif de la Bourse de Paris avec une baisse d’environ 30 % entre 1929 et 1932. – Chute concentrée sur les secteurs industriels et d’exportation. | – Chute brutale de 12,8 % le 28 octobre et 11,7 % le 29 octobre. – Perte totale de 89 % du Dow Jones entre 1929 et 1932. – Destruction de 30 milliards de dollars (10 % du PIB). | – Chute de 9 % du CAC 40 le 19 octobre 1987. – Reprise rapide dans les mois suivants. | – Chute de 22,6 % du Dow Jones le 19 octobre, la plus importante baisse en une journée. – Pertes récupérées en moins de deux ans. |
| Récession économique | – Début de la récession en 1932. – Contraction de la production industrielle de 25 %. – Baisse de 15 % du PIB. | – Récession sévère de 30 % du PIB entre 1929 et 1933. – Production industrielle en baisse de 47 %. – Contraction massive du commerce international. | – Pas de récession majeure. – Croissance maintenue avec 2,4 % en 1987. | – Aucune récession. – Croissance ralentie mais stabilisation économique rapide grâce à des mesures monétaires. |
| Impact sur le chômage | – Hausse modérée du chômage à 7 % en 1935. – Impact concentré sur l’industrie et les régions rurales. | – Explosion du chômage à 25 % en 1933. – Près de 15 millions de chômeurs. | – Chômage déjà élevé à 10 %, mais pas d’augmentation notable après le krach. | – Chômage stable à environ 6 % en 1987. – Pas d’augmentation significative post-krach. |
| Impact social | – Augmentation de la pauvreté dans les zones rurales et industrielles. – Mouvements sociaux et émergence du Front populaire. | – Pauvreté massive avec des Hoovervilles (bidonvilles) qui se développent. – Détresse sociale profonde. – Migration interne à la recherche de travail. | – Faible impact social. – Pas de hausse marquée de la pauvreté ni de tensions sociales. | – Impact social limité. – Pas d’augmentation significative de la pauvreté. |
| Réponse politique | – Instabilité politique croissante. – Division entre la gauche et la droite, montée des extrêmes. | – Crise politique majeure. – Montée des extrêmes, notamment du populisme et des mouvements communistes et fascistes. – Élection de Franklin D. Roosevelt en 1932 et mise en place du New Deal. | – Stabilité politique maintenue sous la cohabitation Mitterrand-Chirac. | – Stabilité politique sous Ronald Reagan. – Confiance maintenue grâce aux interventions de la Fed et d’Alan Greenspan. |
| Réponse gouvernementale | – Politique rigide de maintien de l’étalon-or jusqu’en 1936. – Réformes sociales sous le Front populaire en 1936. | – New Deal de Franklin D. Roosevelt à partir de 1933, avec des programmes de travaux publics et des réformes bancaires et sociales. – Abandon de l’étalon-or en 1933. | – Intervention rapide de la Banque de France et des autorités monétaires pour stabiliser les marchés. | – Réponse rapide de la Fed sous Alan Greenspan, avec injections de liquidités et baisse des taux d’intérêt. |
Ce qu'il faut retenir
-
Effondrement soudain de Wall Street : Le 19 octobre 1987, le Dow Jones chute de 22,6 %, effaçant 500 milliards $ en quelques heures, provoquant une panique mondiale.
-
Facteurs déclencheurs multiples : Surévaluation des marchés, trading automatisé, hausse des taux d’intérêt et tensions internationales ont alimenté la crise.
-
Pas une réédition de 1929 : La réaction rapide des banques centrales, avec injection de liquidités et baisse des taux, a évité une récession durable.
-
Mesures de prévention post-crise : Des coupe-circuits et une meilleure coordination internationale ont été instaurés pour limiter les futures crises.
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Fragilité persistante des marchés : Malgré les réformes, les crises se répètent à cause de la spéculation, des algorithmes et des nouvelles bulles spéculatives.
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