Fachoda – une marche infernale jusqu’au bout de l’Afrique

FACHODA Quand la France a baissé les yeux

Une marche infernale jusqu’au bout de l’Afrique

Le 19 septembre 1898, en plein cœur du Soudan, un face-à-face historique se prépare. Après des mois d’une expédition harassante à travers l’Afrique, Jean-Baptiste Marchand et ses hommes se retrouvent à Fachoda, attendant un signe de leur gouvernement, persuadés d’avoir marqué un coup pour l’empire français. Mais voilà que Herbert Kitchener arrive, frais de ses victoires sur les Mahdistes. Deux hommes, deux empires. Le choc est inévitable, mais l’histoire a choisi : la France va baisser les yeux.

L’expédition de Marchand est un véritable parcours du combattant. Parti en 1896, le groupe a traversé 7,000 kilomètres de jungles denses et de déserts implacables. À chaque pas, les conditions climatiques oppressantes rongent le moral et les corps. Le paludisme frappe sans relâche, laissant les hommes épuisés, malades, et souvent morts. Marchand a tenu bon, mais à quel prix ?

Pendant trois mois, lui et ses troupes stationnent à Fachoda, un avant-poste français isolé, sur le Haut-Nil. Ils sont loin de tout, livrés à eux-mêmes, mais convaincus d’avoir devancé les Britanniques. Leur seul soutien logistique : le bateau vapeur Faidherbe, démonté et remonté à chaque fleuve. Un exploit en soi. Et pourtant, ils le sentent : l’affrontement avec l’Empire britannique est inévitable.

Le contexte géopolitique : le partage de l’Afrique

Pour comprendre cet incident, il faut remonter à la Conférence de Berlin de 1885, où les grandes puissances européennes ont décidé de se partager l’Afrique comme un gâteau. La France, elle, rêve d’un empire reliant Dakar à Djibouti. Les Britanniques, eux, voient grand : une ligne continue du Caire au Cap, symbole de leur domination. Fachoda devient le point de rencontre et d’affrontement de ces ambitions impériales contradictoires. Mais ces ambitions ne se limitent pas aux seuls empires. Les troupes derviches, contrôlant la région avant l’arrivée des forces européennes, représentent un autre enjeu local important. Après la bataille d’Omdurman en 1898, les Britanniques écrasent les forces mahdistes, ce qui ouvre la voie à la confrontation avec les Français.

Le contexte géopolitique : le partage de l’Afrique

Pour comprendre cet incident, il faut remonter à la Conférence de Berlin de 1885, où les grandes puissances européennes ont décidé de se partager l’Afrique comme un gâteau. La France, elle, rêve d’un empire reliant Dakar à Djibouti. Les Britanniques, eux, voient grand : une ligne continue du Caire au Cap, symbole de leur domination. Fachoda devient le point de rencontre et d’affrontement de ces ambitions impériales contradictoires. Mais ces ambitions ne se limitent pas aux seuls empires. Les troupes derviches, contrôlant la région avant l’arrivée des forces européennes, représentent un autre enjeu local important. Après la bataille d’Omdurman en 1898, les Britanniques écrasent les forces mahdistes, ce qui ouvre la voie à la confrontation avec les Français.

Kitchener arrive : le duel à distance

Herbert KITCHENER

Quand Kitchener débarque avec ses troupes le 19 septembre 1898, il sait qu’il n’aura même pas besoin de tirer un coup de feu. Les ordres sont clairs : la France doit se retirer.

Ce n’est pas seulement un affrontement militaire ; c’est une guerre d’orgueil, une bataille symbolique. Marchand, malgré tout son courage, sait que ses forces sont dérisoires face à l’Empire britannique. Pourtant, le courage de Marchand et ses hommes est indéniable. Ils sont là depuis trois mois, seuls, dans une région hostile, à défendre l’honneur d’une France qui semble déjà prête à capituler.

Les réactions en France : entre fureur et modération

En France, la nouvelle de Fachoda embrase la presse. Les nationalistes sont furieux : comment la France peut-elle plier devant les Britanniques ? L’Arvor hurle à l’humiliation, tandis que des figures nationalistes comme Paul Déroulède crient à la trahison. Marchand devient un héros, l’incarnation de la France qui se bat jusqu’au bout du monde, et que Paris trahit. Mais cette ferveur nationaliste n’est pas partagée par tous.

Les modérés se font entendre, prônant une solution diplomatique. Des journaux tels que Le Temps et La Petite République défendent une approche réaliste. La France est isolée sur le plan international, sa puissance militaire en Afrique est bien inférieure à celle du Royaume-Uni, et une guerre serait désastreuse. Ils appellent à la négociation, à la raison. Le retrait de Fachoda devient pour eux un mal nécessaire. L’affrontement, évité de justesse, illustre le pragmatisme de la République face aux exigences de la realpolitik.

Finalement, en novembre 1898, le gouvernement de Théophile Delcassé donne l’ordre de retrait. La France plie sous la pression diplomatique britannique. Marchand, la mort dans l’âme, reçoit l’ordre de plier bagage. C’est une capitulation symbolique, mais la France ne pouvait se permettre une guerre contre un empire aussi puissant. Ce retrait est perçu comme une humiliation par certains, mais pour d’autres, c’est une décision pragmatique qui évite un bain de sang inutile.

Fachoda, une leçon de diplomatie

Cet épisode va marquer la fin des ambitions françaises en Afrique orientale. Fachoda aurait pu être le point de départ d’une guerre catastrophique, mais il devient, au contraire, le catalyseur d’un rapprochement franco-britannique. En 1904, les deux puissances signent l’Entente cordiale, scellant la fin de leur rivalité coloniale. Fachoda, en somme, est la défaite qui a permis à la France de reprendre pied sur la scène internationale.

Mieux encore, ce rapprochement franco-britannique débouche sur un partage des intérêts coloniaux. La France, en échange de son retrait de la vallée du Nil, se voit reconnaître des droits plus importants au Maroc, une concession stratégique qui lui permettra de compenser ses pertes. L’incident de Fachoda devient ainsi la première étape d’une alliance durable, qui se révélera cruciale durant les Premières et Seconde Guerres mondiales, notamment contre l’Allemagne.

L’incident de Fachoda n’est pas seulement une querelle de drapeaux plantés dans des terres lointaines. C’est un moment charnière où la France prend conscience de ses limites impériales. En choisissant la diplomatie au lieu des armes, elle évite un désastre et ouvre la voie à une nouvelle ère de relations internationales. Le rêve de Dakar à Djibouti s’éteint, mais la diplomatie française renaît.

Fachoda, c’est l’histoire d’un empire qui se heurte à un mur, mais qui, au lieu de s’effondrer, choisit de rebondir. Loin d’être une défaite totale, c’est un rappel brutal de la réalité qui permet à la France de se réinventer sur l’échiquier mondial.

Chronologie

1896 Décembre – Lancement de l’expédition Marchand

L’expédition Marchand est lancée avec pour mission de traverser l’Afrique d’ouest en est afin de revendiquer la région de Fachoda pour la France. Cette expédition est soutenue par le gouvernement français dans le cadre de ses ambitions de relier Dakar à Djibouti et de contrecarrer l’expansion britannique.

1897 Début de l’année – Départ de l’expédition

Jean-Baptiste Marchand et ses hommes quittent Brazzaville, capitale du Congo français, et commencent leur périple à travers l’Afrique. Ils traversent des jungles denses, des déserts arides et des rivières avec des moyens rudimentaires.

1897 Tout au long de l’année – Difficultés et pertes

L’expédition avance lentement à cause des difficultés logistiques, des maladies comme le paludisme, et des pertes humaines parmi les troupes et les porteurs.

1898 Juillet – Arrivée à Fachoda

Après plus d’un an et demi de marche, Marchand et ses hommes atteignent finalement Fachoda (actuellement Kodok, au Soudan du Sud). Ils établissent un camp et hissent le drapeau français pour revendiquer la région.

1898 2 septembre – Bataille d’Omdurman

Le général britannique Herbert Kitchener remporte une victoire décisive contre les troupes derviches à la bataille d’Omdurman près de Khartoum, libérant les forces britanniques pour se concentrer sur Fachoda.

1898 19 septembre – Face-à-face à Fachoda

Herbert Kitchener arrive à Fachoda avec des troupes anglo-égyptiennes. Un face-à-face tendu a lieu entre les Français et les Britanniques, mais les deux parties évitent l’affrontement direct. Kitchener demande aux Français de se retirer, mais Marchand refuse, attendant des ordres de Paris.

1898 Octobre – Impasse diplomatique

Une impasse diplomatique se crée entre les gouvernements de Paris et de Londres, avec une opinion publique française divisée entre les nationalistes, qui appellent à la résistance, et les modérés, qui prônent une solution diplomatique.

1898 3 novembre – Retrait des troupes françaises

Sous la pression diplomatique britannique et en raison de son isolement sur la scène internationale, le gouvernement français dirigé par Théophile Delcassé décide de retirer les troupes françaises de Fachoda. Cette décision est perçue comme une capitulation par une partie de l’opinion publique française.

1899 Janvier – Départ de Marchand

Jean-Baptiste Marchand et ses hommes quittent officiellement Fachoda et retournent en France. Marchand est accueilli en héros, bien que conscient de l’humiliation subie par la France.

1904 8 avril – Signature de l’Entente cordiale

La crise de Fachoda conduit indirectement à la signature de l’Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni, qui met fin à leurs différends coloniaux et ouvre la voie à une coopération plus étroite.


En savoir plus sur SAPERE

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

Retour en haut

En savoir plus sur SAPERE

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture