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ToggleRussie : la famine de 1891
Un Empire aux Contradictions Internes
La Russie, fin XIXe siècle : l’empire s’étend sur des milliers de kilomètres, flirte avec les puissances européennes, accumule des réserves d’or pour industrialiser ses villes. Et pendant ce temps, dans les campagnes, la faim gagne. Une famine d’une violence inouïe s’abat sur le pays en 1891-1892, touchant près de 30 millions de personnes sur une population de 100 millions. Oui, trente millions de vies suspendues à une récolte anéantie et aux choix d’un pouvoir aveuglé par ses ambitions. En 1891, la catastrophe éclate en pleine lumière.
Une sécheresse dévastatrice frappe la Russie, anéantissant les récoltes et plongeant des millions de paysans dans la misère. La famine s’étend rapidement, affectant les régions agricoles les plus densément peuplées, notamment autour de la Volga et dans le centre de l’Empire. Des familles entières sont réduites à l’inanition, dépendant de réserves alimentaires déjà épuisées. La famine ne se limite pas à la simple privation de nourriture ; elle ouvre aussi la porte aux épidémies, avec le choléra et le typhus qui déciment les villages affaiblis par la faim.
En 1891, une sécheresse dévastatrice frappe la Russie, anéantissant les récoltes et plongeant des millions de paysans dans la misère. La famine s’étend rapidement, affectant les régions agricoles les plus densément peuplées, notamment autour de la Volga et dans le centre de l’Empire. Des familles entières sont réduites à l’inanition, dépendant de réserves alimentaires déjà épuisées. La famine ne se limite pas à la simple privation de nourriture ; elle ouvre aussi la porte aux épidémies, avec le choléra et le typhus qui déciment les villages affaiblis par la faim.
L’Obsession de l’Or de Vichnegradski
À la tête des finances de l’Empire, Ivan Vichnegradski, ministre des Finances (1er janvier 1887 au 30 Août 1892), poursuit une politique implacable. Son credo ? « Nous ne mangerons pas, mais nous exporterons. » Malgré les avertissements et les signaux d’alerte, la Russie continue d’exporter près de 4 millions de tonnes de céréales vers l’étranger pour accumuler des réserves d’or. Ces devises, selon lui, sont essentielles pour financer la modernisation de l’Empire et renforcer sa position sur la scène internationale. Mais derrière cette ambition économique se cache un coût humain désastreux : les greniers du pays se vident, et ce sont les plus vulnérables qui paient le prix fort.
Des Conditions Climatiques Dévastatrices
Les conditions climatiques qui précèdent la famine sont une véritable tragédie pour les campagnes russes. En automne 1890, une sécheresse implacable frappe les terres agricoles, suivie d’un hiver rigoureux sans neige, qui expose les semences au gel. Les cultures sont détruites avant même l’arrivée du printemps. Puis, comme si le sort s’acharnait, un été exceptionnellement sec en 1891 achève de ruiner les récoltes dans les grandes régions agricoles. En conséquence, les récoltes de seigle, aliment de base des paysans russes, chutent de 65 à 70 % dans certaines provinces. La nature semble s’acharner sur un pays déjà affaibli.
Un Système Agricole Archaïque et Inefficace
Mais ce désastre climatique n’est qu’une partie de l’histoire. Le vrai problème réside dans un système agricole archaïque et inefficace. Malgré l’abolition du servage en 1861, les paysans, faussement « libérés », peinent à subvenir à leurs besoins. Leurs terres sont souvent insuffisantes, réparties dans des mirs (communes rurales) qui imposent des redistributions fréquentes, interdisant toute amélioration durable. Le quotidien des paysans est marqué par des outils rudimentaires, des charrues en bois, et une absence totale d’engrais. La productivité agricole est très faible comparée aux pays d’Europe. En 1891, la Russie ne dispose que d’une seule école d’agriculture, l’Académie Petrovsky à Moscou, ce qui symbolise le retard agricole très conséquent du pays face aux défis de la modernisation.
| Pays | Rendement moyen (quintaux/ha) |
|---|---|
| Russie | 4 à 5 |
| France | 12 à 15 |
| Allemagne | 15 à 20 |
| Angleterre | 20 à 25 |
L’Implacable Pression Fiscale
Et la pauvreté est partout : même en temps normal, les paysans peinent à joindre les deux bouts. La pression fiscale est écrasante. Pour financer l’industrialisation coûteuse, le gouvernement impose des taxes élevées aux paysans. Ceux qui ne peuvent payer voient leurs biens saisis, leurs animaux et leurs outils confisqués par les collecteurs d’impôts. Comment résister à la famine quand il ne reste plus rien pour planter, ni même un moyen de labourer la terre ? L’impitoyable pression fiscale ajoute un poids supplémentaire à des vies déjà marquées par la précarité.
Comparaison de la pression fiscale (% du revenu total)
| Pays | Pression fiscale (% du revenu total) |
|---|---|
| Russie | 25 à 30 % (incluant paiements de rachat) |
| France | 16 à 18 % |
| Allemagne | 10 à 15 % |
| Angleterre | 10 à 15 % |
En résumé, la Russie imposait une charge fiscale nettement plus lourde sur ses paysans que les autres grandes puissances européennes. Cela s’expliquait par une combinaison d’impôts directs élevés, de paiements de rachat pour les terres après l’abolition du servage, et d’une politique économique orientée vers l’exportation plutôt que vers le soutien aux populations rurales.
Le Silence de l’État et l’Engagement de Tolstoï
Le bilan est funeste : au moins 500,000 morts, des villages entiers décimés par la faim, le choléra et le typhus. Face à cette catastrophe, l’État reste d’abord silencieux, lent à réagir, comme s’il espérait un miracle. C’est dans ce vide que s’élève la figure inattendue de Léon Tolstoï. L’auteur de Guerre et Paix et Anna Karénine abandonne sa plume pour organiser des réseaux d’approvisionnement, distribuer de la nourriture, mobiliser des fonds, et nourrir des enfants affamés. Par son action, Tolstoï expose l’incapacité du régime à protéger son peuple, soulignant le mépris de l’État pour ceux qu’il prétend défendre.
Une Société en Colère : Les Prémices de la Contestation
Cette crise n’est pas qu’une tragédie humanitaire ; elle est le déclencheur d’une révolte sourde. La gestion déplorable de la famine par le gouvernement et son inflexibilité face à l’urgence détruisent la confiance des Russes dans leur empire. Paysans, ouvriers, intellectuels — tous découvrent le vrai visage d’un régime qui les laisse mourir pour remplir ses coffres. La famine de 1891-1892 marque une fracture irréversible : la société civile commence à s’organiser, à défier l’autorité. Les étudiants, les intellectuels, les futurs révolutionnaires prennent acte de l’indifférence de l’État, préparant le terrain pour les révoltes futures.
Ce qu'il faut retenir
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Un empire déchiré par ses contradictions La Russie du XIXe siècle, en quête de modernisation et d'influence européenne, laisse ses campagnes sombrer dans la pauvreté et la faim. En 1891-1892, une famine massive touche 30 millions de personnes sur une population de 100 millions, dévoilant les failles d’un empire obsédé par sa puissance.
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L'obsession de l'exportation et de l'or Ivan Vichnegradski, ministre des Finances, poursuit une politique d’exportation de céréales pour accumuler de l’or, malgré les signaux alarmants de pénurie. En 1891, près de 4 millions de tonnes de céréales sont vendues à l’étranger, vidant les greniers russes et sacrifiant les besoins des paysans.
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Des conditions climatiques désastreuses La famine est aggravée par une série d’événements climatiques extrêmes : une sécheresse à l'automne 1890, un hiver sans neige qui détruit les semences, suivi d'un été sec en 1891, provoquant une chute de 65 à 70 % des récoltes de seigle dans les provinces les plus touchées.
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Un système agricole archaïque et inefficace Le système agricole russe, marqué par l'archaïsme et la faiblesse des rendements empêche les paysans de subvenir à leurs besoins. Le manque de modernisation agricole et de soutien gouvernemental les rend vulnérables face aux crises alimentaires.
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Une pression fiscale implacable sur les paysans La Russie impose une charge fiscale écrasante, avec 25 à 30 % des revenus des paysans absorbés pour financer l’industrialisation. Incapables de payer, les paysans voient leurs biens saisis, ajoutant à la précarité déjà extrême de leur existence.
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L’inaction de l’État et l’engagement de Léon Tolstoï Face à la catastrophe, l’État réagit tardivement, laissant des figures comme Léon Tolstoï organiser des distributions de nourriture et des aides d’urgence. Tolstoï dénonce publiquement l'incapacité et l’indifférence du régime, devenant un symbole d'opposition morale.
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Les prémices d’une contestation révolutionnaire La famine de 1891-1892 marque un tournant : la gestion désastreuse de la crise érode la confiance des Russes dans le régime. Paysans, intellectuels et futurs révolutionnaires prennent acte, posant les bases de la contestation qui débouchera sur les révolutions du XXe siècle.
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