1512 : Quand l’Espagne essaya de réguler l’exploitation coloniale

Le 27 décembre 1512, dans une Espagne tiraillée entre foi et ambition, furent promulguées les lois de Burgos. Premiers textes juridiques européens à tenter de réglementer le traitement des peuples indigènes dans les colonies du Nouveau Monde, ces lois incarnent un paradoxe : une tentative de justice qui, en pratique, demeure impuissante face aux réalités brutales de la colonisation. Que racontent ces lois ? Une histoire où les mots peinent à combattre l’hypocrisie d’un empire.

 La Foi, l’Or et le Sang

1492, l’année qui change tout. Christophe Colomb, porté par le soutien des Rois Catholiques espagnols, atteint les rives d’un continent inconnu pour les Européens. Mais cet acte, longtemps glorifié comme une « découverte », marque en réalité le début d’une invasion méthodique. Ce que Colomb ouvre, ce ne sont pas des routes maritimes vers l’Asie, mais des portes grandes ouvertes vers l’exploitation. En quelques années, les conquistadors, armés de croix, d’épées et d’une insatiable soif d’or, transforment les Amériques en un théâtre de conquêtes brutales et à des actes génocidaires.

Estimations de la population coloniale
1492 : Quelques centaines à quelques milliers de colons (essentiellement dans les Caraïbes).
1600 : Entre 300 à 600,000 colons européens, principalement dans les territoires espagnols et portugais.

TerritoirePopulation estimée (1600)Principales zones de colonisation
Amérique espagnole250,000 à 500,000 colons européensMexique, Pérou, Caraïbes, Caracas, Lima
Amérique portugaise (Brésil)30 000 à 50 000 PortugaisCôte brésilienne
Colonies anglaises, françaises et néerlandaisesQuelques milliers de colonsVirginie, Antilles françaises et néerlandaises

Ces terres, peuplées de civilisations riches et complexes comme les Aztèques, les Mayas et les Incas, deviennent le terrain de jeux des ambitions impériales. Les indigènes, porteurs d’une culture et d’une organisation millénaire, se retrouvent réduits à des corps exploitables, forcés de travailler dans des mines, des champs, et des infrastructures imposées par les Espagnols. Entre les maladies importées, la violence des conquistadors et les conditions de vie inhumaines, des millions périssent en quelques décennies. L’eldorado promis par Colomb s’est rapidement mué en charnier.

Pour les peuples indigènes, cette invasion représente une destruction non seulement physique mais aussi culturelle.

L’appropriation de leurs terres et l’imposition de normes européennes ont éradiqué des traditions multimillénaires. Face à cette destruction, les populations autochtones ont trouvé refuge dans la tradition orale. Les récits, transmis de génération en génération, ont permis de préserver une partie de leur vision du monde précolombienne et de documenter la réalité brutale de la colonisation.

Certains symboles culturels ont également survécu à travers des adaptations ingénieuses. Par exemple, des motifs artistiques et des cérémonies ancestrales ont été dissimulés sous des pratiques acceptées par les Espagnols, comme l’incorporation d’icônes catholiques dans des rituels locaux. Cela a permis aux indigènes de maintenir un lien avec leurs traditions tout en évitant la répression.

Décembre 1512 : Le dilemme moral de Burgos entre justice et exploitation

Nous sommes en décembre 1512. À Burgos, capitale intellectuelle de la Castille, une assemblée d’hommes graves se réunit. Derrière des portes lourdes et des tentures épaisses, les discussions s’éternisent. L’air est chargé de tensions, les plumes grattent nerveusement sur le parchemin. D’un côté, les dominicains, défenseurs d’une justice chrétienne, s’efforcent de convaincre l’assemblée qu’il faut préserver la dignité des indigènes. De l’autre, des pragmatistes, encomenderos influents ou proches du pouvoir, insistent sur la nécessité de maintenir une main-d’œuvre obéissante pour nourrir la machine économique coloniale. Entre les deux, la Couronne espagnole joue les arbitres.

Les témoignages accablants des missionnaires, notamment ceux de Bartolomé de las Casas, ont poussé Ferdinand II d’Aragon à intervenir. Mais l’objectif n’est pas d’abolir l’encomienda, ce système si vital pour les colons. Il s’agit de poser des limites aux abus les plus flagrants pour apaiser les tensions et sauver les apparences.

Ce que dénonce Bartolomé de las Casas

Les Massacres généralisés : Las Casas décrit les tueries atroces commises par les Espagnols, incluant l’éventrement des enfants, le fracassement des bébés contre les rochers, ou encore des massacres massifs comme celui de Cholula, où plus de trente mille personnes furent tuées.

Les Tortures inhumaines : Les Espagnols mutilaient les indigènes (mains, nez, oreilles) pour extorquer de l’or. Les chefs étaient brûlés vifs, et même les femmes enceintes ou venant d’accoucher étaient forcées de porter de lourdes charges.

L’Esclavage systématique : Les indigènes étaient réduits en esclavage, marqués au fer comme des bêtes, forcés à travailler sans salaire ni nourriture, souvent jusqu’à la mort. Des milliers d’entre eux mouraient lors de travaux exténuants comme l’extraction des perles.

Les Violations et abus sexuels : Les femmes et les enfants des populations indigènes étaient fréquemment victimes de violences sexuelles. Las Casas rapporte notamment le cas d’un capitaine ayant violé la femme d’un seigneur indigène.

La Destruction des cultures et des sociétés : Les villages et royaumes indigènes étaient systématiquement détruits. Les lois, coutumes et croyances locales étaient remplacées par celles imposées par les colons, souvent sous prétexte de christianisation.

Les Trahisons répétées : Les Espagnols gagnaient la confiance des indigènes par de fausses promesses, avant de les capturer, les asservir ou les massacrer. Las Casas qualifie ces actions de trahisons systématiques.

Les Justifications fallacieuses : Les Espagnols présentaient les Indiens comme des barbares et des rebelles pour légitimer leurs actions, alors que, selon Las Casas, ces populations étaient souvent pacifiques et accueillantes.

Les Accusation de tyrannie : Las Casas condamne les Espagnols comme des tyrans avides, responsables d’avoir dépeuplé et dévasté les Indes au mépris des lois divines et humaines.

L’Ignorance royale : Il souligne que les rois d’Espagne étaient trompés par les mensonges des conquistadors, et qu’ils ignoraient l’ampleur des crimes commis.

Les lois de Burgos : entre idéal, contradiction et héritage

Dans ce contexte. les lois de Burgos, constituées de 35 articles, sont promulguées. Sur le papier, elles marquent une avancée symbolique : elles reconnaissent les indigènes comme des sujets libres, interdisent officiellement leur esclavage et tentent de réglementer leurs conditions de travail. Ces lois posent également des principes de protection et d’évangélisation. Toutefois, ces mesures sont empreintes de contradictions fondamentales. Bien qu’elles interdisent l’esclavage, elles maintiennent les indigènes sous un régime de travail forcé, subordonnés à la volonté des encomenderos.

Les contradictions des lois des Burgos

Pourtant ambitieuses sur le papier, elles sont empreintes d’un paradoxe fondamental : elles reconnaissent la liberté des indigènes tout en maintenant leur subordination totale au système colonial. Par ailleurs, elles vont manquer cruellement de mécanismes d’exécution. La distance géographique, l’autonomie des encomenderos et la corruption des administrateurs locaux rendent toute supervision impossible. Cette absence de moyens concrets condamne finalement ces règles à rester lettre morte.

Une Liberté Théorique : Si les indigènes ne peuvent être réduits en esclavage, ils sont néanmoins contraints de travailler sous les ordres des colons. Leur liberté s’arrête là où commencent les exigences économiques de l’empire.

Un Contrôle Absolu : Sous couvert d’évangélisation et de protection, les encomenderos disposent d’un pouvoir quasi absolu sur les indigènes. Ce pouvoir, loin d’être limité par les lois, se voit légitimé par elles.

Un Humanisme Conditionné : Les droits reconnus aux indigènes ne sont valables que s’ils acceptent de se soumettre à l’ordre colonial et d’abandonner leurs traditions culturelles et religieuses. Pour les indigènes, cette contradiction signifiait un emprisonnement social où la survie passait par la soumission. L’éradication de leurs croyances les plongeait dans une déshumanisation systématique.


De fait, les lois de Burgos oscillaient entre des aspirations humanitaires et la réalité d’un système colonial oppressif, renforçant les contradictions entre liberté proclamée et servitude imposée.

Les impacts pour les populations indigènes

Perspectives Indigènes sous les Lois de Burgos

Elles se sont traduites par une tentative systématique d’éradication culturelle. Sous prétexte d’évangélisation, leurs croyances ancestrales furent qualifiées de païennes et interdites. Les rites spirituels, qui constituaient le cœur de leur identité, furent remplacés par des pratiques chrétiennes imposées. Cet effacement a provoqué une rupture générationnelle, les savoirs transmis oralement étant souvent perdus à jamais.

Elles ont imposé une restructuration complète des sociétés indigènes. Les communautés, historiquement basées sur des relations de réciprocité et des systèmes hiérarchiques propres, ont été transformées en entités exploitées au service des encomenderos. Cette métamorphose forcée a non seulement brisé les équilibres internes mais a également renforcé un sentiment de marginalisation.

L’aliniéation des peuples

Le poids psychologique de ces transformations fut immense. En plus des pertes humaines massives dues à la violence et aux maladies, les peuples indigènes furent confrontés à une aliénation culturelle et sociale. Leur identité, autrefois enracinée dans leurs traditions, fut redéfinie par une domination coloniale qui les considérait comme inférieurs.

L’évangélisation forcée, inscrite dans les lois de Burgos, a bouleversé les systèmes religieux indigènes. Ces peuples, dont les croyances étaient profondément liées à la nature et à leur environnement, ont vu leurs rituels millénaires réduits à des actes clandestins ou effacés.

Par ailleurs, ces lois ont participé à une restructuration complète des sociétés indigènes. Les communautés, autrefois fondées sur des relations de réciprocité et des structures hiérarchiques propres, ont été fragmentées pour mieux répondre aux besoins économiques des encomenderos. Ce bouleversement a non seulement détruit leur autonomie, mais renforcé leur marginalisation. Dans le même temps, les multiples rébellions témoignent d’une résistance farouche, où les peuples indigènes ont cherché à préserver leur identité culturelle et politique face à l’oppression systématique, malgré les répressions souvent brutales qui s’ensuivaient.

De Hatuey à Tupac Amaru : Chronique des résistances indigènes aux Amériques

Les nombreux soulèvements témoignent de la volonté des peuples autochtones de préserver leur autonomie, malgré des répressions souvent sanglantes. Leur mémoire continue d’incarner la lutte pour l’identité et la justice.

• Hatuey (1511-1512, Hispaniola et Cuba) : Le chef taïno a mené une rébellion contre l’encomienda, devenant un symbole de la résistance indigène malgré sa capture et son exécution.

• Mixtón (1540-1541, Nouvelle-Espagne) : Les peuples Caxcanes se soulevèrent pour dénoncer l’exploitation minière, illustrant une organisation locale face aux encomenderos.

• Pueblos (1680, Nouveau-Mexique) : Menés par le shaman Popé, ils expulsèrent temporairement les Espagnols, affirmant leur autonomie culturelle et politique.

• Mapuches (Guerre d’Arauco, Araucanie) : Une résistance acharnée sur plusieurs siècles, incarnant la résilience face à la colonisation.

• Tupac Amaru II (1780-1782, Andes) : Une insurrection massive contre l’exploitation fiscale et sociale, marquée par une répression brutale.

Un jalon historique et une inspiration pour le droit

Malgré leurs limites, les lois de Burgos représentent une étape importante dans l’histoire juridique coloniale. Elles témoignent d’une tentative embryonnaire de régulation dans un système jusque-là régi par l’arbitraire. Plus encore, elles jettent les bases d’un débat juridique et philosophique sur les droits des peuples conquis, un débat poursuivi par des penseurs tels que Francisco de Vitoria et l’école de Salamanque. Ces réflexions contribueront au développement des fondements du droit international moderne, notamment autour de l’idée que les peuples indigènes possèdent des droits inaliénables, y compris celui de vivre selon leurs propres lois.

Héritage et résonance contemporaine

Le débat ouvert par les lois de Burgos se prolongera dans des textes comme les Nouvelles Lois de 1542, qui tenteront d’abolir l’encomienda, mais rencontreront une vive opposition des colons. Aujourd’hui encore, l’héritage des lois de Burgos résonne dans les luttes contemporaines pour les droits des peuples autochtones. Comme en témoigne l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007), les mêmes tensions subsistent entre la reconnaissance des droits humains et les impératifs économiques.

Ces lois, bien qu’imparfaites, nous rappellent que proclamer des droits sans s’assurer de leur mise en œuvre réelle conduit à des réformes symboliques mais inefficaces. Elles incarnent à la fois un jalon moral et les limites d’une réforme menée sans volonté politique forte.

Chronologie

1492 Octobre 12 – Découverte de l’Amérique

Christophe Colomb atteint les côtes des Caraïbes sous le drapeau espagnol, marquant le début de l’ère coloniale dans les Amériques. Cet événement ouvre la voie à une exploitation systématique des ressources et des peuples indigènes.

1493 – Introduction du système de l’encomienda

La Couronne espagnole met en place l’encomienda, un système supposé organiser le travail forcé des indigènes tout en assurant leur évangélisation. Ce système devient rapidement synonyme de servitude et d’abus.

1500 – Retour de Christophe Colomb enchaîné en Espagne

Accusé de mauvaise gestion et d’abus dans les colonies, Colomb est arrêté et renvoyé en Espagne enchaîné. Cet épisode illustre déjà les tensions liées à la gouvernance des territoires coloniaux.

1502 – Arrivée de Bartolomé de Las Casas dans le Nouveau Monde

Bartolomé de Las Casas, futur défenseur des indigènes, arrive à Hispaniola en tant que colon et bénéficiaire de l’encomienda. Son expérience personnelle le conduira à devenir un ardent défenseur des droits des peuples autochtones.

1503 – Ordre de la Reine Isabelle de protéger les Indiens

La Reine Isabelle déclare que les indigènes doivent être traités avec justice et rester libres, bien que cet ordre soit rarement respecté dans les colonies.

1508 – Exploitation à grande échelle à Hispaniola

Les Espagnols intensifient l’exploitation des populations indigènes, entraînant des pertes humaines massives et la destruction des communautés locales.

1509 – Colonisation de Porto Rico et de la Jamaïque

Les Espagnols établissent leur domination sur ces îles, répétant les violences et les exploitations déjà perpétrées à Hispaniola.

1511 Décembre – Sermon d’Antonio de Montesinos

Le dominicain Antonio de Montesinos dénonce les abus envers les indigènes dans un sermon célèbre à Hispaniola. Ce discours marque un tournant moral dans le débat sur la colonisation.

1512 Décembre 27 – Promulgation des lois de Burgos

Ces lois, composées de 35 articles, tentent de réguler l’exploitation des indigènes en interdisant leur esclavage et en encadrant leurs conditions de travail. Elles restent largement inappliquées.

1514 – Abus intensifiés en Terre Ferme

Pedro Arias Dávila, gouverneur de la Castille d’Or, intensifie les massacres et les mauvais traitements infligés aux populations locales, renforçant la répression coloniale.

1516 – Massacre des populations indigènes dans l’île de la Trinité

Les Espagnols lancent des attaques massives contre les indigènes, détruisant des communautés entières et provoquant des pertes humaines immenses.

1517 – Découverte de la Nouvelle-Espagne (Mexique)

Les Espagnols découvrent les côtes mexicaines, amorçant une nouvelle phase de conquêtes et de violences contre les peuples indigènes.

1518 – Colonisation de la Nouvelle-Espagne

Les Espagnols s’installent dans la région, intensifiant les vols, les meurtres, et les exploitations des peuples autochtones.

1524-1535 – Dépeuplement du royaume de Naco et du Honduras

Les violences coloniales, l’esclavage, et les massacres entraînent la mort de millions de personnes dans cette région. Les structures sociales locales sont irréversiblement détruites.

1525 – Tyrannie à Pánuco, Nouvelle-Espagne

Nuño de Guzmán, gouverneur de Pánuco, impose un régime de terreur, réduisant en esclavage des milliers d’indigènes et provoquant la fuite des survivants.

1528-1546 – Violences sous administration allemande au Venezuela

Les marchands allemands de la famille Welser, ayant obtenu une concession espagnole sur le Venezuela, instaurent une administration brutale marquée par des violences et des pratiques esclavagistes. Leur quête effrénée de richesse aggrave les souffrances des populations indigènes et provoque des conflits sanglants dans la région.

1529 – Intensification des violences à Santa Marta

Pedro de Heredia, gouverneur de Santa Marta, initie une campagne de pillages systématiques, dévastant les terres indigènes sur une vaste étendue.

1531 – Conquête du Pérou et exécution d’Atahualpa

Les Espagnols capturent et exécutent l’Inca Atahualpa après avoir extorqué une énorme rançon en or, marquant le début de leur domination sur les Andes.

1534 – Tentatives de christianisation du Yucatan

Les franciscains tentent d’évangéliser les populations locales, mais rencontrent une résistance liée à la méfiance envers les Espagnols.

1537 – Bulle papale Sublimis Deus

Le pape Paul III publie une bulle affirmant que les indigènes sont des êtres humains dotés d’âmes et qu’ils ne peuvent être réduits en esclavage.

1542 Novembre – Promulgation des Nouvelles Lois

Charles Quint édicte les Nouvelles Lois pour renforcer la protection des indigènes et abolir progressivement l’encomienda, malgré l’opposition des colons.

1546 – Révolte des Espagnols au Pérou contre les Nouvelles Lois

Les colons espagnols rejettent ces réformes, déclenchant des conflits internes qui exacerbent la violence dans la région.

1550-1551 – Controverse de Valladolid

Débat entre Bartolomé de las Casas et Juan Ginés de Sepúlveda sur la légitimité morale de la colonisation et le traitement des indigènes.

1552 – Publication des écrits de Bartolomé de Las Casas

À Séville, Las Casas publie un compte rendu accablant des atrocités commises dans les Indes, appelant à une réforme radicale.

1573 – Ordonnances des découvertes

Philippe II édicte des ordonnances interdisant l’utilisation de la violence dans la colonisation. Ces directives restent largement inappliquées.

1680 – Révolte des Pueblos

Les peuples indigènes du Nouveau-Mexique se révoltent contre la domination espagnole, obtenant temporairement leur autonomie avant une répression brutale.

1780-1782 – Révolte de Tupac Amaru II

Dans les Andes, Tupac Amaru II mène une insurrection contre les abus fiscaux et sociaux imposés par les Espagnols. Bien que réprimée, cette révolte inspire les mouvements futurs.

1810-1825 – Mouvements d’indépendance en Amérique latine

Les colonies espagnoles en Amérique obtiennent leur indépendance, mais les peuples indigènes restent marginalisés dans les nouveaux États-nations.

2007 Septembre – Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Adoption d’un texte international visant à protéger les droits, les cultures et les terres des peuples autochtones. Cet événement reflète les échos contemporains des débats historiques.

Ce qu'il faut retenir

  • Les lois de Burgos, un paradoxe juridique : Ces textes de 1512 tentent de réguler l'exploitation des peuples indigènes tout en légitimant un système colonial oppressif. Elles incarnent une tentative embryonnaire d'introduire des principes juridiques dans un contexte de domination brutale.
  • Un contexte marqué par l’avidité et la foi : Ces lois émergent dans une Espagne partagée entre ses ambitions économiques et la morale chrétienne, portée par des figures comme Bartolomé de las Casas. Elles reflètent les tensions entre impérialisme économique et responsabilité morale.
  • Des contradictions majeures : Bien que les indigènes soient proclamés libres, ils restent soumis à une servitude économique et culturelle sous le système de l'encomienda. Ce paradoxe illustre une liberté théorique qui masque une réalité d'exploitation.
  • Des contradictions majeures : Bien que les indigènes soient proclamés libres, ils restent soumis à une servitude économique et culturelle sous le système de l'encomienda. Ce paradoxe illustre une liberté théorique qui masque une réalité d'exploitation.
  • Des conséquences durables : Ces lois marquent un jalon dans l’histoire du droit international, inspirant plus tard les débats sur les droits humains universels. Elles posent également les bases d’une réflexion sur les systèmes d’oppression institutionnalisés.
  • Un effacement culturel systématique : Sous prétexte d’évangélisation, elles participent à la destruction des traditions spirituelles, sociales et politiques des peuples autochtones, entraînant une déstructuration sociale durable.
  • Des résistances autochtones multiples : Malgré cette domination, les peuples indigènes ont opposé des formes variées de résistance, allant des révoltes armées (comme celle de Hatuey) à la préservation clandestine de leurs traditions culturelles et spirituelles.
  • Une leçon contemporaine : Les lois de Burgos illustrent l’écart persistant entre droits proclamés et leur application effective. Cette problématique reste d’actualité dans les luttes modernes pour les droits des peuples autochtones et contre les systèmes d’injustice structurelle.
  • Un héritage ambivalent : Si elles échouent à transformer la réalité coloniale, ces lois posent néanmoins les bases d’un discours juridique sur les droits humains. Elles rappellent que toute réforme nécessite non seulement des principes clairs mais aussi des moyens concrets pour assurer leur mise en œuvre.

FAQ

Les lois de Burgos de 1512 tentent de réglementer l’exploitation des indigènes tout en maintenant le système de l’encomienda, en l’encadrant davantage. Elles reconnaissent théoriquement la liberté des indigènes, mais conditionnent cette liberté à leur subordination à l’ordre colonial.

En revanche, les Nouvelles Lois de 1542, promulguées par Charles Quint, vont beaucoup plus loin en cherchant à abolir progressivement l’encomienda. Elles visent à supprimer l’héritabilité de ce système, réduisant ainsi le pouvoir des encomenderos, et renforcent les sanctions contre les abus. Alors que les lois de Burgos reflètent un compromis entre humanisme et exploitation économique, les Nouvelles Lois s’inscrivent dans une volonté plus affirmée de protéger les indigènes et de répondre aux critiques croissantes, notamment celles portées par Bartolomé de las Casas. Cependant, leur adoption a suscité une révolte massive des colons, notamment au Pérou, où la résistance a entraîné des affrontements armés. Cette opposition met en lumière la difficulté d’imposer des réformes dans des sociétés coloniales profondément enracinées dans la violence et la dépendance économique vis-à-vis de l’exploitation des peuples autochtones.

 
 
 
 
 

Les lois de Burgos offrent un parallèle évident avec les débats actuels sur les droits des peuples autochtones. Elles reflètent les tensions universelles entre la proclamation de principes éthiques et leur application réelle.

Aujourd’hui, malgré des avancées telles que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007), les communautés autochtones continuent de lutter contre l’exploitation de leurs terres et la marginalisation. Comme les lois de Burgos, les législations modernes se heurtent souvent à des intérêts économiques puissants qui entravent leur mise en œuvre. De plus, ces débats soulèvent encore la question de la reconnaissance des droits culturels, spirituels et territoriaux dans des systèmes dominés par des logiques économiques globalisées. Ainsi, les lois de Burgos, bien qu’imparfaites, restent un jalon historique qui résonne dans les luttes contemporaines pour la justice sociale.

Les lois de Burgos, bien qu’elles soient un jalon important, ne sont pas isolées dans l’histoire des tentatives de réglementation coloniale.

Dans d’autres empires, des cadres similaires ont émergé pour répondre à des dilemmes similaires : comment exploiter les ressources et la main-d’œuvre locales tout en prétendant à une certaine moralité ou légitimité. Par exemple, dans les colonies françaises des Amériques, le Code Noir (1685) visait à encadrer le traitement des esclaves africains, tout en légitimant l’esclavage.

De même, l’Empire britannique développa des règles spécifiques pour administrer l’Inde, tentant de concilier le maintien de l’ordre avec l’exploitation économique. Les lois de Burgos se distinguent cependant par leur position pionnière dans l’histoire coloniale, en étant parmi les premières à reconnaître théoriquement les droits des peuples conquis. Elles marquent un début d’articulation entre l’éthique chrétienne et les réalités brutales de la colonisation, un défi que d’autres empires tenteront de relever des siècles plus tard.

Plusieurs obstacles majeurs ont empêché l’application effective des lois de Burgos.

Tout d’abord, la distance géographique entre la métropole espagnole et les colonies d’Amérique compliquait la supervision. Les ordres venant d’Espagne mettaient des mois à parvenir aux territoires concernés, et les autorités locales avaient souvent une grande autonomie.

Ensuite, la résistance des encomenderos, qui bénéficiaient du système en place, fut un frein décisif : ces colons influents voyaient dans les lois une menace à leurs privilèges économiques.

La corruption des administrateurs coloniaux aggrava la situation, car beaucoup préféraient fermer les yeux sur les abus en échange de profits personnels.

Enfin, le manque de moyens coercitifs pour faire respecter ces règles rendit leur application presque impossible.

En résumé, les lois de Burgos furent davantage un geste symbolique qu’un outil de réforme pratique, illustrant les limites d’un pouvoir centralisé face à la complexité d’un empire en expansion.

Les témoignages indigènes sur cette période sont rares, en grande partie à cause de la destruction systématique des documents écrits et de la marginalisation des voix autochtones dans les récits historiques.

Cependant, certains survivants et descendants ont transmis leur histoire à travers la tradition orale. Ces récits, riches en détails culturels et spirituels, offrent une vision indigène de la colonisation, souvent absente des archives européennes. Par exemple, les peuples des Andes ont conservé des récits sur l’arrivée des Espagnols, décrivant l’impact dévastateur de la conquête sur leurs communautés et leur organisation sociale.

Les codex aztèques, bien qu’en partie détruits, ont également fourni des perspectives uniques sur la violence et l’exploitation subies par les peuples mésoaméricains. Aujourd’hui, des recherches interdisciplinaires, combinant anthropologie et histoire, tentent de reconstituer ces récits perdus, permettant une compréhension plus équilibrée de cette époque.

Bartolomé de las Casas fut une figure centrale dans la réflexion morale sur le système colonial, bien que son rôle direct dans la rédaction des lois de Burgos soit limité.

À cette époque, il n’avait pas encore totalement renoncé à son encomienda, mais il avait déjà commencé à critiquer les abus observés dans les colonies. Ses témoignages et ses plaidoyers, ainsi que ceux d’autres missionnaires dominicains comme Antonio de Montesinos, influencèrent les discussions qui menèrent à la promulgation des lois.

Plus tard, après sa conversion totale à la défense des indigènes, de las Casas devint un fervent avocat de réformes plus profondes, jouant un rôle clé dans la promotion des Nouvelles Lois de 1542. Il rédigea également de nombreux écrits dénonçant les horreurs de la colonisation, tels que la Brève Relation de la destruction des Indes, qui contribuèrent à sensibiliser les cercles intellectuels européens. Son engagement fit de lui une figure incontournable dans le débat moral et juridique de l’époque.

 


 

En savoir plus 

« Histoire de la destruction des Indes » de Bartolomé de las Casas

« Colonisation et conscience chrétienne au XVIe siècle » de Lewis Hanke. Une analyse ancienne mais approfondie des tensions entre les impératifs économiques de la colonisation et les préoccupations morales soulevées par des figures comme Bartolomé de las Casas.

« Politique indigène de l’Espagne et population du littoral à l’époque coloniale » (OpenEdition Books) : Cette ressource examine la réglementation du travail forcé et les obligations imposées aux colons par les lois de Burgos.

« Les Conquistadors : la découverte et la conquête de l’Amérique Latine » par Jean Descola. L’auteur retrace les exploits des figures emblématiques comme Cortés, Pizarro ou Balboa, tout en décrivant la richesse des civilisations précolombiennes et les tragédies humaines liées à leur destruction. À travers une approche équilibrée, Descola offre un récit vivant et nuancé, éclairant les motivations, les contradictions et les conséquences de la conquête espagnole.

« La conquête de l’Amérique : la question de l’autre «  par Tzvetan Todorov. Cet essai philosophique et historique analyse la rencontre entre les Européens et les peuples indigènes comme un paradigme du rapport à l’altérité. Todorov explore les motivations des conquistadors, les justifications idéologiques de la conquête, et les conséquences humaines et culturelles tragiques pour les civilisations précolombiennes. 


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