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ToggleArticle 5, clause politique ou menace stratégique réelle ?
Washington, printemps 1949
L’Europe est à genoux, mais l’ordre mondial se recompose. L’URSS s’ancre à l’Est, les États-Unis hésitent à se lier durablement au Vieux Continent. L’OTAN naît de cette incertitude. Elle repose sur une clause simple, mais décisive : une attaque contre l’un sera considérée comme une attaque contre tous. L’article 5 est le cœur battant du traité — non un symbole de solidarité, mais un levier de dissuasion collective.
1. Une obligation militaire sous habillage politique
L’article 5, adopté le 4 avril 1949, ne promet pas une guerre automatique, mais il engage chaque membre à agir “comme il le juge nécessaire, y compris par la force armée”, en réponse à une attaque armée contre un allié.
Ce langage est souple — mais il n’est pas vide. Il crée une contrainte stratégique : l’inaction face à une agression majeure affaiblit la crédibilité de l’Alliance. Or, la dissuasion repose justement sur cette crédibilité.
Clause politique ? Oui. Mais portée militaire obligatoire.
2. Une clause peu invoquée, mais toujours activée en amont
L’article 5 n’a été invoqué qu’une seule fois, après les attentats du 11 septembre 2001. Mais son absence d’invocation n’est pas un aveu d’impuissance : c’est l’indice de son efficacité dissuasive.
En 2001, son activation entraîne des mesures concrètes : partage de renseignement, déploiement d’AWACS au-dessus des États-Unis (opération Eagle Assist), contrôle maritime (Active Endeavour). Loin du mythe d’un “déclenchement de guerre”, l’article 5 produit une mobilisation logistique et militaire immédiate.
L’OTAN agit, souvent sans dire “article 5”, mais avec lui en arrière-plan.
3. La dissuasion nucléaire : l’ossature stratégique de l’article 5
La garantie suprême de l’OTAN repose sur la dissuasion nucléaire. Les forces stratégiques américaines, mais aussi britanniques et françaises, ancrent cette menace dans la réalité.
Le Royaume-Uni lie explicitement sa dissuasion à la défense collective de l’Alliance.
La France, plus autonome, refuse la mutualisation, mais a reconnu en 2020 que ses “intérêts vitaux” incluent une dimension européenne.
Ainsi, même sans automatisme nucléaire, l’article 5 intègre une menace existentielle crédible. Il ne s’agit plus d’une clause politique, mais d’une charpente militaire potentiellement nucléaire.
L’article 5 adossé à la dissuasion est un instrument de coercition stratégique, pas un simple pacte diplomatique.
4. Le nouveau champ de bataille : cyber, hybride, ambigu
Depuis 2014, l’OTAN admet que les cyberattaques ou opérations hybrides pourraient justifier l’activation de l’article 5. En 2021, l’Alliance affirme que chaque cas sera jugé par le Conseil. Cette souplesse est stratégique : elle permet d’adapter la clause aux conflits sans frontières ni uniformes.
Mais cela soulève une question majeure : quel est le seuil d’une agression ?
En 2025, les chefs militaires alliés avertissent que le brouillage, le sabotage énergétique, les intrusions numériques ou la désinformation peuvent “affaiblir la dissuasion sans déclencher la réponse”.
L’article 5 est donc testé non sur sa force, mais sur sa capacité à qualifier l’ennemi.
Conclusion : L’article 5 est politique dans sa forme, stratégique dans ses effets
Qualifier l’article 5 de “politique” n’en réduit pas la portée. C’est justement parce qu’il oblige 32 États à réagir ensemble, qu’il produit une dissuasion crédible — et redoutée. Il est trop coûteux à ignorer pour être théorique, trop risqué à provoquer pour être décoratif.
C’est une arme stratégique en suspens.
Son pouvoir ne vient pas d’un mécanisme automatique, mais du consensus militaire qu’il oblige à construire, et de la crédibilité collective qu’il projette.
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