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ToggleL’Amérique Trumpienne hors-la-loi : comment le pouvoir dynamite 80 ans de droit international
Depuis son retour au pouvoir en janvier 2025, Donald Trump mène une offensive sans précédent contre l’ordre juridique international construit après 1945. Cette analyse d’un citoyen passionné (non-juriste) recense les violations majeures, tout en présentant les arguments de l’administration et les zones de débat juridique. Il est important de noter que l’administration Trump justifie systématiquement ces mesures au nom de la sécurité et de l’intérêt national — un argument défendu par certains experts conservateurs américains (John Yoo, Jack Goldsmith), mais largement contesté par la majorité des États membres de l’ONU, par de nombreux juristes internationaux (Martti Koskenniemi, Alain Pellet) et par la société civile.
——– Avertissement méthodologique : Cette analyse s’appuie principalement sur des sources publiques (décrets présidentiels, communiqués officiels, rapports d’organisations internationales). Je m’efforce de présenter les faits de manière équilibrée, mais certaines interprétations juridiques complexes mériteraient l’éclairage de spécialistes. N’hésitez pas à apporter vos corrections ou précisions en commentaires.
Les violations du droit international humanitaire & des droits de l’homme
L’arsenal juridique international construit depuis 1945 pour protéger la dignité humaine se trouve aujourd’hui sous les coups de boutoir de l’administration Trump. Les droits fondamentaux, ces conquêtes douloureuses de l’humanité forgées dans les cendres de deux guerres mondiales, deviennent les premières victimes d’une politique délibérément hostile aux engagements internationaux. De la tentative d’abolition du droit du sol aux conditions de détention inhumaines dans les centres pour migrants, Trump s’attaque méthodiquement aux fondements mêmes de la protection internationale des personnes. Cette offensive révèle une conception radicalement utilitariste des droits humains, où seule compte l’utilité immédiate pour les intérêts américains, au mépris des obligations solennellement contractées devant la communauté internationale.
La tentative d'abolition du droit du sol
Le droit du sol : un pilier de la citoyenneté moderne
Le droit du sol constitue l’un des piliers de la citoyenneté moderne, établissant que tout enfant né sur le territoire d’un État en acquiert automatiquement la nationalité. Ce principe, inscrit dans le 14e amendement américain depuis 1868, avait pour objectif historique de garantir la citoyenneté aux esclaves affranchis. Au niveau international, il s’impose comme un rempart contre l’apatridie, ce fléau qui prive des millions d’êtres humains de toute protection étatique.Ses décisions :
Le 20 janvier 2025, Trump signe l’ordre exécutif 14160 « Protecting The Meaning And Value Of American Citizenship » qui refuse la reconnaissance de la citoyenneté américaine à tout enfant né sur le sol américain si ses parents sont en situation irrégulière ou temporaire. Cette mesure crée une classe d’enfants sans État, nés américains mais privés de citoyenneté.Arguments de l’administration Trump :
L’administration invoque une interprétation « originaliste » du 14e amendement, soutenant que la clause « soumis à la juridiction » exclut les enfants de parents en situation irrégulière. Les juristes de Trump s’appuient sur les débats du Congrès de 1866 et citent l’arrêt United States v. Wong Kim Ark (1898) comme ne couvrant que les résidents permanents légaux. Ils arguent que la souveraineté nationale prime sur les conventions internationales non ratifiées comme la Convention relative aux droits de l’enfant. Il est à noter que certains experts défendent cette interprétation au nom de la souveraineté nationale.Zone d’incertitude juridique :
L’interprétation du 14e amendement reste débattue parmi les constitutionnalistes américains. Certains juristes conservateurs soutiennent effectivement cette lecture restrictive, tandis que la doctrine majoritaire la rejette.Analyse juridique nuancée :
Si cette interprétation reste minoritaire en doctrine, elle n’est pas totalement dénuée de fondement historique. La question constitutionnelle demeure ouverte jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce définitivement. Toutefois, au regard du droit international, la création délibérée d’apatrides viole des normes coutumières bien établies, notamment :- L’article 12 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée par les États-Unis)
- Les principes du droit international coutumier sur la nationalité établis dans l’arrêt Nottebohm (CIJ, 1955)
- L’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant sur le droit à la nationalité
La restriction massive du droit d'asile
Le droit d’asile : une tradition humanitaire
Le droit d’asile incarne la plus noble tradition humanitaire de l’humanité : offrir protection à celui qui fuit la persécution. Né de l’asile religieux médiéval, codifié après les horreurs nazies dans la Convention de 1951, il constitue l’ultime recours pour les victimes de la barbarie étatique. Son principe cardinal, le non-refoulement, interdit de renvoyer quiconque vers un territoire où sa vie ou sa liberté seraient menacées. Ce principe a valeur de jus cogens, norme impérative du droit international que nul État ne peut déroger.Ses décisions :
Le 5 juin 2025, Trump annonce des interdictions d’entrée totales sur le territoire américain pour les ressortissants de 12 pays (Afghanistan, Myanmar, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen) et des restrictions partielles pour 7 autres pays (Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan, Venezuela), avec une mise en application prévue le 9 juin 2025. Cette mesure ferme hermétiquement les frontières américaines aux persécutés de nationalités entières.Arguments de l’administration Trump :
L’administration invoque les pouvoirs présidentiels sous la Section 212(f) de l’Immigration and Nationality Act qui permet au président de suspendre l’entrée d’étrangers jugés « préjudiciables aux intérêts des États-Unis ». Trump argue que ces pays présentent des risques sécuritaires en raison de l’absence de systèmes fiables de vérification d’identité et de partage d’informations. Ces mesures sont justifiées par l’administration au nom de la sécurité nationale.Pour approfondir :
Sur la tension entre sécurité nationale et droit d’asile, voir l’excellent ouvrage de James C. Hathaway, The Rights of Refugees under International Law (Cambridge University Press, 2021) et l’article de Guy S. Goodwin-Gill, « The International Law of Refugee Protection » dans The Oxford Handbook of Refugee and Forced Migration Studies (2014).Analyse juridique nuancée :
Si la Cour suprême a confirmé dans Trump v. Hawaii (2018) les larges pouvoirs présidentiels en matière d’immigration, l’interdiction totale basée uniquement sur la nationalité soulève des questions au regard du principe de non-refoulement. La tension entre sécurité nationale et obligations humanitaires reste un débat juridique complexe, mais l’absence d’exceptions pour les cas de persécution manifeste pourrait violer :- L’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (principe de non-refoulement)
- L’article 3 de la Convention contre la torture (interdiction de renvoi vers la torture)
- L’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (droit de chercher asile)
La révocation du statut de protection temporaire pour les réfugiés haitiens
La Révocation du Statut de Protection Temporaire (TPS) pour Haïti
Le droit international humanitaire et les droits de l’homme garantissent des protections fondamentales aux populations vulnérables, y compris celles déplacées ou menacées par des catastrophes naturelles ou des conflits. La question du Statut de Protection Temporaire (TPS) pour les ressortissants haïtiens résidant aux États-Unis met en lumière les tensions entre la souveraineté nationale et les obligations internationales en matière de protection.
Ses décisions :
Le 27 juin 2025, l’administration Trump a annoncé la révocation du Statut de Protection Temporaire (TPS) pour environ 348 000 ressortissants haïtiens. Cette décision doit prendre effet le 2 septembre 2025, contraignant potentiellement des centaines de milliers de personnes à retourner dans un pays confronté à une grave crise humanitaire, sécuritaire et politique.
Note factuelle :
Les conditions en Haïti restent extrêmement précaires, marquées par une violence des gangs généralisée, un effondrement socio-économique et une instabilité politique chronique. De nombreuses organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme ont alerté sur les risques majeurs auxquels seraient exposés les rapatriés. L’administration a elle-même formulé des justifications contradictoires : évoquant d’abord une prétendue amélioration des conditions, puis des préoccupations sécuritaires liées aux conditions de vie en Haïti.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration a justifié cette révocation en affirmant que les conditions en Haïti ne justifiaient plus un statut de protection temporaire, initialement accordé suite au tremblement de terre de 2010. Elle a ensuite évolué vers l’argument que la situation sécuritaire dégradée en Haïti rendait la prolongation du TPS « contraire à l’intérêt national », notamment en raison des défis de vérification des antécédents et de l’incapacité du gouvernement haïtien à reprendre en charge un si grand nombre de citoyens en toute sécurité. L’administration maintient que sa décision est conforme à la loi américaine et à ses prérogatives souveraines en matière d’immigration.
Analyse juridique nuancée :
La révocation du TPS pour Haïti, dans le contexte actuel de grave insécurité et de crise humanitaire, soulève de profondes préoccupations au regard du droit international. Si la souveraineté des États en matière d’immigration est reconnue, cette décision pourrait violer :
- Le principe de non-refoulement, bien que son application directe aux bénéficiaires du TPS soit débattue, dans la mesure où le renvoi forcé vers un territoire où il existe des risques réels de préjudice grave est prohibé par le droit international coutumier et certaines conventions.
- Le droit à l’unité familiale et le droit à une vie familiale, en séparant des familles établies aux États-Unis, en violation des obligations découlant de certains instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.
- Les obligations humanitaires générales, compte tenu de l’impact potentiellement dévastateur sur la crise haïtienne et sur la capacité des acteurs humanitaires à y faire face.
Les détentions dans des conditions inhumaines
Les détentions dans des conditions inhumaines
Le traitement des détenus constitue un test décisif de civilisation pour tout État. Les Règles Nelson Mandela, adoptées par l’ONU en 2015, codifient des standards minimaux pour préserver la dignité humaine même en détention.
Ses décisions :
Trump autorise la construction de centres de rétention dans les Everglades de Floride, surnommés cruellement « Alligator Alcatraz ». Construits à la hâte sur d’anciens terrains d’aviation au cœur des marécages, ces camps de fortune exposent les détenus à des dangers majeurs selon plusieurs ONG (alligators, pythons, inondations). Des organisations de défense des droits accusent l’administration de restreindre l’accès des avocats et de limiter les communications confidentielles dans ces centres de rétention.
Note factuelle :
Les informations sur les conditions exactes dans ces centres restent parcellaires. Human Rights Watch et l’ACLU ont demandé l’accès pour une évaluation indépendante. En l’absence de rapports détaillés, certaines allégations restent à vérifier.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration soutient que ces installations répondent aux normes de sécurité et que leur localisation permet une gestion efficace des flux migratoires. Elle nie les restrictions d’accès aux avocats et affirme respecter les standards constitutionnels minimum. Elle souligne que la capacité d’accueil répond aux flux migratoires exceptionnels et que la mise en conformité progressive des centres demeure un objectif affiché.
Analyse juridique nuancée :
Les conditions de détention soulèvent des préoccupations légitimes, mais l’absence de documentation officielle complète rend difficile une évaluation définitive. Si avérées, ces conditions pourraient violer :
- L’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (traitement humain des détenus)
- L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela)
Les violations du droit des traités
Le droit des traités constitue l’épine dorsale de l’ordre juridique international. Codifié par la Convention de Vienne de 1969, il repose sur un principe cardinal : pacta sunt servanda, « les conventions doivent être respectées ». Ce principe millénaire, hérité du droit romain, fonde la confiance mutuelle entre États et permet la coopération internationale. Trump le dynamite avec une désinvolture qui sidère les chancelleries mondiales. Ses retraits unilatéraux d’organisations internationales, ses violations des procédures de dénonciation, son mépris des engagements financiers transforment la signature américaine en parole en l’air. Plus grave encore : ces violations créent un précédent toxique qui légitime demain le non-respect généralisé des engagements internationaux.
Le retrait de l'OMS
Le retrait de l’OMS
L’Organisation mondiale de la santé représente l’incarnation de la solidarité sanitaire internationale. Créée en 1948 dans l’espoir d’éradiquer les grandes pandémies, elle a permis l’élimination de la variole et coordonne la lutte contre tuberculose, paludisme, VIH/SIDA. Son retrait en pleine ère post-Covid révèle un isolationnisme sanitaire suicidaire : les virus ignorent les frontières, et aucun pays, fût-il le plus puissant, ne peut lutter seul contre les pandémies futures.
Ses décisions :
Le 20 janvier 2025, Trump signe l’ordre exécutif 14155 « Withdrawing the United States from the World Health Organization » ordonnant le retrait des États-Unis de l’OMS avec notification immédiate au Secrétaire général de l’ONU et suspension de tout financement à l’organisation.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration justifie le retrait par l’échec allégué de l’OMS dans sa gestion de la pandémie de COVID-19 et son « manque d’indépendance vis-à-vis de la Chine ». Trump invoque l’article 75 de la Constitution de l’OMS qui permet le retrait avec préavis d’un an. Sur la suspension immédiate des paiements, l’administration argue qu’elle respecte formellement la procédure de notification et que la suspension des activités relève de sa discrétion souveraine. Elle défend que le droit des traités autorise la dénonciation unilatérale sous réserve de préavis.
Débat en cours :
La question de savoir si un État peut suspendre ses obligations pendant la période de préavis reste controversée en droit international. Certains juristes arguent que la bonne foi exige le maintien des obligations jusqu’au retrait effectif, d’autres soutiennent que la notification suffit. Qu’en pensez-vous ? Partagez votre analyse en commentaires.
Analyse juridique nuancée :
Le droit de retrait est incontestable, mais plusieurs aspects posent problème :
- Les États-Unis n’ont pas payé leurs cotisations 2025 dues à l’OMS, rendant ce retrait potentiellement illégal selon les conditions d’adhésion de 1948 qui exigent le paiement complet des cotisations avant tout retrait.
- La suspension immédiate des obligations pendant le préavis d’un an soulève des questions de bonne foi contractuelle.
- Pour la période 2024-2025, selon l’OMS, les États-Unis devaient verser 264 millions de dollars en contributions évaluées (contre 181 millions pour la Chine).
Ces actions pourraient violer :
- L’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (pacta sunt servanda)
- Les conditions de retrait fixées par la résolution d’adhésion de 1948
- Le droit international coutumier sur le respect des engagements financiers
Le retrait sur l'accord climatique de Paris
L’abandon unilatéral de l’Accord de Paris
L’Accord de Paris incarne l’espoir de l’humanité face au péril climatique. Négocié âprement pendant des décennies, adopté par 196 pays en 2015, il représente le consensus planétaire le plus large de l’histoire sur un enjeu existentiel. Ses mécanismes juridiques sophistiqués dessinent une voie étroite mais crédible vers la limitation du réchauffement à 1,5°C.
Ses décisions :
Le 20 janvier 2025, Trump signe l’ordre exécutif 14162 « Putting America First In International Environmental Agreements » ordonnant la notification immédiate de retrait de l’Accord de Paris au Secrétaire général de l’ONU et la suspension immédiate de toute contribution au financement climatique international. Cette décision intervient au moment précis où l’urgence climatique atteint son paroxysme : 2024 fut l’année la plus chaude jamais enregistrée.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration argue que l’Accord de Paris impose un fardeau économique injuste aux États-Unis tout en permettant à la Chine et à l’Inde de continuer à augmenter leurs émissions. Trump invoque l’article 28 de l’Accord qui permet le retrait après notification et préavis d’un an. L’administration justifie ces mesures par l’intérêt national et la protection de l’économie américaine.
Pour aller plus loin sur le droit climatique :
- Daniel Bodansky, The Art and Craft of International Environmental Law (Harvard University Press, 2023)
- Centre Sabin pour le droit du changement climatique : climate.law.columbia.edu
- Blog de Benoit Mayer sur le droit international du climat : benoit-mayer.com
Analyse juridique nuancée :
Comme pour l’OMS, le droit de retrait existe mais la suspension immédiate des obligations pose problème. Le gel instantané des engagements financiers et climatiques pendant la période de préavis contrevient potentiellement à :
- L’article 28 de l’Accord de Paris qui impose une procédure de retrait d’un an
- Le principe de bonne foi dans l’exécution des traités (article 26 CVDT)
- Les obligations coutumières de coopération climatique internationale
Les violations de la Charte des Nations Unies
La Charte de l’ONU, signée en 1945 dans l’euphorie de la victoire contre le fascisme, représente l’acte de naissance du monde moderne. Ses principes fondamentaux – interdiction de la force, égalité souveraine des États, règlement pacifique des différends – constituent le socle de la paix internationale. Les États-Unis, puissance fondatrice et membre permanent du Conseil de sécurité, portent une responsabilité particulière dans le respect de ces principes. Or, Trump les bafoue avec une brutalité qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire.
Les menaces territoriales contre les alliés
Les menaces territoriales contre les alliés
Les menaces trumpiennes contre le Groenland danois et le canal de Panama ressuscitent les heures les plus sombres de l’expansionnisme américain du XIXe siècle. Ces velléités d’annexion violent l’esprit et la lettre de la Charte onusienne qui a banni la conquête territoriale des relations internationales.
Ses décisions :
Le 7 janvier 2025, lors d’une conférence de presse à Mar-a-Lago, Trump refuse d’exclure l’usage de la force militaire pour s’emparer du Groenland danois et du canal de Panama, déclarant : « Je ne vais pas m’engager là-dessus. Il se pourrait que vous deviez faire quelque chose ». Il menace également d’imposer des tarifs « très élevés » au Danemark si ce pays refuse de céder le Groenland, et évoque l’usage de « force économique » pour annexer le Canada comme 51e État américain.
Arguments de l’administration Trump :
Trump invoque des considérations de « sécurité nationale » et argue que le contrôle du Groenland est « absolument nécessaire » pour la défense américaine. Il prétend que le Panama ne respecte pas les termes du traité de 1977 sur la neutralité du canal. L’expression d’intérêts géopolitiques n’équivaut pas automatiquement à une menace crédible ; dans la pratique diplomatique, faire valoir ses options stratégiques sert souvent de levier de négociation.
Analyse juridique nuancée :
Ces menaces constituent des violations flagrantes du droit international. Aucune considération de sécurité ne peut justifier la menace d’usage de la force pour l’acquisition territoriale. Ces déclarations violent :
- L’article 2(4) de la Charte de l’ONU (interdiction de la menace de la force)
- L’article 2(1) sur l’égalité souveraine des États
- Le droit international coutumier sur l’intégrité territoriale
L’usage direct de la force : l’Iran comme précédent dangereux
Les frappes américaines contre l’Iran
Les frappes américaines contre l’Iran marquent une rupture historique : pour la première fois depuis 2003, Washington engage une opération militaire majeure sans mandat du Conseil de sécurité ni preuve d’une agression imminente. L’une des cibles déclarées concerne des installations liées au programme nucléaire, soulevant des risques juridiques, environnementaux et de sûreté d’une gravité exceptionnelle.
📜Ses décisions :
Le 15 mai 2025, l’armée américaine lance une opération aérienne de grande ampleur visant des sites militaires et des infrastructures associées au programme nucléaire iranien dans la zone littorale du Golfe. L’exécutif n’obtient pas d’autorisation formelle du Congrès et se fonde sur l’Article II de la Constitution ainsi que l’AUMF 2001. La frappe sur des installations à vocation nucléaire fait peser des risques de dispersion de matières, d’atteinte à des équipements placés sous garanties de l’AIEA et de contamination régionale.
🗣️Arguments de l’administration Trump :
- Invocation d’une légitime défense préventive face à des attaques « imminentes » attribuées à l’Iran et à ses partenaires (Hezbollah, Houthis).
- Assimilation du soutien iranien à des groupes armés à une agression indirecte menaçant forces et alliés américains, ainsi que la liberté de navigation dans le Golfe.
- Justification politique : empêcher une « escalade nucléaire » en frappant des capacités stratégiques.
⚖️Analyse juridique nuancée :
Au regard du droit international, l’opération est hautement contestable :
- Article 2(4) de la Charte de l’ONU : interdiction de la menace et de l’usage de la force.
- Article 51 (légitime défense) : exige une attaque armée en cours ou strictement imminente, démontrée.
- CIJ, Nicaragua c. États-Unis (1986) : limites à l’invocation de la légitime défense et à l’« intervention armée ».
- Résolution AGNU 3314 (1974) : définition de l’agression.
- Frappes contre des installations nucléaires : risques de prolifération, d’atteinte aux garanties AIEA et au principe de précaution (sûreté, environnement).
Leçon de 2003 : l’intervention en Irak, justifiée par des menaces non avérées, a entraîné l’effondrement étatique, des centaines de milliers de morts, une instabilité régionale durable, l’essor de Daech, la perte de crédit international des États-Unis et une augmentation de l’influence iranienne. Répéter un schéma d’emploi unilatéral de la force contre l’Iran comporte des risques systémiques comparables, voire supérieurs.
Conclusion : en l’absence de mandat onusien et de preuve d’imminence, la frappe s’apparente à un acte d’agression au sens de la résolution 3314, avec un niveau de risque accru du fait de la dimension nucléaire des cibles.
L'alignement avec l'agresseur russe
L’alignement avec l’agresseur russe
Le 24 février 2022 restera gravé dans l’histoire comme le jour où la Russie de Poutine a violé frontalement la Charte de l’ONU en agressant l’Ukraine souveraine. Trois ans plus tard, jour pour jour, l’Amérique de Trump commet l’impensable.
Ses décisions :
Le 24 février 2025, exactement trois ans après l’invasion russe, les États-Unis votent CONTRE la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant l’agression russe en Ukraine et exigeant le retrait des troupes russes. Les États-Unis rejoignent ainsi la Russie, la Corée du Nord, le Belarus et le Soudan dans ce vote. Cette trahison historique place les États-Unis dans le camp des États voyous. Parallèlement, en juillet 2025, l’administration Trump suspend certains envois d’armes à l’Ukraine, sabotant la défense d’un pays agressé.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration argue que la résolution est « déséquilibrée » et ne prend pas en compte les « préoccupations légitimes de sécurité » de la Russie. Trump soutient que les États-Unis doivent adopter une position « neutre » pour faciliter les négociations de paix. Un vote négatif ne vaut pas nécessairement approbation ; les États-Unis pouvaient contester des formulations du texte plutôt que se ranger derrière le veto russe.
Point de vigilance :
Ce vote constitue un tournant historique dans la politique étrangère américaine. En tant qu’observateur non spécialiste, je ne peux qu’exprimer ma stupéfaction devant ce qui apparaît comme une rupture avec 80 ans de leadership américain dans la défense du droit international. Les spécialistes des relations internationales pourraient éclairer les implications géopolitiques de ce revirement.
Analyse juridique nuancée :
Ce vote constitue une violation manifeste de l’esprit de la Charte. Aucune interprétation juridique ne peut justifier le soutien à une agression caractérisée. Cette décision viole :
- L’article 2(4) de la Charte de l’ONU interdisant l’usage de la force
- L’article 1 de la Charte sur le maintien de la paix internationale
- Les obligations de solidarité avec les victimes d’agression (résolution 3314 de l’AG-ONU)
Les violations du droit économique international
Le système commercial multilatéral, patiemment élaboré depuis les accords de Bretton Woods, repose sur des règles précises destinées à éviter les guerres commerciales dévastatrices qui ont précipité le monde dans la crise de 1929. Trump dynamite cet édifice avec ses tarifs punitifs et ses mesures de rétorsion économique, transformant chaque échange en rapport de force et instrumentalisant l’arme commerciale pour faire pression sur la justice d’États souverains.
La guerre tarifaire généralisée
La guerre tarifaire généralisée
L’explosion tarifaire trumpienne constitue le plus grand bouleversement commercial depuis la Grande Dépression. En quelques mois, l’Amérique passe d’un régime de libre-échange relatif à un protectionnisme féroce qui rappelle les années 1930.
Ses décisions :
Entre janvier et avril 2025, Trump fait exploser le taux tarifaire américain moyen de 2,5% à un niveau estimé à 27% (selon les estimations disponibles) – le plus élevé depuis plus d’un siècle. Il impose des tarifs de 50% sur l’acier et l’aluminium, de 25% sur les voitures importées, et annonce des tarifs de 50% sur le cuivre. Il invoque les pouvoirs d’urgence économique pour instaurer un tarif universel de 10% sur tous les pays, suivi de tarifs « réciproques » pouvant atteindre 30-50% pour certains pays.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration invoque l’article XXI du GATT (exception de sécurité nationale) et argue que les déficits commerciaux constituent une menace à la sécurité économique américaine. Trump soutient le principe de « réciprocité » : si un pays impose 25% de tarifs sur les produits américains, les États-Unis doivent imposer le même taux. L’administration défend que les droits de douane sont un instrument légal de politique commerciale.
Question ouverte aux lecteurs :
L’exception de sécurité nationale peut-elle justifier des mesures commerciales aussi larges ? Les juristes spécialisés en droit de l’OMC sont divisés sur cette question. Partagez votre analyse ou vos références sur ce débat crucial.
Analyse juridique nuancée :
L’usage extensif de l’exception de sécurité nationale reste controversé. L’OMC a établi dans l’affaire Russie – Mesures concernant le trafic en transit (2019) que cette exception n’est pas totalement discrétionnaire. Ces mesures pourraient violer :
- L’article I du GATT (clause de la nation la plus favorisée)
- L’article XI du GATT (interdiction des restrictions quantitatives)
- Les accords commerciaux bilatéraux avec le Canada, le Mexique et autres partenaires
Le chantage commercial contre la justice
Le chantage commercial contre la justice
L’instrumentalisation des tarifs douaniers pour faire pression sur la justice brésilienne marque un point de non-retour dans la perversion des relations commerciales internationales.
Ses décisions :
Le 10 juillet 2025, Trump annonce des tarifs douaniers punitifs de 50% sur tous les produits brésiliens – les plus élevés annoncés contre un pays – prévus pour entrer en vigueur le 1er août 2025, en réaction explicite au procès de Jair Bolsonaro pour tentative de coup d’État. Dans une lettre publique, il dénonce le traitement judiciaire de celui qu’il appelle le « Tropical Trump » comme une « chasse aux sorcières ».
Le vendredi 18 juillet 2025, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a également annoncé publiquement la révocation des visas du juge instructeur Alexandre de Moraes, de ses « alliés » à la Cour suprême fédérale du Brésil, ainsi que de leurs proches et membres de leurs familles, en réaction à ce même procès. La mesure vise au moins huit des onze juges de la Cour suprême brésilienne, à l’exception notable des magistrats nommés par Bolsonaro lui-même.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration prétend que ces tarifs visent à « rééquilibrer » la relation commerciale et nie tout lien avec le procès Bolsonaro, malgré les déclarations publiques contraires de Trump. Elle affirme que l’affectation de l’aide étrangère relève d’une vision réaliste où la coopération bilatérale prime la multilatérale.
Analyse juridique nuancée :
L’utilisation de mesures commerciales pour influencer des procédures judiciaires étrangères constitue une violation manifeste du droit de l’OMC. Aucune exception ne couvre ce type de coercition. Ces tarifs violent :
- L’article XX du GATT (exceptions pour motifs légitimes uniquement)
- Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures
- L’Accord-cadre sur le commerce et la coopération économique États-Unis-Brésil
Les sanctions contre l'Afrique du Sud
Les sanctions contre l’Afrique du Sud
Au-delà des retraits d’organisations internationales, Trump déploie un arsenal sophistiqué de mesures de rétorsion contre les institutions et personnalités qui osent contrarier ses alliés, transformant la puissance économique américaine en arme de guerre contre l’État de droit international.
Ses décisions :
Le 8 février 2025, Trump suspend 440 millions de dollars d’aide à l’Afrique du Sud, citant explicitement le cas de génocide que ce pays a intenté contre Israël devant la Cour internationale de justice. Parallèlement, les États-Unis annoncent un programme de réinstallation prioritaire pour les fermiers afrikaners blancs, considérés comme des « réfugiés fuyant la discrimination raciale », une mesure que l’Afrique du Sud dénonce comme une distorsion historique majeure ignorant l’héritage de l’apartheid.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration prétend que ces mesures visent à « promouvoir la stabilité régionale » et nie tout lien avec le cas devant la CIJ, malgré les déclarations publiques contraires. Elle défend que l’utilisation de l’aide au développement comme outil de pression est une pratique courante des grandes puissances.
Contexte historique sensible :
La question des fermiers blancs en Afrique du Sud touche à l’histoire complexe de l’apartheid et de ses séquelles. Les lecteurs sud-africains ou spécialistes de la région pourraient apporter des éclairages nuancés sur cette instrumentalisation politique d’une question sociale délicate.
Analyse juridique nuancée :
L’utilisation de l’aide au développement comme outil de pression contre l’exercice légitime du droit de saisine de la CIJ constitue une forme de coercition problématique. Ces mesures pourraient violer :
- Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États
- L’article 35 du Statut de la CIJ garantissant l’accès libre à la Cour
- Les obligations de coopération judiciaire internationale
Les violations du droit international pénal et de la justice
La justice pénale internationale constitue l’une des plus nobles conquêtes de l’humanité. Née des cendres de Nuremberg et de Tokyo, elle culmine avec la création de la Cour pénale internationale en 1998. Trump s’attaque frontalement à cette justice naissante avec une violence inouïe, révélant une stratégie délibérée d’intimidation pour garantir l’impunité de ses alliés.
L'attaque contre la Cour pénale internationale
L’attaque contre la Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale incarne l’espoir que justice soit enfin rendue aux victimes des pires atrocités. Créée par le Statut de Rome en 1998, elle constitue la première juridiction pénale permanente de l’histoire humaine compétente pour juger génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
Ses décisions :
Le 6 février 2025, Trump signe l’ordre exécutif 14203 imposant des sanctions économiques contre la Cour pénale internationale en réaction au mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu. Le 5 juin 2025, il élargit ces sanctions en visant personnellement quatre juges de la CPI, notamment Beti Hohler de Slovénie et Reine Alapini-Gansou du Bénin, leur interdisant l’accès au territoire américain et gelant leurs avoirs. Le procureur Karim Khan perd l’accès à ses comptes bancaires et à sa messagerie électronique.
Arguments de l’administration Trump :
Les États-Unis n’ayant jamais ratifié le Statut de Rome, l’administration soutient n’avoir aucune obligation envers la CPI. Elle invoque l’American Service-Members’ Protection Act de 2002 qui autorise « tous les moyens nécessaires » pour protéger le personnel américain de poursuites par la CPI. Trump argue que les sanctions visent à protéger la souveraineté américaine contre une juridiction qu’il considère comme illégitime et ultra vires. L’administration défend que ces sanctions relèvent d’une légitime défense de l’immunité de ressortissants non-parties au Statut de Rome.
Ressources pour approfondir la question de la CPI :
- William A. Schabas, The International Criminal Court: A Commentary on the Rome Statute (Oxford University Press, 2022)
- Coalition pour la Cour pénale internationale : coalitionfortheicc.org
- Blog de Kevin Jon Heller sur la justice pénale internationale : opiniojuris.org
Analyse juridique nuancée :
L’absence de ratification américaine du Statut de Rome complique effectivement l’analyse. Si les États-Unis ne sont pas liés par le traité, les sanctions contre des magistrats internationaux posent néanmoins des questions au regard du droit coutumier. Ces mesures pourraient violer :
- L’Accord de siège entre les Pays-Bas et la CPI
- Le droit international coutumier sur l’immunité des magistrats internationaux
- L’article 70 du Statut de Rome sur l’obstruction à la justice
- Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature (ONU)
Les sanctions contre les experts onusiens
Les sanctions contre les experts onusiens
Le système des procédures spéciales de l’ONU constitue l’œil et la conscience de la communauté internationale. Ces experts indépendants enquêtent sur les violations des droits humains sans crainte de représailles.
Ses décisions :
Le 9 juillet 2025, Marco Rubio annonce des sanctions sans précédent à ce que l’on sait contre Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés – la première fois dans l’histoire qu’un expert onusien est sanctionné par les États-Unis. Ces sanctions interviennent en réaction à son rapport du 30 juin 2025 identifiant plus de 60 entreprises américaines comme complices de « transformation de l’économie d’occupation d’Israël en économie de génocide ».
Arguments de l’administration Trump :
L’administration accuse Albanese de « partialité anti-israélienne » et argue que ses rapports constituent de la « désinformation » nuisant aux intérêts américains. Elle invoque son droit souverain de déterminer qui peut entrer sur son territoire.
Note de l’auteur :
L’immunité des experts onusiens est un sujet technique complexe que je ne maîtrise qu’imparfaitement. Les spécialistes du droit des organisations internationales pourraient utilement éclairer ce débat. Si vous avez des références ou analyses à partager, n’hésitez pas à enrichir cette discussion en commentaires.
Analyse juridique nuancée :
Les sanctions contre des experts mandatés par l’ONU créent un dangereux précédent. Elles violent potentiellement :
- L’article 105 de la Charte de l’ONU sur les privilèges et immunités
- La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (1946)
- Les Principes de Paris sur l’indépendance des institutions nationales
Les violations du droit international humanitaire
Le droit international humanitaire représente l’ultime rempart de l’humanité face à la barbarie. Trump viole ces règles sacrées en suspendant l’aide humanitaire aux populations les plus vulnérables, transformant l’aide alimentaire et médicale en arme politique.
La suspension de l'aide alimentaire
La suspension de l’aide humanitaire
L’aide humanitaire constitue l’expression la plus pure de la solidarité humaine. Le droit international humanitaire consacre cette obligation d’assistance comme norme impérative : même en guerre, l’aide aux populations civiles doit pouvoir passer.
Ses décisions :
Le 20 janvier 2025, Trump signe l’ordre exécutif « Reevaluating and Realigning United States Foreign Aid » ordonnant une suspension de 90 jours de toute aide au développement international, exemptant uniquement Israël et l’Égypte. En février 2025, l’administration annonce avoir terminé plus de 90% des programmes de l’USAID (selon les chiffres disponibles) et 4 100 subventions du Département d’État. Cette décision paralyse l’aide alimentaire d’urgence, la distribution d’eau, les programmes de santé mondiale et le déminage. Le programme PEPFAR, qui a sauvé 25 millions de vies depuis 2003, voit son financement interrompu.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration argue qu’une révision complète est nécessaire pour s’assurer que l’aide sert les intérêts américains et n’est pas détournée. Elle maintient que les exemptions pour l’aide alimentaire d’urgence protègent les populations les plus vulnérables. L’administration défend que l’aide étrangère reste discrétionnaire et que son affectation aux seuls alliés renvoie à une vision réaliste.
Impact humanitaire – Appel à témoignages :
Si vous travaillez dans l’humanitaire ou connaissez des organisations affectées par ces suspensions, vos témoignages pourraient éclairer l’impact réel de ces décisions. Partagez vos observations (en préservant l’anonymat si nécessaire) pour enrichir notre compréhension collective de cette crise.
Analyse juridique nuancée :
La suspension généralisée de l’aide, même temporaire, soulève des questions humanitaires graves. Si les États n’ont pas d’obligation générale de fournir de l’aide, l’interruption brutale de programmes existants pourrait violer :
- Les Conventions de Genève sur l’assistance humanitaire (article 23 CG IV)
- Le Protocole additionnel I (articles 69-71) sur le secours aux populations civiles
- Le droit international coutumier sur l’obligation d’assistance humanitaire
L'entrave à l'aide à Gaza
L’entrave à l’aide à Gaza
Gaza, territoire de 2,3 millions d’habitants, vit l’une des crises humanitaires les plus graves du XXIe siècle. La Cour internationale de justice a expressément ordonné à toutes les parties de faciliter l’assistance vitale.
Ses décisions :
La suspension américaine frappe spécifiquement l’aide à l’eau et aux abris à Gaza, privant des dizaines de milliers de Gazaouis de kits d’hygiène, d’abris d’urgence et de réhabilitation des systèmes d’eau, alors même que l’aide alimentaire d’urgence bénéficie d’une exemption spécifique.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration soutient que ces restrictions visent à empêcher le détournement de l’aide par des groupes terroristes et que l’exemption pour l’aide alimentaire répond aux besoins humanitaires urgents.
Analyse juridique nuancée :
L’entrave sélective à certains types d’aide humanitaire reste problématique au regard du droit international humanitaire. Cette approche pourrait violer :
- L’article 55 de la Convention de Genève IV sur l’approvisionnement de la population
- L’avis consultatif de la CIJ du 9 juillet 2004 sur les obligations en territoire occupé
- Les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ dans l’affaire Afrique du Sud c. Israël
Les violations du droit diplomatique et consulaire
La diplomatie constitue l’art de régler les différends sans recourir à la force. Trump pervertit ces mécanismes en transformant les relations diplomatiques en instrument de chantage judiciaire, sapant les fondements mêmes du dialogue entre nations civilisées.
L'ingérence dans la justice étrangère
L’ingérence dans la justice étrangère
La souveraineté judiciaire constitue l’un des attributs essentiels de l’État souverain. Chaque nation a le droit imprescriptible de juger ses propres ressortissants selon ses propres lois, sans ingérence extérieure.
Ses décisions :
Le 18 juillet 2025, Marco Rubio annonce la révocation immédiate des visas du juge Alexandre de Moraes de la Cour suprême du Brésil et de ses « alliés » sur la Cour, ainsi que de leurs familles, accusés de mener une « persécution politique » contre Bolsonaro. Cette mesure toucherait la quasi-totalité des juges de la Cour suprême, à l’exception de ceux nommés par Bolsonaro lui-même.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration invoque son droit souverain de déterminer qui peut entrer aux États-Unis et argue que ces mesures visent des individus qui « sapent la démocratie » au Brésil. L’administration défend que la révocation de visas pour motifs de politique étrangère est une pratique légale.
Perspective comparative :
D’autres pays ont-ils déjà utilisé les restrictions de visa pour faire pression sur des magistrats étrangers ? Cette pratique soulève des questions fascinantes sur les limites de la diplomatie coercitive. Les spécialistes de droit diplomatique pourraient apporter un éclairage précieux sur les précédents historiques.
Analyse juridique nuancée :
Si les États ont effectivement une large discrétion en matière de visas, l’utilisation de cette prérogative pour faire pression sur des magistrats étrangers soulève des questions. Cette ingérence pourrait violer :
- L’article 41 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (non-ingérence)
- Le principe de souveraineté judiciaire reconnu en droit international coutumier
- L’Accord de coopération judiciaire États-Unis-Brésil de 1997
Les menaces contre les pays membres de la CPI
Les menaces contre les États membres de la CPI
L’ultimatum américain aux 125 États parties du Statut de Rome constitue une tentative inédite de démantèlement par intimidation d’une organisation internationale.
Ses décisions :
Le 8 juillet 2025, lors d’une réunion de l’Assemblée des États parties de la CPI à New York, Reed Rubinstein – conseiller juridique du Département d’État confirmé par le Sénat en mai 2025 par un vote partisan de 52-46 – exige l’abandon de « toutes les actions de la CPI contre les États-Unis et Israël », avertissant que « toutes les options restent sur la table » en cas de refus. Rubinstein, ancien Senior Vice President de l’America First Legal Foundation co-fondée par Stephen Miller, supervise environ 300 avocats du Département d’État.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration maintient que ces avertissements constituent de la diplomatie légitime visant à protéger les intérêts américains contre une cour qu’elle considère comme illégitime et politisée. Elle défend que ces actions relèvent de l’usage de sanctions économiques unilatérales, une pratique courante des grandes puissances.
Analyse juridique nuancée :
Les menaces voilées contre des États souverains pour influencer leur participation à un traité multilatéral soulèvent des questions de coercition diplomatique. Ces actions pourraient violer :
- L’article 86 du Statut de Rome sur l’obligation de coopération
- Le principe de libre consentement des États aux traités multilatéraux
- Le droit international coutumier sur la coercition dans les relations entre États
Les entraves à la coopération environnementale internationales
La crise climatique constitue le défi existentiel de notre époque. Au-delà du retrait de l’Accord de Paris (détaillé au chapitre II), l’administration Trump a activement sapé la réponse collective, ignorant le principe de responsabilités communes mais différenciées qui reconnaît la responsabilité particulière des pays développés dans le réchauffement.
Le sabotage actif de la coopération scientifique
Entraves à la coopération environnementale internationale
L’abandon des obligations climatiques
Le réchauffement climatique ne connaît pas de frontières. Le principe de responsabilités communes mais différenciées reconnaît la responsabilité historique particulière des pays développés dans le réchauffement.
Ses décisions :
Son administration a bloqué la participation de scientifiques américains aux réunions du GIEC en février 2025 et suspendu toutes les contributions financières au processus climatique de l’ONU, créant un déficit de 22% dans le budget de la UNFCCC. En avril 2025, elle a licencié tous les auteurs du Sixième rapport national sur le climat.
Arguments de l’administration Trump :
L’administration argue que les accords climatiques imposent des contraintes économiques injustes aux États-Unis. Elle invoque la souveraineté nationale en matière de politique énergétique, défendant que la réorientation des priorités environnementales est une pratique légale.
Ressources sur le droit climatique international :
- Daniel Bodansky, The Art and Craft of International Environmental Law (Harvard University Press, 2023)
- Centre Sabin pour le droit du changement climatique : climate.law.columbia.edu
- Blog de Benoit Mayer sur le droit international du climat : benoit-mayer.com
Analyse juridique nuancée :
Le sabotage actif de la coopération scientifique et le gel des contributions financières posent problème. Ces actions pourraient violer :
- Le principe de responsabilités communes mais différenciées (Principe 7 de Rio)
- L’obligation de prévention des dommages transfrontaliers (affaire Trail Smelter)
- Le principe de bonne foi dans l’exécution des obligations climatiques en cours
Une offensive sophistique contre l’ordre juridique international
J’arrive à la conclusion que l’administration Trump déploie une stratégie à trois niveaux :
- Exploitation des zones grises juridiques : Trump et ses juristes identifient systématiquement les ambiguïtés du droit international pour justifier des actions controversées mais pas nécessairement illégales.
- Violations techniques masquées par le respect formel : L’administration respecte souvent la lettre des procédures (notifications, préavis) tout en violant l’esprit des obligations (suspension immédiate, non-paiement).
- Violations assumées au nom de la souveraineté : Certaines actions (menaces de force, création d’apatrides) violent clairement le droit international, mais sont présentées comme des exercices légitimes de souveraineté nationale.
Zones grises et débats juridiques légitimes
Cette analyse distingue les actions de l’administration Trump selon leur degré de conformité au droit international. Cette classification reste subjective et mériterait d’être affinée par des spécialistes.
- L’intervention militaire en Iran sans mandat de l’ONU
- Les menaces d’usage de la force contre le Danemark et Panama
- La création d’apatrides par l’abolition du droit du sol
- Le vote contre la condamnation de l’agression russe
- La suspension de l’aide humanitaire d’urgence
- Les sanctions contre des magistrats internationaux
- La légalité des tarifs douaniers sous l’exception de sécurité nationale de l’OMC
- L’étendue du « privilège exécutif » pour refuser de coopérer avec le Congrès
- La base juridique des frappes ciblées (drones) hors des zones de conflit actif
- La portée des obligations lors du retrait d’un traité (ex: OMS, Accord de Paris)
- La qualification des cyber-opérations offensives comme « acte de guerre »
- L’immunité juridictionnelle des États non-parties à la CPI
- L’interprétation constitutionnelle du 14e amendement sur le droit du sol
- Les limites du pouvoir présidentiel en matière d’immigration (« travel bans »)
- Le retrait d’accords internationaux selon les procédures prévues
- L’usage de sanctions économiques unilatérales (pratique courante)
- La révocation de visas pour motifs de politique étrangère
- La réorientation de l’aide au développement selon les priorités nationales
Méthodologie : La distinction entre violations manifestes et zones grises repose sur le consensus doctrinal et jurisprudentiel.
Cette sophistication rend l’offensive trumpienne particulièrement redoutable. Elle ne relève pas de l’ignorance du droit international mais de sa manipulation experte. En exploitant chaque faille, chaque ambiguïté, chaque tension entre souveraineté et multilatéralisme, Trump crée un précédent dangereux : celui d’un « lawfare » inversé où la puissance dominante utilise sa maîtrise du droit pour le subvertir de l’intérieur.
Si certaines critiques peuvent être nuancées par des arguments juridiques légitimes, l’accumulation et la systématicité des violations révèlent néanmoins une volonté délibérée de déconstruire l’architecture juridique internationale construite depuis 1945. La question n’est plus seulement de savoir si chaque action individuelle viole le droit, mais si leur ensemble constitue une attaque coordonnée contre l’idée même d’un ordre international fondé sur le droit.
Comme le documentent les juristes de Cambridge : « Ce modèle de violations apparentes du droit international devrait préoccuper tous ceux qui valorisent l’ordre international fondé sur des règles. » Le précédent est redoutable : si la première puissance mondiale peut impunément violer le droit international de manière aussi massive et méthodique, elle ouvre la voie à un retour généralisé à la loi du plus fort, sapant 80 années de construction patiente d’un ordre juridique international.
L’Amérique de Trump devient ainsi l’incarnation parfaite de l’hyperpuissance hors-la-loi, suffisamment forte pour ignorer le droit, suffisamment habile pour en respecter les formes, suffisamment cynique pour en pervertir l’esprit. Un modèle qui menace l’édifice fragile de la coopération internationale et annonce le retour possible d’un monde où seule compte la force brute. Face à cette offensive, la communauté internationale se trouve à la croisée des chemins : défendre collectivement l’État de droit international ou assister passivement à son démantèlement méthodique par celui-là même qui en fut l’architecte principal.
Et nous ? Que faisons-nous, simples citoyens face à cette lame de fond ? Nous assistons au triomphe de ceux qui ont fait le choix de la régression. Alors informons-nous avec cette urgence particulière de celui qui refuse de subir. Questionnons avec l’obstination de l’enfant qui ne se satisfait pas des faux-semblants. Refusons cette tentation si humaine de préférer la force brute à l’intelligence collective. Car dans cette partie d’échecs planétaire, nous ne sommes pas de simples spectateurs condamnés à l’impuissance — nous sommes les acteurs d’un changement qui n’attend que notre détermination pour s’accomplir.
Pour aller plus loin
Ouvrages de référence :
- Malcolm N. Shaw, International Law (Cambridge University Press, 9e éd., 2021)
- James Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (Oxford University Press, 9e éd., 2019)
- Philippe Sands & Philippe Gautier, Bowett’s Law of International Institutions (Sweet & Maxwell, 7e éd., 2023)
Sites et bases de données :
- American Society of International Law : asil.org
- International Law Association : ila-hq.org
- Max Planck Encyclopedia of Public International Law : mpepil.com
- UN Treaty Collection : treaties.un.org
Blogs juridiques recommandés :
- EJIL: Talk! : ejiltalk.org
- Lawfare Blog : lawfareblog.com
- Just Security : justsecurity.org
- Opinio Juris : opiniojuris.org
Dernière mise à jour : Août 2025. Les corrections et ajouts des lecteurs sont intégrés régulièrement.
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