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John Adams
1735-1826
Mars 1797 : l’homme inadapté à l’instant
Mars 1797. Philadelphie, inquiète, regarde Washington se retirer. John Adams s’avance. Court, raide, visage fermé. Il prête serment devant Jefferson, vice-président désigné, opposant déjà prêt. Le contraste est structurel. Adams hérite d’un pays sans colonne vertébrale : seize États, 5 Mil° d’habitants, 83 Mil° de dollars de dette publique. Moins de 3,000 fonctionnaires fédéraux. Trois semaines pour transmettre un ordre à la Caroline, six au Kentucky. Il faut gouverner une République étirée, mais sans nerfs.« Il ne succède pas à un homme, mais à une fiction stabilisatrice. Et la République hésite à le suivre. »
Affaire XYZ : un test de nerfs, non une ligne politique
Automne 1797. L’affaire XYZ explose. Talleyrand réclame 250,000 dollars pour ouvrir le dialogue. Adams publie les dépêches. L’opinion s’enflamme. La Quasi-Guerre commence sans déclaration. 300 navires américains saisis. L’économie maritime s’effondre. Mais la rupture commerciale stimule une industrie naissante. La Nouvelle-Angleterre tisse, forge, produit. Adams taxe pour financer l’effort naval. La révolte de Fries éclate. Il pardonne : geste tactique, non idéologique.« Il ne trace pas un cap. Il absorbe les chocs. La paix de 1800 est une sortie latérale, pas un projet. »
1798–1800 : un président gouverné
Adams crée l’US Navy, obtient des victoires maritimes. Mais sur le front intérieur, il s’effondre. Les Alien and Sedition Acts révèlent une panique institutionnelle. Les journalistes tombent, la naturalisation est durcie à quatorze ans. La peur devient loi. Son propre cabinet se retourne contre lui. Pickering et McHenry obéissent à Hamilton. Adams tient le titre, mais non le pouvoir. Il gouverne avec un Congrès esclavagiste. Son autorité est vide.« Il n’est pas trahi. Il est contourné. L’État reste un édifice instable, piloté en aveugle. »
1800 : l’échec électoral comme diagnostic politique
En mai 1800, il tente un sursaut. Il limoge ses ministres. Trop tard. L’élection est une sanction : 65 voix contre 73. Il quitte Washington à l’aube, sans discours, sans transition.« Ce n’est pas une transmission pacifique. C’est un retrait silencieux. La République change de main sans lui. »
Bilan : un conservateur dans une République qui voulait muter
Adams a gouverné contre le mouvement de fond. Conservateur d’un système artisanal dans une société qui basculait vers la masse. Fédéraliste isolé dans une démocratie en expansion. L’homme était intègre, mais l’intégrité sans lecture du réel conduit à l’échec.
« Non pas le gardien de la République, mais le symptôme de sa crise de croissance. »
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John Adams, ou le président que la République américaine supporta mal.
1797-1801 : Quand l’intégrité devient inadaptation
Deuxième président des États-Unis, John Adams incarne le paradoxe d’un homme intègre dans une fonction qui exige l’habileté. Rigide face à une société en mutation, conservateur dans une République qui expérimente, il gouverna contre le mouvement de fond de son époque. Son mandat révèle moins un leader qu’un symptôme des contradictions d’un régime encore artisanal face aux exigences de la démocratie de masse naissante.
Mars 1797 : L’inadéquation structurelle
Un héritage empoisonné. Philadelphie, mars 1797. La ville frissonne sous un vent de fin d’hiver. George Washington se retire, emportant avec lui l’illusion de l’unité nationale. Sur l’estrade, John Adams, petit, rond, visage fermé, prête serment devant Thomas Jefferson, son vice-président et rival désigné.« Il ne succède pas à un homme, mais à une fiction stabilisatrice. »

1797-1798 : L’opposition s’organise pendant qu’Adams subit
Le réseau jeffersonien en marche. Pendant qu’Adams s’installe, Jefferson structure méthodiquement la résistance. Le réseau fonctionne sur trois niveaux : les élites républicaines (Madison, Monroe, les Livingston de New York), la presse partisane et les sociétés démocratiques locales. Jefferson transforme Monticello en quartier général politique. Sa correspondance, plus de 19,000 lettres conservées, révèle un organisateur minutieux qui coordonne gouverneurs républicains, éditeurs de journaux et leaders locaux. Chaque décision d’Adams est anticipée, critiquée, retournée contre lui. La guerre des mots. L’opposition contrôle une presse militante redoutablement efficace. L’Aurora de Benjamin Bache à Philadelphie, le National Intelligencer, l’Independent Chronicle de Boston martèlent quotidiennement les échecs présidentiels. Ils dépeignent Adams en « monarque secret », « despote vanité », « laquais de l’Angleterre ». Cette presse populaire diffuse dans les tavernes, les assemblées locales, les sociétés démocratiques. Elle transforme la politique en spectacle, Adams en personnage de théâtre. Face à cette machine de guerre informationnelle, le président n’oppose que des proclamations officielles que personne ne lit.L’affaire XYZ expliquée : Une humiliation diplomatique qui enflamme l’Amérique
Les faits : Quand la France humilie l’Amérique. Automne 1797. La France révolutionnaire, en guerre contre l’Angleterre, considère que l’Amérique penche trop vers les Britanniques depuis le traité de Jay (1795). Pour punir cette « trahison », les corsaires français attaquent systématiquement les navires marchands américains dans les Caraïbes. Adams tente la diplomatie. Il envoie trois émissaires à Paris : Charles Pinckney, John Marshall et Elbridge Gerry. Leur mission ? Négocier la fin des attaques, rétablir des relations commerciales normales, éviter une guerre que l’Amérique ne peut pas se permettre. Le chantage révélé. Mais à Paris, le ministre des Affaires étrangères Talleyrand refuse de recevoir officiellement les Américains. À la place, il envoie trois intermédiaires, des hommes d’affaires véreux. Ces agents, que Adams désignera plus tard par les lettres X, Y et Z pour protéger leur identité, transmettent un message cynique aux Américains. Les exigences françaises sont humiliantes :- 250,000 dollars de pot-de-vin personnel pour Talleyrand
- 10 Mil° de dollars de prêt à la France
- Des excuses publiques du président Adams pour ses « insultes » à la République française
- Seulement après ces paiements, la France daignera négocier
« Il ne trace pas un cap. Il absorbe les chocs. »Paradoxalement, la crise stimule l’industrie domestique. L’impossibilité d’importer pousse les manufactures textiles de Nouvelle-Angleterre, les forges de Pennsylvanie, les chantiers navals. L’économie de guerre transforme la structure productive sans qu’Adams en ait conscience.
1798-1800 : L’effondrement intérieur
La répression comme aveu d’échec. Dans ce climat d’hystérie patriotique, Adams commet sa faute politique majeure : il signe les Alien and Sedition Acts (1798). Quatre lois qui prolongent la naturalisation à 14 ans, autorisent l’expulsion d’étrangers « dangereux », et criminalisent les critiques « malveillantes » du gouvernement.« La peur devient loi. L’incapacité de convaincre se mue en contrainte légale. »Dix journalistes républicains sont emprisonnés, dont Matthew Lyon, représentant du Vermont, condamné pour avoir dénoncé la « soif insatiable de pouvoir » d’Adams. James Callender croupit en prison pour ses pamphlets. Benjamin Bache meurt en prison avant son procès. Cette répression révèle un président dépassé par la dynamique démocratique. Incapable de débattre avec l’opposition, il la fait taire. Incapable de convaincre l’opinion, il l’intimide. Abigail Adams : La « co-présidente » invisible. Derrière cette dérive autoritaire se cache une influence méconnue : Abigail Adams. Ses lettres révèlent une femme qui conseille, influence, parfois décide. Elle pousse son mari vers la fermeté contre les « jacobins », soutient les lois répressives, organise la vie sociale présidentielle comme un salon politique fermé. Abigail incarne cette république des « meilleurs » que rêve Adams : cultivée (elle lit Molière en français), politique (elle correspond avec Mercy Otis Warren), élitiste (elle méprise le « peuple ignorant »). Son influence renforce l’isolement social du couple présidentiel. La résistance jeffersonienne : Une machine politique moderne. Face à la répression, Jefferson et Madison ripostent par les Résolutions de Virginie et du Kentucky (1798-1799). Ces textes affirment le droit des États à invalider les lois fédérales « inconstitutionnelles ». Première théorisation de la nullification, préfiguration des conflits sectoriels futurs. L’opposition républicaine invente des formes politiques modernes : meetings de masse, campagnes de presse coordonnées, mobilisation électorale méthodique. En 1800, Jefferson dispose d’un réseau continental de 200 journaux, 50 clubs politiques actifs, des correspondants dans chaque État. Adams, lui, gouverne avec les moyens du XVIIIe siècle : proclamations officielles, correspondance privée, réceptions mondaines. Il découvre que la politique devient spectacle pendant qu’il pratique encore l’administration.
1800 : L’échec comme diagnostic
Le sursaut tardif. En mai 1800, Adams tente un sursaut d’autorité. Il limoge Pickering et McHenry, ses secrétaires d’État et de la Guerre inféodés à Hamilton. Il reprend nominalement le contrôle de l’exécutif au moment où son mandat s’achève.« Trop peu, trop tard. Il s’éveille quand le soleil se couche. »Simultanément, il négocie la paix avec la France. La Convention de Mortefontaine (30 septembre 1800) met fin à la Quasi-Guerre. Victoire diplomatique qui arrive après la campagne électorale, quand l’opinion a déjà tranché. La sanction électorale. L’élection de 1800 constitue un référendum sur la présidence Adams. Les chiffres sont nets : 65 grands électeurs contre 73 pour Jefferson. Mais au-delà de l’arithmétique, c’est un basculement sociologique. Jefferson mobilise les fermiers de l’Ouest, les artisans urbains, les immigrants naturalisés, l’Amérique qui grandit et travaille. Adams ne garde que les marchands de Nouvelle-Angleterre, les professions libérales, les élites urbaines, l’Amérique qui possède et conserve. La République change d’époque. Adams en reste au stade précédent.
Épilogue : L’inadaptation comme diagnostic
4 mars 1801, avant l’aube. Adams quitte la Maison-Blanche en silence, refuse d’assister à l’investiture de Jefferson. Cette sortie illustre son rapport au pouvoir : propriété personnelle plutôt que fonction temporaire, magistrature morale plutôt que mandat électoral. Retiré à Quincy, Adams entame en 1812 une correspondance avec Jefferson qui durera jusqu’à leur mort simultanée le 4 juillet 1826, cinquantième anniversaire de l’Indépendance qu’ils signèrent ensemble. Le verdict définitif. John Adams ne fut pas un président visionnaire, mais le symptôme d’une République en crise de croissance. Il voulut gouverner une démocratie naissante avec les méthodes d’une magistrature éclairée. Il rêva d’un pouvoir moral dans un monde qui découvrait la politique de masse. Conservateur rigide dans une société en mutation, administrateur solitaire d’un pays qui s’organisait, magistrat moral d’une démocratie qui s’inventait. Son héritage ? Avoir prouvé que l’intégrité sans adaptation mène à l’impuissance, mais que cette impuissance même peut protéger les institutions en refusant la démagogie ou la force. Adams incarna la noblesse et les limites d’un républicanisme classique face à la démocratie moderne naissante.
Ce qu'il faut retenir
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Un président vertueux, mais politiquement mal armé : intégrité, sens du devoir, austérité morale… et pourtant une incapacité à “fabriquer” des alliances durables dans un système qui bascule vers la politique partisane.
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Une présidence en étau : il succède à Washington (l’ombre du mythe), gouverne avec Jefferson vice-président (rival idéologique), et subit la tutelle informelle d’Hamilton via un cabinet qui lui échappe longtemps.
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Le moment XYZ et la “paix armée” : humilié par l’affaire XYZ, le pays s’enflamme ; Adams réarme sans basculer dans la guerre totale. Il choisit la retenue stratégique, tout en préparant la défense.
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Bâtisseur d’État : la marine comme héritage durable : création du Department of the Navy (1798), frégates, USS Constitution ; Adams devient, dans les faits, l’un des pères de la puissance navale américaine.
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La faute de 1798 : libertés civiles abîmées : signature des Alien and Sedition Acts ; la peur extérieure sert de justificatif à la répression intérieure (journalistes et pamphlétaires poursuivis), tache indélébile de son mandat.
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Un sursaut tardif d’autorité : en mai 1800, il reprend la main sur l’exécutif en écartant des ministres jugés inféodés à Hamilton ; preuve qu’il n’était pas passif, mais qu’il se réveille quand la séquence politique est déjà perdue.6
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Défaite en 1800, victoire institutionnelle : battu par Jefferson (73 contre 65 grands électeurs), Adams quitte la scène amer, mais son legs décisif est ailleurs : le pouvoir se transmet sans violence, et la République survit à la polarisation.
Chronologie
1735 octobre 30 → Naissance : Braintree (Massachusetts)
John Adams naît le 30 octobre 1735 à Braintree, dans la colonie du Massachusetts. Ce point de départ compte : il vient d’un monde provincial, rural, pétri de moralité puritaine, qui façonnera sa vision austère de la vertu publique. Cette matrice culturelle – discipline, foi civique, méfiance envers la démagogie – restera la colonne vertébrale de son tempérament politique, y compris lorsqu’il atteindra la présidence.
1789 avril 21 → Vice-présidence : Adams devient le 1er vice-président des États-Unis
Le 21 avril 1789, Adams assume ses fonctions de vice-président, devenant le premier à occuper ce poste dans la nouvelle architecture constitutionnelle. À la tête du Sénat, il découvre une réalité ingrate : une charge à la fois centrale (présider, arbitrer, incarner la continuité institutionnelle) et politiquement marginale (peu de leviers, peu de prestige). Cette expérience forge sa conception de l’État fédéral, de la procédure, et de la fragilité d’un régime encore jeune.
1796 novembre 4 – décembre 7 → Élection présidentielle : première alternance partisane, Adams élu
L’élection présidentielle de 1796 est la première véritablement disputée.
Candidat Voix Résultat John Adams Fédéraliste 71 Président Thomas Jefferson Républicain-Démocrate 68 Vice-Pdt Thomas Pinckney 59 Aaron Burr 30 Samuel Adams 15 Autres candidats (Cumul : 46) En clair : Adams gagne d’extrême justesse (71 contre 68). Le système constitutionnel d’alors (le 2ᵉ devient VP) place Jefferson, son adversaire politique direct, à la vice-présidence.
1797 mars 4 → Investiture : Adams devient le 2ᵉ président
John Adams prête serment à Philadelphie et inaugure, après Washington, un transfert pacifique du pouvoir exécutif. Thomas Jefferson devient vice-président, ce qui place au sommet de l’État deux rivaux politiques appelés à s’affronter. Cette entrée en fonction intervient dans un contexte de tensions internationales et de polarisation partisane naissante.
1797 mai 16 → Session extraordinaire : alerte sur la crise avec la France
Adams convoque le Congrès et expose la gravité de la confrontation diplomatique avec la France, sur fond d’attaques contre le commerce américain et de crise de souveraineté sur mer. La diplomatie est encore privilégiée, mais le message annonce déjà une montée en puissance de la préparation militaire. C’est l’un des premiers grands tests de politique étrangère de son mandat.
1798 avril 30 → Création du Department of the Navy
Sous la pression des tensions avec la France et de l’insécurité maritime, une loi crée un département dédié aux affaires navales. La décision structure durablement l’appareil d’État américain : la marine devient un instrument central de protection du commerce et de projection. Adams signe l’acte fondateur au moment où l’option d’un affrontement limité sur mer devient plausible.
1798 juin 25 → Alien Act (Alien Friends Act) : durcissement contre les étrangers
La loi « concerning aliens » renforce les pouvoirs de l’exécutif à l’égard des non-citoyens jugés dangereux. Dans le climat de peur lié à la crise franco-américaine, la sécurité intérieure progresse au détriment des libertés civiles. Cette mesure devient l’un des symboles de la dérive répressive associée à la période 1798–1800.
1798 juillet 4 → Washington commissionné commandant en chef (armée provisoire)
Dans le contexte de la crise avec la France, Adams fait appel à l’autorité de George Washington en le commissionnant pour commander les forces américaines. Le geste vise à consolider l’unité nationale et à crédibiliser la préparation militaire, tout en encadrant l’escalade. Il montre aussi à quel point la jeune République reste dépendante des figures fondatrices pour traverser une tempête stratégique.
1798 juillet 6 → Alien Enemies Act : pouvoirs exceptionnels en temps de guerre
La loi « respecting alien enemies » élargit les pouvoirs du gouvernement envers les ressortissants de pays ennemis en cas de guerre, d’invasion ou de menace équivalente. Contrairement à d’autres textes de la même séquence, elle s’inscrit dans une logique d’exception sécuritaire davantage « standard » pour l’époque. Son existence rappelle toutefois combien la frontière entre défense nationale et atteintes aux droits peut être rapidement franchie.
1798 juillet 7 → Le Congrès autorise l’usage de la force contre la France (Quasi-War)
Le Congrès approuve l’usage de la force contre des bâtiments français dans les eaux américaines, marquant l’entrée dans une guerre navale non déclarée. Ce choix assume une confrontation limitée, calibrée pour éviter une guerre totale tout en défendant le commerce. La « Quasi-War » devient un accélérateur institutionnel : marine, fiscalité, sécurité intérieure et débat constitutionnel sur les pouvoirs de guerre.
1798 juillet 14 → Sedition Act : criminalisation des attaques contre le gouvernement
La loi sur la sédition pénalise certains écrits jugés « faux, scandaleux et malveillants » visant le gouvernement fédéral. Elle est perçue par l’opposition comme une arme partisane contre la presse et les républicains-jeffersoniens. Cet épisode devient un repère majeur de l’histoire américaine des libertés : la peur extérieure sert de levier à une répression intérieure.
1799 décembre 14 → Mort de Washington : disparition du repère suprême
George Washington meurt à Mount Vernon. Figure tutélaire de l’unité nationale et garant symbolique de la République, il incarnait la stabilité. Sa disparition laisse Adams seul face à un Congrès fracturé, une opinion volatile, et une opposition en ordre de marche. L’État fédéral perd son point d’équilibre invisible.
1800 mai 21 → Pardons pour la Fries’s Rebellion : geste d’apaisement
Adams proclame des pardons pour des participants à la révolte fiscale dite « Fries’s Rebellion ». Le geste, politiquement coûteux, rompt avec une logique purement punitive et privilégie une lecture plus prudente du crime de trahison. Il illustre une tension constante de son mandat : sécurité et ordre d’un côté, modération constitutionnelle de l’autre.
1800 septembre 30 → Convention de 1800 (Traité de Mortefontaine) : la paix signée, la rupture consommée
Après deux ans de guerre navale non déclarée avec la France (Quasi-War), la Convention de 1800 marque la fin des hostilités et l’abrogation des traités franco-américains de 1778. Négociée par William Vans Murray, Oliver Ellsworth et William Davie, elle permet à Adams de sortir de l’escalade militaire sans humiliation. Le traité évite une guerre totale, protège le commerce et restaure des relations diplomatiques minimales avec Bonaparte, tout juste installé au pouvoir. Mais cette victoire stratégique sonne comme une défaite politique intérieure. Le camp fédéraliste, dirigé par Hamilton, voulait une guerre déclarée. En signant la paix, Adams brise l’unité de son parti, accentue son isolement et alimente la campagne de Jefferson, qui l’accuse d’autoritarisme d’un côté et de mollesse diplomatique de l’autre. Cette convention est donc double : un acte de lucidité présidentielle, mais aussi un suicide politique partiel, payé au prix fort lors de l’élection de novembre. Elle demeure, rétrospectivement, l’un des choix les plus courageux du mandat : refuser la guerre, au risque de la défaite.
1800 novembre 1 → Adams emménage dans la « President’s House » (future Maison-Blanche)
Adams devient le premier président à occuper la résidence exécutive à Washington, encore inachevée. Le symbole est puissant : l’État fédéral s’installe physiquement dans sa nouvelle capitale, malgré l’inconfort et l’aspect provisoire des lieux. Le geste clôt une séquence de construction institutionnelle où l’Amérique se dote, enfin, d’un centre politique durable.
1800 novembre 17 → Le Congrès se réunit pour la première fois à Washington, D.C.
La nouvelle session du Congrès s’ouvre dans la capitale fédérale, au sein d’un Capitole encore en travaux. Le transfert de Philadelphie vers Washington consacre la décision d’installer le cœur du pouvoir sur les rives du Potomac. La République ancre ainsi son espace institutionnel, avec tout ce que cela implique : administration, lobbying, symbolique nationale et centralité politique.
1801 février 13 → Judiciary Act of 1801 : réorganisation des tribunaux fédéraux
Dans les derniers jours de l’administration fédéraliste, une loi restructure en profondeur le système judiciaire et crée de nouveaux postes, alimentant la controverse des « midnight judges ». L’enjeu est institutionnel : pérenniser une influence fédéraliste via la magistrature au moment où l’exécutif et le législatif basculent. Cette séquence prépare le terrain d’une crise constitutionnelle et d’une jurisprudence fondatrice au début de l’ère Jefferson.
1801 février 17 → La Chambre élit Thomas Jefferson président (dénouement du scrutin de 1800)
Après l’égalité des voix électorales entre Jefferson et Burr, la Chambre des représentants tranche et élit Jefferson. Le basculement met fin au mandat d’Adams et consacre une alternance politique majeure, parfois appelée « Revolution of 1800 ». Pour Adams, la défaite ne se réduit pas à un échec : elle révèle les coûts politiques de la modération diplomatique et les fractures d’une démocratie en formation.
1801 mars 4 → Fin du mandat d’Adams : transfert pacifique à Jefferson
Le mandat s’achève avec l’investiture de Thomas Jefferson, scellant un nouveau passage de témoin. L’événement confirme une norme essentielle : malgré les crises (France, Quasi-War, lois répressives, affrontements partisans), l’alternance se fait sans rupture institutionnelle. La présidence Adams reste, à ce titre, un laboratoire brutal de la République : gouverner sans mythe, sous la pression, et laisser les institutions survivre aux passions.
Vidéos
En marge de ce portrait, une conférence du National Archives, conduite par l’archiviste des États Unis Colleen Shogan avec l’historienne Lindsay M. Chervinsky, offre un contrechamp utile. On n’y voit pas une présidence surgie toute armée du texte constitutionnel, mais une présidence qui se construit par essais, réflexes, maladresses et précédents. Le 4 mars 1797 y apparaît comme une date fondatrice, première transmission pacifique du pouvoir, soigneusement mise en scène pour conjurer le spectre des révolutions sanglantes. La vidéo souligne un Adams plus stratège que sa légende, prudent devant la France, déterminé à armer la marine tout en freinant une armée politisée. Elle n’efface pas la faute des Alien and Sedition Acts, mais en précise la dynamique, Adams y est moins le chef d’orchestre que le signataire qui laisse faire, tandis qu’Abigail se révèle conseillère centrale, capable du meilleur discernement comme de l’excès de zèle quand la peur gagne.
Pour en savoir plus
Ces trois ouvrages offrent des éclairages divergents sur Adams : de la biographie empathique au diagnostic institutionnel, en passant par une analyse critique de ses choix politiques.
« John Adams » par David McCullough. Il propose une vaste biographie narrative de John Adams, de ses débuts puritains au retrait de Quincy. L’ouvrage insiste sur la dimension humaine (caractère, couple avec Abigail) tout en offrant un récit très vivant de la présidence (XYZ, Quasi-War, Alien & Sedition Acts).
« John Adams: A Life » par John Ferling qui livre une biographie historienne plus analytique, très appréciée pour son équilibre entre contexte politique, diplomatie et psychologie du personnage. Moins romancée que McCullough, elle offre une lecture serrée de la présidence et de ses choix controversés, en particulier sur les libertés publiques.
« Making the Presidency: John Adams and the Precedents That Forged the Republic » par Lindsay M. Chervinsky. L’auteur se concentre sur la présidence Adams comme moment fondateur de l’institution présidentielle américaine. Il analyse la façon dont Adams gère cabinet, crises extérieures, guerre limitée et alternance de 1800, en montrant comment ces précédents façonnent durablement l’exécutif.



