Une série d’analyses sur les régimes politiques et les dynamiques de gouvernement en Europe.
Pays-Bas : une illusion de stabilité centriste ?
Les élections anticipées d’octobre 2025, provoquées par la chute du gouvernement Schoof après le retrait du PVV, ont marqué un tournant. Le jeune centriste Rob Jetten (D66) a créé la surprise : sa campagne pro-européenne et optimiste a fait jeu égal avec Geert Wilders. Derrière ce duel inattendu, les Pays-Bas révèlent une société en quête d’équilibre : entre exaspération populiste et aspiration au progrès.
Le système politique néerlandais
Le Tweede Kamer (chambre basse) compte 150 députés élus à la proportionnelle intégrale pour quatre ans. Le Eerste Kamer (Sénat) en comprend 75, désignés indirectement pour la même durée. Ce bicaméralisme tempéré favorise la négociation constante : en 2025, pas moins de 15 partis y sont représentés.
Les forces en présence (opposition)
- D66 (centre libéral, pro-européen) : 26 sièges (+17).
- PVV (extrême droite populiste, Geert Wilders) : 26 sièges (–11).
- VVD (droite libérale) : 22 sièges (–2).
- GroenLinks–PvdA (gauche écologiste et sociale) : 20 sièges (–5).
- CDA (centre-droit chrétien-démocrate) : 18 sièges (+13).
- JA21 (droite conservatrice populiste) : 9 sièges (+8).
- BBB (mouvement rural populiste) : 8 sièges.
Les forces politiques en mouvement
Après la victoire historique de 2023, Geert Wilders espérait transformer sa percée en pouvoir exécutif. Mais en 2025, son pari s’est retourné contre lui : le retrait du PVV du gouvernement Schoof a provoqué des élections qu’il a perdues. Le recul à 26 sièges (–11) illustre une usure plus stratégique qu’idéologique. Son discours anti-immigration continue de séduire un électorat populaire, mais une partie de ses anciens soutiens a migré vers le D66 et le CDA, porteurs d’un message d’ordre et d’efficacité.
La campagne de Rob Jetten, 38 ans, ancien ministre du Climat, a misé sur un ton constructif et sur des thèmes concrets : logement, innovation, cohésion. Ce choix a séduit une classe moyenne urbaine fatiguée des outrances. Le progrès n’a pas triomphé du populisme, il a simplement réussi à le contenir.
La coalition centriste : solution ou symptôme ?
La coalition en formation réunit le D66, le VVD et le CDA, avec un appui externe de GroenLinks–PvdA. Ensemble, ils atteignent 74 sièges, soit une majorité étroite. Cette alliance, pragmatique mais fragile, devra arbitrer entre rigueur budgétaire, pression migratoire et pénurie de logements (plus de 400 000 manquants). Le nouveau gouvernement Jetten incarne un progressisme institutionnel plus qu’idéologique : l’idée d’un État efficace, apaisé, mais sans cap doctrinal affirmé.
Analyse : stabilité ou épuisement du centre ?
Les Pays-Bas offrent l’image d’un pays modéré mais fracturé. La modération n’est plus un choix, c’est une obligation politique. En l’absence de clivages structurants, la démocratie se transforme en mécanique de gestion, et le centre se confond avec le statu quo. La question reste ouverte : cette stabilité est-elle une réussite du consensus, ou le symptôme d’un essoufflement démocratique ?
Conclusion
Le modèle néerlandais demeure un laboratoire du compromis. Mais entre fragmentation parlementaire, tensions sociales et désenchantement citoyen, la nouvelle ère Jetten devra prouver que la démocratie peut encore convaincre sans renoncer à débattre.
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