Un mythe tenace
La dissolution par Léon XIII
Le 20 septembre 1900 : un faux mythe historique ou l’apogée d’une lente agonie ? Cette date, souvent liée à la dissolution officielle des États pontificaux par Léon XIII, résonne comme l’épilogue d’un pouvoir mort depuis des décennies. Car, en réalité, cette dissolution n’a rien de soudain ou de brutal ; elle n’est que l’officialisation d’une tragédie déjà consommée en 1870, lors de la prise de Rome.
Ah, Léon XIII, ce pape réformateur, sage, mais sans doute un peu las. Lorsqu’il « dissout » les États pontificaux en 1900, il ne fait que signer un acte de décès posthume. Pourquoi cette date reste-t-elle gravée dans les mémoires ? Parce qu’elle scelle formellement une vérité cruelle : le Saint-Siège n’est plus une puissance territoriale. Toutefois, le coup fatal avait déjà été porté trente ans plus tôt, un certain 20 septembre 1870.
La fin du pouvoir temporel : la brèche de Porta Pia
En 1870, les troupes italiennes du roi Victor-Emmanuel II (1861-1878) déferlent sur Rome, franchissant les murailles de la ville à la célèbre Porta Pia. Ce jour-là, le pape Pie IX (1846-1878), en retrait dans son palais, assiste impuissant à la chute de son royaume millénaire. Les États pontificaux, qui s’étendaient alors sur une vaste portion de l’Italie centrale, sont annexés par le Royaume d’Italie. Pie IX proteste, se retranche dans le Vatican, se proclame prisonnier, mais rien n’y fait : la messe est dite. La papauté n’a plus d’armée, plus de terres, plus de pouvoir temporel.
Léon XIII et la reconnaissance de l'inévitable
Et que fait Léon XIII face à ce naufrage qu’il hérite à son accession au trône en 1878 ? Visionnaire, il comprend que résister serait futile. Trente ans après la prise de Rome, il accepte l’inéluctable. Dissoudre formellement les États pontificaux en 1900 est pour lui un acte de réalisme, voire de pragmatisme. Pourquoi s’acharner à prétendre à des terres perdues quand l’Église a encore une mission spirituelle à remplir ? Léon XIII oriente l’Église vers l’avenir, laissant la gestion des territoires à ceux qui en ont fait leur obsession. Sa reconnaissance formelle permet, en quelque sorte, de tourner la page, d’ouvrir la voie aux négociations qui donneront lieu, en 1929, aux Accords du Latran.
La renaissance spirituelle après la chute
Pour l’Église catholique, la perte du pouvoir temporel est paradoxalement une renaissance. Privée de ses terres, elle se recentre sur sa vocation première : la spiritualité. Léon XIII le sait bien, et c’est là que réside sa grandeur. Son encyclique Rerum Novarum (1891) marque un tournant : l’Église doit désormais peser dans les débats sociaux, économiques, moraux. Exit l’Italie centrale, bienvenue à la scène mondiale. Car, si le Vatican n’est plus un acteur politique, il devient une force morale incontestable.
Ainsi, en 1900, lorsque Léon XIII met fin officiellement aux États pontificaux, il ne fait que clore une page déjà bien jaunie. L’Église a perdu un empire, mais elle a gagné une influence globale, un empire de l’esprit. Finis les soldats pontificaux et les forteresses d’antan, place aux mots, aux idées, aux valeurs universelles. Finalement, peut-être Léon XIII n’a-t-il pas seulement dissous des États, il a propulsé l’Église dans la modernité. Et ça, c’est peut-être bien plus redoutable qu’une brèche à Porta Pia.
Choronologie
1870 Septembre 20 – Prise de Rome
Les troupes italiennes, sous le commandement de Victor-Emmanuel II, franchissent les murs de Rome par la Porta Pia. Cet événement marque la fin des États pontificaux et l’annexion de Rome au Royaume d’Italie. Le pape Pie IX proteste contre cette annexion et se considère comme prisonnier au Vatican.
1871 Janvier 30 – Proclamation de Rome capitale du Royaume d’Italie
Après la prise de Rome, le gouvernement italien déclare la ville comme la nouvelle capitale du Royaume d’Italie. Cette décision confirme l’intégration définitive des États pontificaux dans le royaume italien unifié.
1878 Février 20 – Élection du pape Léon XIII
À la mort de Pie IX, Léon XIII est élu pape. Il hérite d’une situation délicate, avec la papauté privée de son pouvoir temporel. Contrairement à son prédécesseur, Léon XIII adopte une approche pragmatique face à cette nouvelle réalité politique.
1891 Mai 15 – Publication de l’encyclique Rerum Novarum
Léon XIII publie l’encyclique Rerum Novarum, dans laquelle il aborde les questions sociales, les droits des travailleurs et les injustices du capitalisme. Ce document souligne le nouveau rôle spirituel de l’Église dans le monde moderne.
1900 Septembre 20 – Dissolution officielle des États pontificaux par Léon XIII
Léon XIII reconnaît officiellement la dissolution des États pontificaux, qui n’existent plus de facto depuis la prise de Rome en 1870. Cette décision marque une nouvelle ère pour l’Église catholique, qui se concentre désormais sur son influence spirituelle plutôt que politique.
1929 Février 11 – Signature des Accords du Latran
Les Accords du Latran, signés entre le pape Pie XI et Benito Mussolini, établissent l’État de la Cité du Vatican en tant qu’entité souveraine et indépendante. Cet accord met officiellement fin à la « question romaine » et garantit la souveraineté spirituelle du Saint-Siège.
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