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L'illusion d’un pacte avec le diable
Publication du "Capital"
La publication du premier tome du « Capital » en 1867 n’est pas qu’une date dans un livre d’histoire. C’est un acte de guerre. Marx, l’intellectuel allemand en exil, fait exploser ce qui est à l’époque une vérité incontestée : le capitalisme comme horizon indépassable. Mais « Le Capital », c’est plus qu’une critique, c’est un scalpel qui ouvre la bête. Et cette autopsie va révéler la face cachée d’un monde en pleine mutation.
Marx contre l'ordre établi : un duel intellectuel
Lorsqu’il publie le « Capital », Marx ne s’attaque pas à une cible facile. Il vise en plein cœur le système capitaliste qui, à cette époque, est perçu comme la source de tout progrès économique. Mais derrière cette façade de prospérité, Marx voit une réalité bien plus sombre : la misère des ouvriers, les inégalités galopantes, et un système qui, loin de bénéficier à tous, ne profite qu’à une poignée de privilégiés. Ce livre est une dénonciation sans concession. Marx n’hésite pas à comparer le capitalisme à un système d’esclavage moderne où les travailleurs sont piégés, exploités jusqu’à la moelle, et jetés dès qu’ils ne sont plus utiles.
La valeur excédentaire : le mécanisme de l’exploitation
Le concept clé que Marx met en lumière dans le « Capital », c’est la valeur excédentaire. Derrière ce terme technique se cache une vérité brutale : le capitaliste s’enrichit non pas en produisant quelque chose de valeur par lui-même, mais en volant la valeur produite par le travailleur. Lorsque l’ouvrier termine sa journée, il a produit bien plus que la valeur de son propre salaire. Cette différence, cette plus-value, est le profit que s’approprie le capitaliste. C’est là que réside le génie destructeur du capitalisme : il transforme chaque travailleur en une machine à profit, une source d’enrichissement perpétuel pour ceux qui détiennent les moyens de production. Plus vous travaillez, plus vous êtes exploité, et plus le capitaliste prospère.
Révolution industrielle : l'ère de l'asservissement mécanisé
Le « Capital » est aussi une réponse cinglante à l’euphorie qui entoure la Révolution industrielle. Dans cette Europe qui se modernise à une vitesse vertigineuse, où les machines envahissent les usines et où les villes s’étendent sous un ciel noirci par les fumées d’usines, Marx voit un cauchemar en marche. Les ouvriers ne sont plus des artisans fiers de leur savoir-faire. Ils sont devenus des pions dans un système productif qui ne leur laisse aucun répit. La division du travail décompose leurs tâches en gestes mécaniques répétitifs. Ils ne sont plus maîtres de rien, pas même de leur propre travail. Marx dénonce une forme d’aliénation totale. L’ouvrier est étranger à ce qu’il produit, à la valeur de son travail, et, au final, à lui-même.
Pire encore, l’introduction des machines n’a pas libéré les hommes comme certains l’avaient prophétisé. Non, ces machines ont intensifié l’exploitation. Elles permettent d’allonger les journées de travail, de démultiplier les cadences, et de réduire encore davantage les ouvriers à des rouages dans une immense machine à profit. Marx parle alors de la création d’une « armée industrielle de réserve » : les masses de chômeurs et de travailleurs précaires qui, à la merci des capitalistes, sont prêtes à accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire, sous la menace constante du chômage.
Instabilité et crises : le capitalisme condamné à s'effondrer
Marx est convaincu que cette exploitation généralisée, cette course effrénée à la productivité, mène le capitalisme droit dans le mur. Pourquoi ? Parce que les contradictions internes du système sont trop profondes pour être ignorées. Chaque crise économique, chaque effondrement des marchés, chaque récession, n’est pas un simple accident. C’est, selon Marx, le capitalisme qui s’étouffe dans ses propres contradictions.
Prenons un exemple simple : pour maximiser la production et les profits, les capitalistes investissent dans des machines. Mais ces machines, aussi performantes soient-elles, ne créent pas de plus-value. Seul le travail humain peut le faire. En remplaçant les ouvriers par des machines, le capitalisme creuse sa propre tombe. Il réduit le nombre de travailleurs exploitables, et par conséquent, sa propre capacité à générer du profit. Marx prédit donc l’inévitable : le capitalisme, en concentrant le capital entre les mains d’une élite, en appauvrissant la masse, et en remplaçant le travail humain par des machines, se condamne lui-même à l’effondrement.
L'illusion du contrat de travail : un masque pour l'exploitation
Marx insiste également sur une idée qui peut sembler paradoxale : ce n’est pas la violation du contrat de travail qui cause l’exploitation, mais son respect scrupuleux. Le contrat de travail, cet accord en apparence égalitaire entre l’ouvrier et l’employeur, est en fait un instrument d’exploitation légitimé. Pourquoi ? Parce que dans ce contrat, le travailleur vend sa force de travail pour une somme qui est inférieure à la valeur qu’il produit réellement. Le capitaliste en sort toujours gagnant. Ce contrat, qui se présente comme un échange honnête, masque en réalité une injustice fondamentale. Le respect du contrat de travail ne fait qu’enchaîner davantage le travailleur dans un système où il est condamné à produire plus qu’il ne reçoit.
L’héritage : un volcan toujours prêt à exploser
Malgré son style ardu et ses concepts complexes, le « Capital » est devenu le texte fondateur de la critique marxiste du capitalisme. Loin d’être un livre oublié sur les étagères des bibliothèques, il a servi de base théorique aux mouvements révolutionnaires qui ont secoué le XXe siècle, de la Révolution russe en 1917 à la Révolution chinoise de 1949. Les idées de Marx, martelées dans ce premier tome, ont alimenté la lutte des classes à travers le monde, et continuent encore aujourd’hui de nourrir les débats sur l’inégalité économique et la justice sociale.
Mais plus que tout, Marx laisse derrière lui une prophétie non accomplie : l’effondrement du capitalisme. Certains diront que le capitalisme a prouvé sa résilience, qu’il a évolué, s’est adapté. Mais les inégalités, la précarité croissante, la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns, et les crises économiques cycliques rappellent que les contradictions que Marx avait décelées sont toujours présentes, tapies sous la surface.
Le Capital n’est pas simplement un livre. C’est une machine de guerre intellectuelle, un appel à la révolution. Et bien que les révolutions passées aient échoué à instaurer la société sans classes qu’il espérait, le message de Marx continue d’alimenter l’espoir de ceux qui rêvent encore de renverser la table. Le capitalisme n’est pas invincible, semble-t-il dire, et un jour, la dernière page du « Capital » se lira dans les rues.
Synthèse des conditions de travail
| Pays | Conditions de Travail | Logement | Santé et Espérance de Vie | Accès à l’Éducation |
|---|---|---|---|---|
| Allemagne | Journées de travail longues (12-14h), faible sécurité, introduction massive des machines entraînant des pertes d’emploi, salaires bas. | Logements surpeuplés et insalubres dans les zones urbaines en développement, conditions sanitaires déplorables. | Conditions sanitaires très mauvaises, taux de mortalité infantile élevé, espérance de vie limitée (40-45 ans). | Éducation limitée aux classes aisées, les enfants ouvriers travaillent dès leur plus jeune âge. |
| France | Journées de travail longues (12-15h), emploi précaire, salaires bas, manque de protection sociale, ateliers insalubres. | Logements insalubres, surpeuplement dans les faubourgs industriels, absence d’infrastructures sanitaires adéquates. | Maladies fréquentes dues à l’insalubrité, faible accès aux soins, espérance de vie autour de 40 ans. | Peu d’accès à l’éducation pour les enfants des ouvriers, travail des enfants courant dès l’âge de 10 ans. |
| Royaume-Uni | Journées de travail longues (12-16h), conditions dangereuses, salaires bas, enfants et femmes travaillant dans des usines, introduction massive de machines. | Quartiers ouvriers surpeuplés dans les villes industrielles, logements insalubres avec des conditions sanitaires très précaires. | Conditions sanitaires précaires, maladies industrielles fréquentes, espérance de vie réduite (35-40 ans). | Travail des enfants très répandu, éducation peu accessible, forte exploitation des jeunes dans les usines. |
Marx en quelques dates
Il est est l’architecte d’une pensée qui a bouleversé le monde moderne. Né en 1818 à Trèves, il devient rapidement un critique acerbe du capitalisme et consacre sa vie à dévoiler ses mécanismes d’exploitation. Érudition brillante et plume acérée, Marx conjugue rigueur théorique et militantisme passionné, forgeant les concepts de lutte des classes, de plus-value et d’aliénation. Exilé à Londres, il y passe des années à la bibliothèque du British Museum, obsédé par l’étude des systèmes économiques. Son ouvrage phare, « Le Capital », est une dissection minutieuse du capitalisme, qu’il déclare voué à s’effondrer sous ses propres contradictions. Personnage controversé, il inspire révolutions et mouvements ouvriers à travers le monde, laissant une empreinte indélébile sur la pensée politique du XXe siècle.
Chronologie
1818 mai 5 – Karl Marx naît à Trèves, en Prusse (aujourd’hui en Allemagne), dans une famille juive convertie au protestantisme.
1835 : Marx commence ses études à l’Université de Bonn pour étudier le droit, mais il se fait rapidement transférer à l’Université de Berlin, où il s’intéresse à la philosophie.
1841 : Il obtient son doctorat en philosophie avec une thèse sur Démocrite et Épicure, soulignant déjà son intérêt pour la critique des idéologies.
1843 – Après avoir édité la Gazette rhénane, une revue libérale de Cologne censurée par les autorités prussiennes, Marx part en exil à Paris, où il rencontre Friedrich Engels, son futur collaborateur.
1844 – Marx et Engels commencent à collaborer, et publient ensemble « La Sainte Famille », une critique des jeunes hégéliens. Marx rédige également les Manuscrits économico-philosophiques, où il aborde l’aliénation sous le capitalisme.
1845 – Expulsé de France, Marx s’installe à Bruxelles. Il y développe sa théorie matérialiste de l’histoire.
1847 – Marx et Engels rejoignent la Ligue des communistes. Ils écrivent ensemble le « Manifeste du parti communiste », publié en février 1848, proclamant que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes. »
1848 – Les révolutions éclatent en Europe. Marx retourne en Allemagne pour participer aux soulèvements révolutionnaires, mais après l’échec de ces mouvements, il est de nouveau exilé, cette fois à Londres.
1849 – Marx s’installe définitivement à Londres. Il vit dans une grande pauvreté, mais il continue ses recherches sur l’économie politique et le capitalisme.
1859 – Marx publie « Contribution à la critique de l’économie politique », un texte préliminaire à « Le Capital ».
1864 – Marx participe à la fondation de la Première Internationale ouvrière (l’Association Internationale des Travailleurs).
1867 -Marx publie le premier volume de « Le Capital ». Ce livre décortique les mécanismes économiques du capitalisme et critique la logique d’exploitation des travailleurs. Les volumes II et III seront publiés après sa mort par Friedrich Engels.
1871 – Marx soutient la Commune de Paris, qu’il qualifie de première tentative de la classe ouvrière de prendre le pouvoir. Cette expérience révolutionnaire influence profondément sa pensée.
1881 – La mort de Jenny von Westphalen, l’épouse de Marx, l’affecte profondément et accélère son propre déclin physique.
1883 mars 14 – Karl Marx meurt à Londres à l’âge de 64 ans. Il est enterré au cimetière de Highgate. Son épitaphe cite la célèbre formule : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
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